"J'ai ordonné à notre ministre des Affaires étrangères de déclarer au plus vite ces dix ambassadeurs persona non grata", a affirmé le chef de l'Etat lors d'un déplacement dans le centre de la Turquie, sans préciser la date à laquelle les diplomates devront partir.
Ces diplomates "doivent connaître et comprendre la Turquie", a poursuivi Recep Tayyip Erdogan en les accusant "d'indécence". "Ils devront quitter" le pays "s'ils ne le connaissent plus", a-t-il ajouté.
Mesure rare dans les relations internationales, déclarer "persona non grata" des diplomates ouvre la voie à leur expulsion ou leur rappel par leur propre pays.
Selon une source diplomatique allemande, les dix pays concernés se concertaient hier soir, sans avoir toutefois reçu de notification officielle de la mesure.
"Du matin au soir ils (les diplomates) répètent: Kavala, Kavala... Mais celui dont vous parlez, Kavala, c'est l'agent de Soros en Turquie", a affirmé le président Erdogan durant une réunion publique, faisant une nouvelle fois référence au milliardaire américain d'origine hongroise George Soros auquel il compare régulièrement l'opposant.
Emprisonné depuis quatre ans sans jugement, Osman Kavala est accusé depuis 2013, par le régime du président Erdogan, de vouloir déstabiliser la Turquie.
A 64 ans, cette figure majeure de la société civile, homme d'affaires richissime et philanthrope, né à Paris, a été maintenu en détention début octobre par un tribunal d'Istanbul qui a estimé "manquer d'éléments nouveaux pour le remettre en liberté".
Osman Kavala, qui a toujours nié les charges pesant contre lui, comparaîtra de nouveau le 26 novembre.
Arrêté initialement pour sa participation au mouvement anti-gouvernemental dit de Gezi en 2013, époque à laquelle Recep Tayyip Erdogan était Premier ministre, il a ensuite été accusé de tentative de coup d'Etat et d'espionnage.
Dans un communiqué publié lundi soir, le Canada, la France, la Finlande, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et les Etats-Unis ont appelé à un "règlement juste et rapide de l'affaire" Osman Kavala, homme d'affaires et mécène turc devenu une des bêtes noires du régime, emprisonné depuis quatre ans sans jugement.
Dès le lendemain, leurs ambassadeurs étaient convoqués au ministère des Affaires étrangères, les autorités turques jugeant "inacceptable" leur démarche.
Le chef de l'Etat turc avait ensuite brandi la menace d'une expulsion à son retour d'une tournée africaine, jeudi dernier, 22 octobre 2021.
Parmi les premiers pays à réagir, hier soir, samedi 23 octobre 2021, la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas ainsi que l'Allemagne qui ont fait savoir qu'ils n'avaient reçu aucune notification officielle concernant leurs ambassadeurs respectifs à ce stade.
Un peu plus tard, les Etats-Unis ont fait de même.
"Nous sommes au courant de ces informations et cherchons à en savoir plus auprès du ministère turc des Affaires étrangères", a indiqué hier, samedi 23 octobre 2021, un porte-parole du Département d'Etat américain.
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"Notre ambassadeur n'a rien fait qui puisse justifier l'expulsion", a affirmé une porte-parole du ministère norvégien des Affaires étrangères, Trude Måseide, citée par l'agence de presse NTB, ajoutant que son pays "continuera d'exhorter la Turquie à adhérer aux normes démocratiques".
"Nous sommes actuellement en consultation intensive avec les neuf autres pays concernés", a de son côté annoncé le ministère allemand des Affaires étrangères.
Plusieurs parlementaires néerlandais ont réagi sur les réseaux sociaux.
"A juste titre, l'ambassadrice néerlandaise en Turquie a entre autres appelé à mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. Désormais, les 27 pays de l'UE doivent se rallier à cela", a tweeté la parlementaire travailliste Kati Piri.
En décembre 2019, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait ordonné la "libération immédiate" d’Osman Kavala - en vain.
Dans un entretien récent à l'AFP, Osman Kavala a estimé que sa détention permet au régime d’Erdogan de justifier ses "thèses complotistes".
"Considérant qu'un procès équitable n'est plus possible dans ces circonstances, je pense que cela n'a aucun sens pour moi d'assister aux audiences à venir", a-t-il annoncé vendredi via ses avocats.
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Le Conseil de l'Europe a récemment menacé la Turquie de sanctions, qui pourront être adoptées lors de sa prochaine session (30 novembre au 2 décembre) si l'opposant n'est pas libéré d'ici là.
Le chef de l'opposition Kemal Kiliçdaroglu a estimé que la menace d'une prochaine expulsion des ambassadeurs risquait de "précipiter le pays dans le gouffre".