Alors que l'Union européenne vient de serrer la vis économique avec un sixième paquet de sanctions à l'égard de Moscou, prévoyant notamment un embargo sur le pétrole russe, Washington avance sur le soutien militaire.
Le président américain Joe Biden a écrit mardi dans le New York Times que son pays allait «fournir aux Ukrainiens des systèmes de missiles plus avancés et des munitions qui leur permettront de toucher plus précisément des objectifs clé sur le champ de bataille en Ukraine».
Il s'agit, selon un haut responsable de la Maison blanche, de Himars (High Mobility Artillery Rocket System), c'est-à-dire des lance-roquettes multiples montés sur des blindés légers, d'une portée de 80 kilomètres environ.
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Ces équipements font partie d'un nouveau volet plus large d'assistance militaire américaine à l'Ukraine, de 700 millions de dollars au total, dont le détail doit être donné mercredi.
Toujours soucieux de ne pas être considéré comme cobelligérant, Joe Biden a insisté sur le fait qu'il «n'encourage pas» et «ne donne pas à l'Ukraine les moyens de frapper» sur le territoire russe.
Pour des spécialistes, les Himars pourraient changer le rapport de force militaire sur le terrain, alors que l'armée ukrainienne semble reculer dans le Donbass face à la puissance de feu de Moscou.
Dans cette région de l'est de l'Ukraine, les forces russes sont sur le point de s'emparer de Severodonetsk, ville stratégique dont elles «contrôlent la majeure partie», a annoncé mardi le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï.
Ce dernier a appelé les habitants de cette ville «détruite à 90%» à rester dans les abris et à «préparer des masques pour le visage trempés dans une solution de soude» après qu'un «réservoir d'acide nitrique» d'une usine chimique a été «touché» par une frappe russe.
«Chaudron»«Compte tenu de la présence d'une production chimique à grande échelle à Severodonetsk, les frappes de l'armée russe dans cette ville, avec des bombardements aériens aveugles, sont tout simplement folles», a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans un message vidéo mardi soir.
«Mais au 97e jour d'une telle guerre, cela n'étonne plus que, pour les militaires russes, pour les commandants russes, pour les soldats russes, toute folie soit absolument acceptable», a-t-il ajouté.
Les combats, trop dangereux, empêchent l'évacuation des civils, ce qui a fait dire au gouverneur qu'il n'y a «désormais aucune possibilité de quitter» la ville mardi, au lendemain de la mort dans cette zone du journaliste français Frédéric Leclerc-Imhoff, qui accompagnait un véhicule humanitaire évacuant des habitants.
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Il pourrait rester 12.000 civils dans la ville, selon le Norwegian Refugee Council (NRC), une ONG dont l'essentiel du personnel en Ukraine y était basé jusqu'à l'invasion russe du pays le 24 février.
Selon la vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Malyar, un des objectifs de Moscou est «d'encercler les troupes ukrainiennes et de compliquer la situation en nous faisant chanter plus tard avec ces troupes encerclées, ce qu'on peut appeler en général un ‘chaudron’».
«Jusqu'à présent, il n'ont pas réussi, parce que l'armée ukrainienne résiste avec une grande puissance», a-t-elle affirmé mercredi matin sur YouTube, avant de reconnaître que les forces russes possèdent «un avantage en matière de quantité d'équipements, d'armes et d’hommes».
Dans le sud, les forces ukrainiennes ont affirmé regagner du terrain notamment dans la région autour de Kherson, ville proche de la Crimée et passée sous contrôle russe début mars.
Sur le plan diplomatique, l'absence de pourparler ne laisse présager aucun cessez-le-feu prochainement, même ponctuel.
FootballLes Occidentaux semblent, eux, concentrer leurs efforts sur le déblocage des ports ukrainiens de la mer Noire. Des centaines de tonnes de céréales ukrainiennes ne peuvent pas être exportées à cause d'un blocus russe, faisant planer le risque d'une crise alimentaire mondiale.
La mise en place de «corridors sécurisés» pour le transport de ces céréales sera au coeur de la visite du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov en Turquie le 8 juin, selon son homologue turc Mevlüt Cavusoglu.
Mais Sergueï Lavrov a rejeté la responsabilité sur Kiev et les Occidentaux mardi.
«Les pays occidentaux, qui ont créé une tonne de problèmes artificiels en fermant leurs ports aux navires russes, en supprimant des chaînes logistiques et financières, doivent réfléchir sérieusement à ce qui compte le plus», a-t-il déclaré, en référence aux sanctions contre Moscou.
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«Soit faire de la com' sur la question de la sécurité alimentaire, soit résoudre ce problème avec des mesures concrètes: la balle est dans leur camp», a-t-il poursuivi, lors d'une visite à Bahreïn.
Dans les rues de Kiev, les Ukrainiens attendent les 90 minutes qui, mercredi soir, leur permettront de s'échapper du quotidien de la guerre, avec le match de qualification pour le Mondial-2022 de leur équipe face à l'Ecosse à Glasgow.
«J'espère une victoire», confie à l'AFP Andriy Veres: «en ce moment, c'est très important pour le pays, pour tout le monde, pour ceux qui sont fans de foot, mais même pour ceux qui ne le sont pas».