Après la publication de ces documents mardi soir, François Hollande a convoqué un Conseil de défense mercredi à 09H00 pour "évaluer la nature" des informations du lanceur d'alerte. La Maison Blanche s'est refusée à commenter ou démentir ces informations. "Nous ne faisons pas de commentaires sur des allégations spécifiques liées au renseignement", a déclaré Ned Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC).
"De manière générale, nous ne menons pas d'opérations de surveillance à l'étranger sauf s'il existe un objectif de sécurité nationale spécifique et validé", a-t-il poursuivi dans un communiqué. "Cela s'applique aux citoyens ordinaires comme aux dirigeants mondiaux". Les écoutes de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande par l'agence de renseignement américaine NSAconstituent en elles-mêmes la principale information délivrée par les deux médias. Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a cependant affirmé mardi soir que d'autres révélations viendraient prochainement.
L'entourage de Sarkozy a fait savoir que l'ancien président jugeait "ces méthodes" d'espionnage "inacceptables en règle générale, et plus particulièrement entre alliés". L'entourage de Chirac n'a pas souhaité réagir "à ce stade". Ces documents, classés "top secret", consistent notamment en cinq rapports de l'agence de la NSA, basés sur des "interceptions de communication". Ils étaient destinés à la "communauté du renseignement" américaine et à des responsables de la NSA, selon Libération. Ils émanent d'un bureau identifié comme étant celui des "Summary Services", le "service des synthèses".
Le document le plus récent date du 22 mai 2012, soit quelques jours après l'entrée en fonction de Hollande. Il fait état de réunions secrètes destinées à discuter d'une éventuelle sortie de la Grèce de la zone Euro. "Hollande est très inquiet pour la Grèce", écrit la NSA, qui affirme également que le chef de l'Etat avait trouvé la chancelière allemande Angela Merkel, qu'il avait rencontrée à Berlin le jour même de son investiture le 15 mai 2012, "obnubilée par le "Pacte budgétaire" et surtout par la Grèce qu’elle a laissée tomber, selon lui, et n’en bougera plus".
«Cela va avec la fonction...»
Autre révélation, le président Hollande, après avoir rencontré Merkel, a contacté le chef du SPD Sigmar Gabriel et l’a invité à Paris pour qu’ils puissent discuter. Son Premier ministre d'alors, Jean-Marc Ayrault, lui conseille de garder l'évènement secret pour éviter les "problèmes diplomatiques", si la chancelière venait à apprendre que Paris rencontrait l'opposition allemande à son insu.
Quant à Sarkozy, la NSA affirme, après la crise financière de 2008, qu'il "croit que Washington tient désormais compte de certains de ses conseils". "Selon lui, c’est la première fois que les Etats-Unis n’ont pas agi en leaders dans la gestion d’une crise mondiale et la France va maintenant prendre la main", écrit encore la NSA. "Sarkozy se voit comme le seul à pouvoir résoudre la crise financière mondiale", estime également l'agence américaine. Elle affirme qu'il envisageait aussi de faire appel au président russe d'alors, Dimitri Medvedev, pour "une éventuelle initiative commune" au Proche-Orient, mais "sans les Etats-Unis".
Le 24 mars 2010, la NSA transmet le compte-rendu d’une conversation entre l’ambassadeur de France à Washington, Pierre Vimont, et le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, Jean-David Levitte. Objet : les thèmes que le président français veut aborder lors de son entretien prévu le 31 mars avec Barack Obama. "L’échange prouve que Paris est parfaitement conscient de l’espionnage américain", écrit Mediapart.
Enfin, la NSA affirme que la façon dont Jacques Chirac donnait des ordres à Philippe Douste-Blazy (qu'il avait chargé de soutenir la nomination du Norvégien Terje Roed-Larsen comme secrétaire général-adjoint de l'ONU) prouvait qu'il percevait son ministre des Affaires étrangères comme ayant une "propension (...) à faire des déclarations inexactes et inopportunes".