Les images parlent d’elles-mêmes et, là encore, elles défient tout entendement. Et ce qui a commencé avec le désastre des défections des chefs d’Etat qui pèsent dans le monde arabe s'est terminé avec une pantalonnade signée Tebboune. La séquence est digne de «The Dictator». Sauf que ce n’est pas un trépidant Sacha Baron Cohen, mais plutôt un gesticulant Abdelmadjid Tebboune, dominant de l’estrade d’un étage supérieur des «journalistes» agglutinés au rez-de-chaussée, qui a livré le «mot de la fin».
Hier mercredi 2 novembre, depuis un balcon l’isolant de la plèbe dans l’enceinte abritant le sommet de la Ligue arabe, Tebboune a fait une apparition devant les médias de son pays. Entouré d’une garde rapprochée en grand nombre, feignant un satisfecit de circonstance, le président algérien a daigné s’exprimer. Pour dire quoi? Que le sommet est une réussite et que désormais, «la cause palestinienne, j’en fais mon affaire et je m’en occupe personnellement». Le reste, tout le reste: «Il faut voir avec Ssi Lamamra (ministre algérien des Affaires étrangères, NDLR) pour les détails». Ce sera tout, circulez, il n’y a plus rien à voir. C’est en effet au chef de la diplomatie algérienne qu’est revenu le rôle de rapporteur lors du point de presse de bilan, tenu conjointement avec le secrétaire général de la Ligue arabe, l’Egyptien Ahmed Aboul Gheit.
A ceux qui s’attendaient à des questions pertinentes, des interpellations qui fâchent, et des réponses franches et directes, il faudra repasser. Face à Tebboune, il n’y avait pas de place pour les journalistes, les vrais, mais pour les fans inconditionnels et autres groupies qui buvaient les paroles de «leur» président. Lequel chef d’Etat, comme porté par autant d’admiration, a fait preuve de modestie et s’est penché sur la balustrade, en prenant la posture d’un pharaon qui daigne s’approcher un peu d’une foule d’idolâtres qui tendaient une forêt de micros comme autant d’offrandes.
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Enivré par les acclamations venues d’en bas, Tebboune s’est vu même plus grand que le Conseil de sécurité de l’ONU (dont les cinq membres permanents sont les Etats-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, la France et la Russie) en pointant du doigt l’incapacité de cette instance à régler la question palestinienne, et suggérant que lui – seul– peut en découdre tant avec Israël que ses alliés. Une folie des grandeurs qui alerte sérieusement sur la santé mentale de Tebboune.
Le numéro de Tebboune devant «ses» journalistes idolâtres restera sans doute dans les annales comme ce qu’il y a de plus mauvais dans les sommets de la Ligue arabe. Même dans ses excès les plus mémorables, Mouammar Kadhafi ne s’est pas donné en spectacle comme Abdelmadjid Tebboune. Les bouffonneries du président algérien ont toutefois un seul mérite: elles rendent moins tragique l’absence de plusieurs leaders du monde arabe, en plaçant le rendez-vous d’Alger dans le registre de la farce.