Dans un article, intitulé «Projet Pegasus: face aux dénégations de NSO Group et du Maroc, «Le Monde» maintient ses informations», le quotidien français se livre à un exercice alambiqué pour fournir les preuves des graves accusations d’espionnage massif qu’il a portées contre le Maroc. Dans cet article, publié hier, jeudi 22 juillet, on apprend que «le Citizen Lab de l’université de Toronto, l’un des principaux centres de recherche au monde sur les logiciels espions, avait, dès 2018, identifié le Maroc comme un très probable client de NSO». «Très probable» ne vaut pas confirmation, et surtout ne donne pas de blanc-seing pour attribuer au Maroc l’espionnage de 10.000 smartphones.
Après la référence au laboratoire canadien qui avait formulé une hypothèse, Le Monde se cramponne à Security Lab, le laboratoire d’Amnesty International (AI), en affirmant que «les preuves matérielles» de son accusation sont «publiques». Quelles sont ces preuves matérielles? Le quotidien français fait l’ellipse de les citer, et renvoie vers un lien d’Amnesty International. Au regard de la gravité des propos tenus, tout un chacun peut être surpris du choix de la rédaction du Monde de ne pas détailler à ses lecteurs la nature exacte des «preuves matérielles» dont elle dispose, mais les renvoie vers un document laborieux d’AI, écrit en anglais, langue que ne maîtrisent pas tous les lecteurs du Monde. L’incongruité de cette démarche est incompréhensible de la part d’une des rédactions qui dispose du plus grand nombre de journalistes en Europe et qui a fait le choix sidérant d’orienter ses lecteurs francophones vers un document, écrit en anglais, supposé fournir les preuves tangibles de ses récits à charge contre le Royaume.
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En fait, si Le Monde a fait l’impasse sur le détail des «preuves matérielles » qu’il cite, c’est qu’il n’est tout simplement pas possible de les trouver dans le document d’AI. A aucun moment, ce document ne fournit la preuve de l’utilisation par le Maroc de Pegasus. A aucun moment, ce document de l’ONG internationale n’évoque les 10.000 numéros de smartphones que le journal Le Monde et Radio France, les publications françaises qui font partie du consortium de 17 médias parties prenantes dans cette affaire, attribuent pourtant, et de façon catégorique, aux services de renseignements marocains.
Le Monde peine donc visiblement à répondre à cette question légitime: de quelles preuves dispose-t-il pour faire endosser au Royaume du Maroc l’espionnage de 10 000 smartphones?
Manifestement, ni Le Monde, ni les 16 autres médias du consortium Forbbiden stories n’ont les preuves de ce qu’ils avancent. La seule preuve qu’ils ont, c’est qu’ils sont 17, mais ce nombre, s’il porte malheur dans la culture superstitieuse italienne, est aussi tout juste bon pour organiser une chasse à courre, et non à même d’établir une vérité. Cette campagne collective de dénigrement orchestrée contre le Maroc rend accessoire, à leurs yeux, l’étaiement des récits par un minimum de preuves ou même l’ombre d’une preuve. On comprend dès lors les mots employés par Me Olivier Baratelli, mandaté par le Royaume du Maroc et son ambassadeur en France, pour attaquer en diffamation Amnesty et Forbidden Stories devant le tribunal correctionnel de Paris. Me Baratelli a formellement dénoncé hier, jeudi 22 juillet 2021, dans un communiqué diffusé par l’AFP, des «fake news».
Le récit sensationnaliste de 10.000 numéros de téléphones, qui auraient pu être espionnés par les services marocains laissent très dubitatifs les professionnels du renseignement. Ancien patron du renseignement français, Bernard Squarcini a ainsi déclaré à la station de radio Europe 1 que «c’est trop facile» de faire endosser le ciblage de personnalités politiques françaises au Maroc. Ajoutant, par ailleurs, «ne pas trop y croire». Le Maroc a-t-il été utilisé comme proxy par un tiers pour brouiller les pistes, ou pour nuire au Royaume? Interrogé par Le360, un ancien agent du renseignement marocain n’écarte pas l’hypothèse que le Royaume ait servi de proxy dans cette affaire. Il explique que «les services de renseignement ont l’habitude de jouer à ce jeu: charger un adversaire par la bande!».
Et d’ajouter: «une bibliothèque NSO de 10.000 numéros coûterait au bas mot entre 2 et 5 milliards de dollars. C’est irréaliste pour le Maroc!». Cette même source ajoute que l’intelligence humaine pour traiter instantanément ces datas, composés de plusieurs millions de données, est introuvable au Maroc. La source explique aussi que «l’incohérence des noms de la bibliothèque transforme l’affaire en farce». Il n’existe pas de dénominateur commun entre nombre de personnes figurant sur la liste des numéros retenus avec les intérêts marocains. «On peut admettre que les services marocains aient des centres d’intérêt domestiques, mais pas au point d’aligner des cadors de la politique politicienne française sans intérêt », a-t-il expliqué en substance.
Parmi les incohérences difficilement explicables de ces prétendues révélations, l’absence manifeste du moindre homme politique espagnol dans cette liste de 10.000 journalistes et personnalités. Si l’on considère que le «Sahara occidental» est au centre des intérêts stratégiques du Maroc, comment expliquer, dès lors, qu’il n’y ait pas un seul homme politique espagnol dans cette liste de 10.000 personnes. Comment cela pourrait-il être, alors même que l’Espagne a pourtant été un ancien colonisateur du Maroc, et que les séparatistes y comptent de nombreux soutiens?
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Autre incohérence, difficilement explicable: à quelles fins servent l’éventement de la présence du chef de l’Etat, le roi Mohammed VI, et de son entourage, dans la liste prétendument ciblée par les services marocains? Quel message cherche-t-on à diffuser en affirmant que le Roi du Maroc est mis sur écoute par ses propres services? Il ne fait dès lors plus aucun doute que la (ou les) parties qui ont été, ou sont toujours, derrière ces manœuvres ciblent, en fait, la stabilité du pays et cherchent, de fait, à fragiliser les institutions en charge de la sécurité nationale.
Vouloir poser le Maroc comme une grande puissance internationale du renseignement massif relève, manifestement, d’une opération de déstabilisation et de dénigrement surdimensionnée. Celle-ci a lieu avec la complicité de médias pourtant supposés être extrêmement professionnels et connaissant les règles de la déontologie de leur métier sur le bout des doigts, des médias qui, manifestement, et étrangement à contre-courant de toute éthique journalistique, ont décidé de ne pas étayer leurs récits par des preuves.