Il est une règle aussi évidente qu’essentielle qui veut que pour bien comprendre un texte ou un discours, il faut d’abord le lire ou l’écouter en entier. Le risque d’erreur, de mauvaise interprétation, et d’utilisation est, sinon, grand. Très grand. C’est le piège (encore un) dans lequel l’agence officielle algérienne de propagande (APS) est tombée en livrant, mardi 26 juillet 2022, un compte-rendu pour le moins tronqué, et donc trompeur, de la sortie du général Stephen J. Townsend, le chef du Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) et tête de pont côté US de l’opération African Lion, organisée annuellement et conjointement avec les Forces armées royales marocaines.
Lors d’une conférence de presse donnée par visio-conférence le même mardi et consacrée au bilan de ses trois années à la tête de ce commandement, Stephen J. Townsend, qui passe le relais, a eu à répondre à la question si l’Africom explorait d’autres lieux en Afrique pour organiser l’opération African Lion. Fidèle à son rôle de détourneur professionnel de faits et paroles pour le seul usage domestique et le plaisir solitaire des caporaux, APS n’a évidemment retenu que la partie de la réponse qui l’arrangeait. Homme d’action, le général américain a d’abord affirmé que «la réponse la plus courte est oui. Nous sommes en train de le faire car le Congrès nous a demandé de déplacer ces exercices ou une grande partie des exercices vers d’autres lieux du continent». Et c’est à peu près tout pour l’Agence de Propagande et des Sornettes (APS) algérienne. Mais c’est tout sauf toute la réponse qu’il a donné, pourtant disponible sur simple clic sur le site du Département d’Etat américain qui documente tous les faits et paroles des hauts responsables US. D’ailleurs, c’est sur ce même site qu’on découvre toutes les insanités proférées par le président Tebboune quand il avait reçu le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, le 30 mars 2022 à Alger.
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Mais qu’a dit Stephen J. Townsend au juste, et en vrai? Il a effectivement admis l’idée que les Etats-Unis cherchaient à diversifier les pays d’accueil d’African Lion. C’est au demeurant le propre de toute puissance militaire cherchant à se développer et à parfaire ses capacités opérationnelles. Cela, les caporaux, qui se gargarisent d’équipements et de stratégies militaires d’un autre âge, ne peuvent pas le comprendre. Le haut gradé américain ne s’est cependant pas arrêté là.
Si l’Africom agit de la sorte, c’est parce qu’une commission du Congrès lui a demandé de le faire. «Notre Congrès a adopté notre loi sur la défense pour l'exercice 2022 qui nous oblige à envisager de diversifier l'exercice et, partant, à envisager peut-être de le déplacer, entièrement ou en partie, vers d'autres régions du continent. Nous y sommes tenus parce nous croyons au contrôle civil de l'armée, et nos dirigeants civils au sein de notre gouvernement nous ont dit de le faire», a-t-il expliqué.
Ce que la dépêche d’APS occulte complètement, c’est que de l’aveu même du général américain, la mission s’annonce d’ores et déjà difficile, voire impossible. «Nous cherchons d'autres endroits. Mais voici les faits: le Maroc a été notre hôte pour 18 éditions de l’exercice African Lion. Ils (les Marocains, NDLR) ont une formidable aptitude à l’organiser. Leur compétence militaire est très haute. Ils ont aussi l'infrastructure, les champs d'entraînement, tout. Ils sont un hôte fantastique», a affirmé le chef du Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique.
Et de rappeler que l’opération African Lion a déjà élargi ses exercices à des pays comme la Tunisie, le Sénégal et le Ghana, mais tout en maintenant sa base et le plus gros de ses opérations au Maroc. «Ce que nous avons fait cette année, c'est que nous avons adopté une approche en étoile, avec un noyau, une partie centrale, au Maroc, une branche en Tunisie qui n'était pas anodine, avec 500 de nos soldats, et d’autres branches au Sénégal et au Ghana», a encore expliqué le haut responsable militaire US.
Une chose est néanmoins certaine: «Il sera difficile de trouver un pays en Afrique, je pense, qui puisse probablement s'approcher de ce que le Maroc a été capable de faire en 18 ans. Certainement pas la première année… Les Marocains sont un hôte fantastique et j'ai hâte de retravailler avec eux sur les futures opérations African Lion. Je suis sûr que cela se produira», a conclu le général Stephen J. Townsend.
De là à limiter tout un exposé à la seule première phrase et la «réponse courte», avouons qu’il existe toute une logique, et bien des affirmations, que les porte-plumes du régime algérien refusent de retranscrire. Au mieux, cela s’appelle du «wishful thinking» voulant que les scénarios futurs correspondent à ses désirs, ce qui relève, une fois de plus, de la psychiatrie.
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A l’origine de l’exploration par l’armée américaine d’alternatives au Royaume pour abriter les plus grands exercices militaires du continent, le lobbying du sénateur James Inhofe, président de la Commission des armées.
Ce sénateur républicain de l’Oklahoma, âgé de 88 ans, est l’un des fervents défenseurs du Polisario et des thèses algériennes. L’origine de son hostilité envers le Maroc s’explique par des raisons très personnelles. Une de ses filles, une évangéliste qui faisait du prosélytisme à Marrakech, a été expulsée du Royaume. James Inhofe en a visiblement gardé une rancune tenace au Maroc et fait preuve d’une énergie surprenante pour contrer les intérêts du Royaume aux Etats-Unis. Selon une source bien informée, James Inhofe a réussi à retarder d’un an la proclamation historique de Donald Trump sur la marocanité du Sahara atlantique.
James Inhofe a annoncé qu’il ne se présentera pas aux prochaines élections législatives dans l’Oklahoma et qu’il prendrait sa retraite le 3 juin 2023. L’histoire retiendra (ou pas) qu’il avait également tenté, en octobre 2021, de limiter le soutien aux manœuvres militaires conjointes des Etats-Unis avec le Maroc dans une résolution amendant le projet de loi budgétaire au Pentagone pour 2022. Ironie du sort: au moment où le Comité du Sénat adoptait cette résolution, de hauts responsables des armées américaine et marocaine ainsi que ceux de plusieurs autres armées alliées étaient réunis à Agadir pour préparer l’édition 2022 des manœuvres African Lion.
Au final, c’est toujours la réalité du terrain qui l'emporte. Les relais médiatiques du régime algérien qui se réjouissent de la fin de l’Africom au Maroc risquent d’être douchés froidement l’été prochain.