Ce premier trimestre 2020, l'Algérie est entrée dans la crise économique la plus grave de sa jeune histoire. Le pays serait même au bord de l’asphyxie, comme le prouve la batterie de mesures sans précédent que le président algérien Abdelmadjid Tebboune a instaurées à travers une politique d’austérité jamais initiée dans le pays. Une cure d’amaigrissement drastique qui a vu la loi de finances 2020 perdre 50% de son enveloppe d’un seul coup.
La vertigineuse chute des prix du pétrole est passée par là. Avec un baril qui risque de se négocier près de 20 dollars dès la semaine prochaine, la crise sanitaire mondiale consécutive à la propagation de la pandémie de coronavirus a tout chamboulé. Alger avait en effet confectionné son budget 2020 sur des projections d’un baril de pétrole aux alentours de 60 dollars. En ce 27 mars, le baril du Brent, pétrole de référence en Algérie, affichait 26,34 dollars contre 23,12 pour le baril du WTI. Un coup d’autant plus dur que le gaz et le pétrole représentent 96% des exportations de l’Algérie, près de la moitié de son PIB et 60% des recettes budgétaires de l’Etat.
Signe qui ne trompe pas, le président algérien a commencé par des coupes drastiques dans le budget de la Sonatrach, gestionnaire des hydrocarbures. Cet Etat dans l’Etat a lui aussi vu ses charges d’exploitation et d’investissements réduites de plus de 7 milliards de dollars au lieu des 14 précédemment prévus. Une décision qui signifie que la principale mamelle nourricière de l’Etat va voir ses moyens de production réduits, ce qui impactera négativement sa productivité et donc les revenus qu’elle verse aux caisses de l’Etat.
Mais même si le budget de fonctionnement de l’Etat sera lui aussi défalqué de 30%, il a été décidé que cette diète épargnera les dépenses socialement incompressibles, comme les salaires des fonctionnaires (achat de la paix sociale), ou celles, intouchables, des dépenses militaires, c’est à dire la part du lion octroyée aux généraux, qui tirent les ficelles du pouvoir.
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Intouchable, l’est également le budget des «Moudjahidine» (anciens combattants), une rente dont l’ampleur dévastatrice sur l’économie n’est plus à prouver. En effet, selon l’ancien ministre algérien du Trésor, Ali Benouari, ce budget «correspond à 750 fois celui du tourisme et de l’artisanat; 90 fois celui de l'environnement et des énergies renouvelables; 90 fois celui des postes et des TIC; 45 fois celui de l'industrie et des mines; 22,5 celui des ressources en eau; 15 fois le budget de l'habitat, de l'urbanisme et de la ville…».
Pire, les projets émargés au budget d’investissement, mais non encore entamés, ont purement et simplement été abandonnés. Preuve qu’en Algérie, les chantiers programmés au budget de l’Etat et votés par les députés relèvent du futile ou ne s’inscrivent en tout cas pas dans le cadre d’une vision globale de développement intégré. Un développement complètement raté, quand on sait qu’entre 1999 et 2014, l’Algérie a encaissé la colossale somme de 1.000 milliards de dollars tirée des exportations du pétrole et du gaz et avait l’opportunité de réaliser un grand bond en avant. Mais son Fonds de régulation des recettes, qui comptait 40 milliards de dollars en 2016, est complètement asséché aujourd’hui, comme annoncé à plusieurs reprises par certains médias algériens. Un énorme gâchis.
Et last but not least, le gouvernement algérien a fixé la liste nominative de dix-sept produits de première nécessité (farine, pâtes, conserves, fruits et légumes…), qui seront désormais interdits d’exportation. Une lapalissade en somme, puisque ces produits étaient convoyés sporadiquement vers l’Afrique subsaharienne à travers la Mauritanie, qui a fermé toutes ses frontières terrestres avec tous ses voisins.
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Une situation difficile dont apparemment on cherche à détourner les regards ou la réflexion. En effet, au moment où les médias devraient se concentrer sur l’information des citoyens quant à l’évolution de la pandémie du Covid-19, les sensibiliser davantage sur la prévention et les moyens de contribuer à la lutte contre sa propagation aux conséquences désastreuses, la très officielle agence de presse algérienne (APS) n’a pas trouvé mieux que de s’en prendre à l’intégrité territoriale du Maroc.
Surfant sur la fièvre des voyages interurbains qui s’est emparée des Marocains la semaine dernière, en prévision de l’état d’urgence sanitaire que le royaume a fini par instaurer, l’APS s’est laissé aller dans des ragots de bas étage en tombant dans la ségrégation entre Marocains. L’APS, l’organe officiel de l’Etat algérien, a diffusé une dépêche le jeudi 26 mars sous ce titre racoleur «COVID-19: Plus d'un millier de colons marocains quittent le Sahara occidental et retournent dans leur pays». Elle ajoute que «28 bus, envoyés par le gouvernement marocain pour évacuer ses citoyens, sont arrivés dans la ville sahraouie pour transporter plus d'un millier de colons marocains». La source de cet organe de propagande ? «Des sources médiatiques sahraouies». Il ne faut surtout pas se retenir de rire, parce que cet organe de désinformation rapporte, au mieux, des ragots, quand il n’invente littéralement pas des faits.
Mais aujourd’hui la question est ailleurs. Face à la pandémie du coronavirus, on aurait pu croire que l’Etat algérien allait mettre dans un tiroir sa haine contre le Maroc et l’ouvrir de nouveau après la pandémie. Et bien, c’est très mal connaître la racine du mal, et le navire Algérie peut prendre de l’eau de toutes parts, couler, les membres de son équipage continueront de regarder du côté du Maroc au lieu de sauver leurs concitoyens.