Il n'existe rien de constant, si ce n'est le changement. Avec le revirement de l’Espagne, désormais ouvertement favorable au plan pour l’autonomie du Sahara sous souveraineté marocaine, cette parole attribuée à Bouddha trouve tout son sens. Et du changement, il va y en avoir une fois qu’aura été adoptée cette base de négociations, dorénavant présentée comme la seule et unique issue viable au conflit sur cette région. Certains détails manquent encore puisque tributaires de pourparlers à venir entre le Maroc et les autres parties au différend, dans le cadre des Nations Unies. Mais le Maroc a, depuis la présentation de la proposition d’autonomie en 2007, tracé les contours de ce plan.
Attributs de souverainetéQue l’on ne s’y trompe pas. Autonomie ou pas, le Sahara restera dans son Maroc et le Maroc dans son Sahara. Le Royaume garantit certes à tous les Sahraouis, y compris ceux des camps de Tindouf et d’ailleurs, toute leur place, sans discrimination ni exclusion, et leur droit à gérer par eux-mêmes leurs affaires à travers des organes législatif, exécutif et judiciaire dotés de compétences et de ressources financières. Mais l'Etat conservera ses compétences dans les domaines régaliens, en particulier la défense, les relations extérieures et les attributions constitutionnelles et religieuses du Roi, commandeur des croyants et garant de la liberté du culte et des libertés individuelles et collectives.
Il en ira de même pour les attributs de souveraineté, notamment le drapeau, l'hymne national et la monnaie.
Un Parlement, un gouvernement et une justice autonomesEn dehors des éléments précités, les populations de la région agiront par elles-mêmes, pour elles-mêmes. Ceci, à travers des organes propres.
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En perspective, un Parlement de la région. «Tout porte à croire que cet organe sera à l’image de ceux de pays comptant des autonomies, comme c’est le cas en Espagne, avec des élections locales comme préalable», indique Mohamed Chakir, universitaire et chercheur en sciences politiques. Ce Parlement sera composé non seulement de membres élus au suffrage universel direct par l'ensemble de la population de la région, mais aussi de membres élus par les différentes tribus sahraouies.
Le pouvoir exécutif sera exercé par un chef de gouvernement régional élu par ledit Parlement et investi par le Roi. Représentant de l'Etat dans la région, il aura à former son équipe et nommer les administrateurs nécessaires pour exercer ses pouvoirs.
En matière de justice, des juridictions peuvent être créées. Leurs décisions seront rendues au nom du Roi. Un Tribunal régional supérieur sera la plus haute juridiction et statuera en dernier ressort, mais sans préjudice des compétences des instances nationales (Cour suprême et Conseil constitutionnel). Les lois, règlements et décisions de justice devront, d’ailleurs, être conformes au statut d'autonomie et à la Constitution du Royaume.
Des ressources propresLes populations sahraouies auront la main sur tous les aspects liés à l’économie de la région. «Leurs représentants sont naturellement les plus à même de définir les besoins de ces territoires et les stratégies pour y répondre», commente le Dr Chakir. Les politiques locales de développement économique, de planification, d’investissement, de commerce, d’industrie, de tourisme et d’agriculture seront de leur ressort. Ceci, au même titre que le budget et la fiscalité de la région ainsi que ses infrastructures (eau, électricité, travaux publics, transport…). A cela s’ajoutent les volets social (habitat, éducation, santé, emploi, sport, sécurité, protection sociale), culturel et environnemental. «L’Etat vient en appui, notamment à travers de grands projets structurants. Nous en voyons déjà la démonstration à travers la voie express Tiznit-Dakhla, le grand port de Dakhla Atlantique ou encore le CHU de Laâyoune», précise le chercheur en sciences politiques.
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Le Sahara disposera des ressources financières nécessaires à son développement. «Un plan d’autonomie, c’est automatiquement une attractivité plus importante de ces territoires par rapport aux investissements étrangers. C’est aussi une exploitation optimale de leurs ressources, qu’elles soient agricoles, halieutiques, touristiques ou énergétiques, notamment solaires. Je vous laisse imaginer l’impact en termes de créations de richesses», explique Driss Effina, professeur d’économie à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (INSEA).
Partant, les ressources prévues seront notamment constituées par les impôts, taxes et contributions territoriales, les revenus de l'exploitation des ressources naturelles affectés à la région ainsi que de celles situées dans la région et perçus par l'Etat. A cela s’ajoutent les ressources nécessaires allouées dans le cadre de la solidarité nationale et les revenus provenant du patrimoine de la région. «Une fois le plan d’autonomie en marche, cette région va largement être en mesure de se prendre en charge et générera une économie pouvant aller jusqu’à 20 milliards de dirhams annuellement», précise Driss Effina.
Entre les deuxHormis l’échelle locale, les populations des provinces du Sud continueront à être représentées au sein du Parlement et des autres institutions nationales et à participer à toutes les consultations électorales nationales.
Les compétences de l'Etat seront exercées par un représentant de ce dernier. La responsabilité de l'Etat dans le domaine des relations extérieures sera exercée en consultation avec la région concernant les questions qui se rapportent directement aux attributions de celle-ci, qui pourra établir des liens de coopération avec des régions étrangères en vue de développer le dialogue et la coopération.
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Les compétences qui ne sont pas spécifiquement attribuées seront exercées, d'un commun accord, sur la base du principe de subsidiarité.
Un référendum et une amnistie généraleLe statut d'autonomie de la région fera l’objet de négociations et sera soumis à une consultation référendaire des populations concernées. «Ce référendum, conforme à la Charte des Nations Unies et aux résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité, correspond d’ailleurs parfaitement au principe d'auto-détermination dévoyé par les adversaires du Maroc», explique Khalid Chiat, professeur de droit et de relations internationales à l’Université Mohammed Ier d’Oujda.
Le plan d’autonomie suppose également le retour et la réinsertion des Sahraouis des camps de Tindouf et des séparatistes de l’étranger. Une amnistie générale en sera le préalable. «A travers la doctrine de la nation clémente et miséricordieuse et des gestes comme l’accueil des ralliés, le Royaume a déjà apporté la preuve de sa politique de main tendue et sa volonté de tourner la page», précise le Pr Chiat. Pour peu que toutes les parties soient dans le même état d’esprit.