Comment un espace vert protégé à Aïn Sebaâ s’est retrouvé aux mains d’une société immobilière? La Commune de Casablanca brise le silence

Le siège du Conseil de la ville de Casablanca.

Le 02/12/2025 à 12h34

VidéoÀ Aïn Sebaâ, une parcelle de 13.000 m² classée espace vert depuis plus de vingt ans s’est retrouvée soudainement transférée au nom d’une société immobilière privée, Bafella SARL. Cette mutation éclair du titre foncier, intervenue fin novembre, a provoqué un véritable séisme politique et administratif, relançant le débat sur la gouvernance et la protection du patrimoine foncier de la capitale économique.

Casablanca est secouée par un nouveau scandale foncier: un terrain de 13.000 mètres carrés (m²) à Aïn Sebaâ, pourtant protégé en tant qu’espace vert depuis deux décennies, est passé au nom de l’entreprise Bafella SARL fin novembre.

L’affaire révèle de profondes zones d’ombre: comment un bien reconnu comme propriété communale a-t-il pu basculer dans le giron d’un opérateur privé sans décision judiciaire explicite ni procédure transparente? En marge de la session extraordinaire du conseil de la ville, ce mardi 2 décembre, Houcine Nasrallah, deuxième vice-président et chef du groupe istiqlalien, a tenu à répondre point par point aux accusations visant la commune.

Nasrallah rappelle que l’affaire prend racine dans un arrêt de la Cour de cassation rendu en 2017, annulant partiellement le décret du plan d’aménagement qui classait le terrain comme espace vert. Mais selon lui, cette annulation n’a jamais modifié la destination réelle du terrain, car le permis de lotir, régulièrement établi, demeure la référence juridique.

La commune de Casablanca a engagé en 2024 une procédure d’annexion du terrain à son patrimoine foncier, ce que Nasrallah présente comme la preuve que la ville n’a jamais cherché à le céder.

Il insiste également sur l’existence d’un certificat foncier délivré en 2024, confirmant que le bien appartient bel et bien à la commune et est classé espace vert: «Et il restera un espace vert», dit-il.

Le point le plus troublant est survenu en novembre. «Le 25 novembre, nous avons obtenu un certificat foncier confirmant la propriété communale. Le 26, nous avons découvert que le terrain était inscrit au nom d’une société privée.» Aucun document justificatif, aucune décision judiciaire claire, aucune notification préalable n’ont été fournis à la commune.

Selon Nasrallah, la seule procédure connue concerne un recours de la société contre le conservateur foncier, non contre la commune. Le tribunal administratif aurait ordonné la simple «radiation d’inscriptions liées au plan d’aménagement annulé», et non un transfert de propriété. Comment la conservation foncière a-t-elle pu interpréter cela comme une mutation au profit de l’opérateur immobilier? «Cela reste inexplicable», déplore-t-il.

Nasrallah adresse un message ferme à la société Bafella: «Nous ne vous céderons pas ce bien. Vous nous le rendrez par la voie judiciaire.»

Ce dossier met en lumière, une fois de plus, la fragilité de la gouvernance foncière à Casablanca. Superposition de décisions judiciaires, contradictions administratives, opacité de certaines procédures et soupçons de collusion, l’affaire du terrain de Aïn Sebaâ pourrait bien devenir un cas d’école.

En attendant les vérifications juridiques en cours, une question centrale demeure: comment un terrain appartenant à la commune a-t-il pu être transféré du jour au lendemain à un opérateur privé?

Par Wadie El Mouden
Le 02/12/2025 à 12h34