Etre (bon) diplomate, ce n’est pas chose facile. On est souvent tenu de «dealer» avec des personnages loufoques, des situations bien souvent ubuesques et des lectures surréalistes, «zarbi», disons, de l’Histoire et de l’état du monde. C’est à tout cela à la fois que le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a eu droit hier, mercredi 30 mars à Alger, lors de sa rencontre avec Abdelmajid Tebboune. S’exprimant devant les caméras avant son tête-à-tête avec le responsable américain, le président algérien s’est littéralement surpassé en matière de fumisterie, si ce n’est qu’il a apporté la preuve de sa profonde sénilité. Une lecture du compte-rendu fait par le Département d’Etat de cette rencontre, et relayé sur son site, en donne toute la mesure.
Frontières en flammesDevant Blinken, Tebboune, au discours plus décousu que jamais, s’est tout de suite mis à accuser le Maroc de tous les maux de l’Algérie. «Toutes nos frontières sont en flammes: Libye déstabilisée; après la Libye, il y a bien sûr tout le Sahel comme le Tchad, le Burkina Faso, le Mali, le Niger; et même la Mauritanie n’est pas si forte. Et à côté, nous avons le Royaume du Maroc avec lequel nos relations ont toujours connu des hauts et des bas depuis notre indépendance», a-t-il avancé.
«Ce n’est pas récent; ce n’est pas dû à la question du Sahara occidental. Il y a deux mentalités, deux façons de voir les choses. Nous respectons toutes les personnes -nous respectons les frontières des personnes tant qu’elles peuvent s’étendre», a encore débité Tebboune.
Mensonges et de contrevérités«Vous savez que personne n’a oublié, aucun Algérien n’oubliera, que le Maroc nous a attaqués en 1963», a-t-il enchaîné dans ce laïus fait de mensonges et de contrevérités et surtout incongru devant le chef de la diplomatie américaine, ajoutant qu’à «cette époque, nous n’avions même pas d’armée régulière, et ils ont attaqué avec des forces spéciales, des hélicoptères et des avions».
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«Nous avons eu 850 victimes. Ils cherchaient à prendre une partie de notre territoire. Plus tard, ils ont refusé de reconnaître l’indépendance de la Mauritanie depuis 1960, lorsque la Mauritanie était membre des Nations Unies et avait ses propres ambassadeurs, etc.», a poursuivi le président algérien. La bête est lâchée.
On rappellera que cette posture a déjà été adoptée par un certain Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, en août 2021, quand il a justifié la rupture par son pays de ses relations avec le Maroc. Lamamra était d’ailleurs le premier à avoir parlé de 850 morts parmi les soldats algériens durant la guerre des sables.
Revenons au laïus surréaliste de Tebboune devant Blinken. Le président algérien a précisé que le Maroc avait des «revendications territoriales sur toute la Mauritanie». Sur la question du Sahara, il a ajouté que «peut-être que notre erreur est la cohérence dans la gestion de cette question, même avant 1975. Mais avec les tensions qui existent entre nous, nous ne sommes pas ce qu’ils disent», s’est-il défendu, insistant que l’Algérie n’a «aucune visée au Sahara».
Sahara, Comores, Timor Oriental, Palestine, Apartheid… C’est kif-kif«C’est leur problème. Ils ont toujours voulu déstabiliser l’Algérie», a martelé Tebboune. «Il y a d’autres problèmes, ils ont toujours voulu déstabiliser l’Algérie et je n’en connais pas la raison, même si nous avons toujours protégé le Maroc», a baragouiné Tebboune. Pour lui, la question du Sahara, le Timor-Leste, le conflit israélo-palestinien, les Comores et même à l’Afrique du sud sous l’Apartheid, tout cela part du même endroit. Et ça plane bien haut.
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«Notre position est envers le Sahara Occidental -pas contre le Maroc- et tout le monde sait que cela a toujours été notre approche -comme envers le Timor-Leste, par exemple, nous avons fini par convaincre nos amis indonésiens avec qui nous avons une relation forte, qu’ils devaient libérer Timor-Leste et leur accorder l’indépendance, et nous sommes restés très proches malgré cela», a-t-il tenté de s’expliquer.
«Lorsque Nelson Mandela a été libéré de prison et que l’apartheid a chuté, l’Algérie a créé une alliance solide entre Pretoria et Alger. Ce n’est donc pas nouveau pour nous. Il ne s’agit pas seulement du Sahara Occidental -cela a toujours été notre approche», a-t-il dit, ajoutant que «nous avons toujours traité de la même façon la question du Sahara occidental et la question palestinienne». Et voici comment recouvrer son intégrité territoire et lutter contre une force occupante fait, tout d’un coup, un seul et même sens.
Folie des grandeurs et autres foutaisesEvoquant la situation interne, Tebboune a avancé que l’Algérie était «le seul pays dynamique dans la lutte contre la corruption», le «seul pays qui va avoir un grand projet structurant», (reste à savoir lequel), et qu’il peut même nourrir toute l’Afrique. Oui, Tebboune affirme, sans sourciller, que l'Algérie va nourrir le continent. Les Algériens qui se réveillent aux aurores et font d'interminables queues, dans l'objectif improbable d'acheter un bidon d'huile de table ou un sac de farine, vont certainement apprécier.
«Avec un pays très vaste, nous pouvons aider l’Afrique en termes de fourniture de céréales. On peut le faire. Il est techniquement faisable d’atteindre une production de 30 millions de tonnes. Nous avons besoin de 9 millions de tonnes et pouvons exporter 21 millions de tonnes vers le Maroc, la Tunisie et l’Égypte sans aucun problème», a-t-il prétendu. Plus sérieusement, rappelons simplement ce fait: l’Algérie est l’un des plus grands importateurs de céréales au monde. Conflit Russie-Ukraine oblige, le pays n’arrive même pas à s’approvisionner actuellement. Avant de chercher à exporter les céréales vers le Maroc, l'Egypte et la Tunisie, l’Algérie ferait mieux de chercher à assurer sa propre sécurité alimentaire et réduire un tant soit peu sa quasi-totale dépense des céréales, et autres produits, venant d’ailleurs.
Face à une telle avalanche de mensonges et de distillation de haine, on imagine bien la tête de Blinken qui s’est contenté de remercier un Tebboune pour le moins incroyable pour sa «conversation détaillée et intéressante». Une formule de politesse qui trahit toute la distance, pour ne pas dire incrédulité, de Blinken face au délire de «Tebboune l'usurpateur», comme le surnomment les manifestants du Hirak.
De ce monologue pitoyable où le faux l’a ardemment disputé au ridicule, on retiendra surtout la bien amère impression que Abdelmajid Tebboune est un président algérien (un de plus) dénué de tout sens du discernement, complètement coupé du monde et de la réalité, à la tête d’un Etat, aujourd’hui et plus que jamais, à la dérive et sans le moindre gouvernail. Les Algériens méritent vraiment mieux que ça à la fonction présidentielle.