«Ich freue mich, Sie begrüssen zu dürfen» (Je suis heureux de vous accueillir). C’est par ces mots que le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a accueilli son homologue allemande, Annalena Baerbock, en visite au Maroc le 25 août courant. Finie donc la phase de brouille diplomatique entre les deux pays et place à un partenariat déjà des plus importants et qui est appelé à s’élargir davantage à l’avenir. Et hasard du calendrier: cette visite est intervenue au moment même où le président Emmanuel Macron effectuait un voyage dit «d’amitié» en Algérie avec, à la sortie, peu de décisions actées.
Sahara et Libye: dissiper les malentendusIl en est allé différemment à Rabat. Comme l’a précisé Annalena Baerbock au cours de son séjour au Maroc, c’est un nouveau chapitre d’un livre globalement bon que le Maroc et l’Allemagne entament. L’objectif premier en a été de dissiper définitivement les malentendus du passé et de bâtir les relations bilatérales sur de bonnes fondations, c’est-à-dire la clarté des positions des uns et des autres. «Que ce soit sur le dossier du Sahara, dans lequel l’Allemagne a réitéré son soutien au plan marocain d’autonomie, ou de la Libye et le rôle que joue le Maroc, cette rencontre a été un un wake up call, le Maroc n’ayant pas été pris à sa juste valeur sur ces volets», indique une source informée. L’action régionale (Mali, Sahel, lutte contre le terrorisme…), où le Maroc a son mot à dire et qui revêt un intérêt grandissant pour l’Allemagne, a également été au cœur des débats.
Un mécanisme de dialogue stratégiqueConcrètement, quatre axes principaux du nouveau partenariat ont été définis. Le premier n’est autre que la création d’un mécanisme de dialogue stratégique non seulement diplomatique, mais aussi global. «Le Maroc a créé avec l’Allemagne ce qu’il a avec peu de pays. Ce mécanisme est un cadre de discussion entre les deux pays sur des sujets qu’ils estiment stratégiques. Ceux-ci peuvent relever du sécuritaire, du militaire, de l’économique, du sanitaire ou de dossiers comme l’énergie ou encore de la sécurité alimentaire. Ce cadre de travail est appelé à se réunir régulièrement, deux fois par an, pour fixer l’agenda et tracer la voie en vue d’actions communes», précise notre source.
Le Comité économique Maroc-Allemagne réactivéLe deuxième axe de ce partenariat renouvelé concerne la réactivation du Comité économique Maroc-Allemagne, qui ne s’était pas réuni depuis 10 ans. Sur le plan économique, le partenariat entre les deux pays ne s’est jamais démenti. Et le rôle que jouent des institutions allemandes au Maroc comme la banque de développement KFW et l’agence allemande de développement GIZ, qui opère pour le compte du ministère fédéral allemand de la Coopération économique, est essentiel pour des secteurs comme l’eau ou l’énergie.
Lire aussi : Sahara: l'Allemagne réitère son soutien au plan marocain d’autonomie
Mais l’Allemagne, actuellement septième partenaire commercial du Maroc, peut et mérite de faire mieux, notamment en matière d’investissements. Ces derniers sont certes passés de 213 millions d’euros en 2015 à 1,3 milliard d’euros en 2020 avec près de 100 entreprises allemandes installées au Maroc, mais «l’idée est d’analyser comment on peut aller de l’avant en termes de mise en valeur de l’offre et des opportunités d’investissement au Maroc et d’agir sur la problématique culturelle et linguistique». Pour commencer, un forum économique Maroc-Allemagne est d’ores et déjà prévu avant la fin de l’année.
Des secteurs d’avenir déjà identifiésLes échanges qu’a eus la ministre allemande au Maroc ont également porté sur le renforcement du partenariat entre le Maroc et l’Allemagne dans des secteurs en particulier. A commencer par l’énergie, notamment le développement futur de l’hydrogène vert. «Le Maroc a le meilleur programme d’énergie solaire de la région et cela le prédispose à être un partenaire clef sur ce registre. Le partenariat sur les énergies propres est fondamental», indique notre source. Idem s’agissant des énergies dites classiques, notamment le futur gazoduc Maroc-Nigéria qui implique plusieurs pays et qui, en cela, constitue une garantie de sérieux et de durabilité, contrairement aux schémas fragiles des partenariats bilatéraux, tributaires de la nature des relations entre les pays et qui peuvent changer au fil du temps et d’éventuelles crises.
Construire l’Afrique de demain«L’Afrique est d’ailleurs une métrie importante, le Maroc ayant des atouts ainsi qu’un rôle de trait d’union qu’il voudrait amplifier et l’Allemagne accordant désormais un grand intérêt au continent. Le Maroc peut être un partenaire fiable et non un concurrent, comme peuvent l’être des pays comme la Turquie ou l’Inde», nous explique-t-on. C’est là qu’intervient un autre volet, la jeunesse, l’Allemagne disposant d’une précieuse expérience en matière de formation professionnelle et de qualification des jeunes pour le marché du travail. «Cela peut constituer un exemple à suivre pour le Maroc», résume notre interlocuteur.
Lire aussi : Maroc-Allemagne: les affaires reprennent
D’ailleurs, et au cours de son voyage au Maroc, la ministre allemande des Affaires étrangères s’est rendue au Technopark Souss-Massa d'Agadir, où elle s'est informée des projets mis en œuvre au Maroc par la GIZ dans les domaines de la formation professionnelle et de la technologie digitale, particulièrement dédiés aux jeunes filles. Il s'agit de formations visant essentiellement la qualification en matière de technologies modernes et de techniques de programmation à même de faciliter l'intégration des bénéficiaires dans le marché de l'emploi.
Autre sujet non moins important: la migration. Rabat entend élargir la logique prévalant entre le Royaume et l’Espagne à toute l’Europe, et donc à l’Allemagne également. Berlin joue un rôle essentiel dans le partenariat Maroc-UE. «Le froid diplomatique entre nos deux pays a impacté les relations du Maroc avec toute l’Union européenne», indique notre source. Pour l’Allemagne, la crise en Ukraine a servi de leçon et Berlin revoit son positionnement sur bon nombre de dossiers, au niveau militaire, mais aussi économique et en matière de partenariats. L’Allemagne a compris qu’elle ne pouvait plus se suffire de partenaires à l’intérieur de l’UE. Les problèmes d’approvisionnement, notamment en énergie à l’aune des restrictions sur le gaz imposées par la Russie, l’obligent à sortir de ses certitudes et de sa zone de confort. «L’Allemagne, qui veut jouer un rôle régional et international plus important, sait qu’il faut multiplier les partenariats», explique cet expert du dossier.
Un dialogue directDans tous ces dossiers, les deux pays mettent désormais en place des canaux directs de communication, sans avoir à passer par des intermédiaires. Par le passé, Berlin et Rabat passaient systématiquement par Paris pour pouvoir dialoguer. C’est désormais fini. Et comme tout est symbole, le point de presse qu’ont donné les ministres des Affaires étrangères des deux pays à Rabat s’est déroulé exclusivement en allemand et en arabe. La compréhension mutuelle n’en était que plus grande.