Émeutes en France: des appels dans l’Hexagone pour constituer une commission d’enquête sur le rôle de l’Algérie

Montage: A gauche, incendie d'une voiture en France pendant les émeutes au lendemain de la mort du jeune Nahel. A droite le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Montage: A gauche, incendie d'une voiture en France pendant les émeutes au lendemain de la mort du jeune Nahel. A droite le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Revue de presseDepuis Alger, le régime en place a tenté d’instrumentaliser le drame survenu à Nanterre. A-t-il eu un rôle incitatif dans les émeutes? Seule une commission d’enquête le dira. Une revue de presse tirée du quotidien Le Figaro.

Le 05/07/2023 à 20h01

Les émeutes qui ont secoué la France après la mort de Nahel le 27 juin, à Nanterre, auront été une occasion rêvée pour le régime algérien pour faire parler de lui et, à l’occasion, tenter de tordre le bras au gouvernement français.

Dans certains milieux de l’Hexagone, le rôle des représentations algériennes dans le cadre des émeutes intrigue à plus haut degré. Il mériterait même d’être approfondi à travers une commission d’enquête. Pour eux, il s’agit d’une question de «sécurité nationale».

C’est certain, l’Algérie a clairement eu un rôle intriguant dans ces incidents. A-t-elle été jusqu’au point d’inciter aux émeutes? «Il faut en avoir le cœur net. C’est un enjeu de sécurité nationale: moins on répond fermement, plus l’intrusion sera forte dans les affaires internes en France», tance le directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, Dominique Reynié, cité par Le Figaro dans un article mis en ligne ce jeudi 5 juillet.

Depuis le début, Alger n’a pas cherché à cacher son jeu. Le régime des généraux s’est, en effet, empressé de réagir, par voie de communiqué du ministère des Affaires étrangères. Il dit s’inquiéter des «circonstances particulièrement troublantes et préoccupantes» de la mort du jeune homme de 17 ans, tué par un policier après un refus d’obtempérer, rapporte le quotidien.

Et l’Algérie d’exhorter, poursuit le quotidien, le gouvernement français à «assumer pleinement son devoir de protection» envers les Algériens de France. Cela tout en se montrant «soucieux de la quiétude et de la sécurité dont doivent bénéficier (ses) ressortissants sur leur terre d’accueil».

Le quotidien relève tout de suite cette ambiguïté dans le discours et surtout la tentative de récupération politique de ces événements. De «ressortissants», note Le Figaro, il n’en est rien. C’est que les locataires d’El Mouradia ont justement voulu entretenir l’ambiguïté sur la nationalité de Nahel. Né et élevé en France, il est pourtant bien Français, précise le quotidien.

Et si l’Algérie insiste sur ses origines c’est forcément pour en tirer un profit politique. Or, poursuit le journal, en citant toujours Dominique Reynié, «au moment où la crise est forte, ces propos sonnent comme un choix volontaire de saper les efforts que nous fournissons». Pour le politologue, c’est «une manœuvre grossière, qui cache mal l’intention de défier le pouvoir français et humilier sa population».

Les responsables algériens n’ont d’ailleurs même pas essayé de cacher la grossièreté de leur manœuvre. C’est carrément flagrant. En matière de récupération, ils se sont dépassés. La preuve: en ce moment même, le président Tebboune exhorte volontiers ses ressortissants à revendiquer leur nationalité algérienne face à l’État français.

Citant cette fois Le 360, Le Figaro fait, en effet, référence à un discours qui a largement été relayé auprès de la diaspora algérienne en France. Prenant la parole en commémoration des victimes du 17 octobre 1961, le président Tebboune mettait en garde les Algériens résidant dans l’Hexagone. «Ils complotent contre vous, les enfants de harkis (...) ils ont jeté vos frères dans la Seine le 17 octobre 1961. Aujourd’hui, ils veulent faire la même chose avec vous (...) L’Algérie ne vous lâchera pas et quiconque vous touche, je m’engage personnellement qu’il le paiera».

D’après le quotidien, l’idée que les immigrés algériens demeurent sous protection d’Alger est en réalité «très ancienne et fortement ancrée», comme le souligne de son côté l’historien Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb. «Alger considère que ces immigrés ne perdent jamais leur nationalité d’origine, transmise par les parents, (...). Il se rappelle d’ailleurs régulièrement à leur bon souvenir en leur demandant par exemple des passeports nationaux quand reviennent au pays. Manière de dire: Vous nous appartenez toujours».

Plus encore que d’instrumentaliser le drame de Nanterre, l’Algérie a mobilisé des moyens pour jeter de l’huile sur le feu et déstabiliser la France. Des sources médiatiques citées par le quotidien affirment, en ce sens, que de nombreux diplomates algériens ont participé à la marche blanche de Nahel jeudi dernier. De même que des associations de banlieues proches de l’ambassade d’Algérie à Paris ou entretenant un lien direct avec des consulats algériens dans la région parisienne ont été également mobilisées pour prêter main-forte aux organisateurs de cette marche.

En tout état de cause, conclut le quotidien, la mort de Nahel a fait les choux gras de la presse algérienne. Laquelle presse a pointé l’«entêtement» de la France «à ne pas admettre un passé colonial violent», et à «marginaliser des générations d’immigrés». Difficile de ne pas reconnaître ici des éléments du discours officiel. Ce qui explique sans doute cet appel, en France, à la constitution d’une commission d’enquête sur ces événements. Cela d’autant que d’autres pays, l’Iran et la Turquie en l’occurrence, ont également tenté d’instrumentaliser ces événements.

Par Amyne Asemlal
Le 05/07/2023 à 20h01