La sortie de Gérard Collomb, ministre français de l'Intérieur, est pour le moins surprenante. Sa phrase incongrue est tombée, hier jeudi 7 septembre, sur les ondes de la radio France Info. A la question du journaliste Jean-Michel Apathie sur les éventuels liens entre la récente découverte d'explosifs, à Villejuif dans la banlieue parisienne, et les attentats de Barcelone et de Cambrils, Collomb évoque… le Maroc (voir vidéo à partir de 22:40).
Non seulement il n'a pas écarté la possibilité que des liens puissent éventuellement exister entre la trouvaille de RATP dans la banlieue parisienne et les attentats de Catalogne, même s'il n’a fourni aucune preuve de son assertion, mais il a également ajouté que «l'Espagne est un lieu de passage pour les filières qui remonteraient du Maroc», laissant supposer que c'est le royaume qui envoie des terroristes en Europe. Or, un ministre de l'Intérieur devrait savoir que c'est en Europe que les terroristes de la Catalogne ont grandi. «Je n'en sais pas plus», s'est-il contenté de conclure.
C'est léger, surprenant et aux antipodes de la circonspection due à un ministre à la tête d’un département stratégique, et supposé ne pas donner d’informations sans avoir des preuves établies, tout en mesurant les propos qui sortent de sa bouche. Or M. Collomb semble davantage enclin à mordre dans le sens des perches tendues par les journalistes qu'à la véracité des faits. Est-il conscient du sens d'une phrase comme «l'Espagne est un lieu de passage pour les filières qui remonteraient du Maroc»? Cet ancien maire de Lyon ignore-t-il que les terroristes ne remontent pas du Maroc, mais viennent, vivent dans des pays européens, et souvent même ils descendent du nord plus qu'ils ne remontent du sud?
Lire aussi : Le Maroc est-il responsable de la radicalisation des auteurs des attentats de Barcelone?
Gérard Collomb a occupé le poste de maire de Lyon de 2001 à 2017 et de sénateur du Rhône de 1999 à 2017. Il ne convient peut-être pas de pointer du doigt son manque d'expérience dans les dossiers sécuritaires pour expliquer ses propos aberrants sur les prétendus terroristes conquérants qui traversent la Méditerranée pour perpétrer des actes innommables en Europe.
Un ministre de l'Intérieur, c'est avant tout un droit de réserve et une capacité à établir des faits vérifiés et vérifiables. Or, la sortie de M. Collomb dénote d’une extrême légèreté au moment où rien, absolument rien, ne permet un quelconque rapprochement entre les événements de Barcelone et la découverte de Paris. Tout comme rien ne justifie la déclaration voulant que les filières impliquées «remonteraient du Maroc».
Lire aussi : Vidéo. Interview exclusive. Les attentats de Barcelone expliqués par Abdelhak Khiame
Gérard Collomb n'en est pas à sa première bourde. Autre preuve de cette tendance à caresser les journalistes dans le sens du poil, la «précision» de M. Collomb dans le même entretien accordé à France Info. Le ministre de l'Intérieur a affirmé le 6 septembre que l'ouragan Irma, qui a sévi dans les Antilles françaises, «a fait huit morts et 23 blessés» à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Et il a conforté le journaliste qui lui a posé la question pour savoir si ce bilan allait s'alourdir, en répondant par l’affirmative. Or si le bilan s'est alourdi ce vendredi à 9 morts, 112 blessés et 7 disparus, on retiendra qu'au moment où le ministre s'exprimait sur les ondes de France Info, il était encore limité à 4 décès.
On passera également sur l'autre faux pas commis au lendemain de l'attentat de Manchester en Grande-Bretagne, au mois de mai dernier. Gérard Collomb avait révélé, sur BFMTV et RMC, des informations sur l'auteur présumé, décrivant le parcours de Salman Abedi et le fait qu'il était passé par la Syrie. Des informations transmises par les services britanniques mais qui devaient rester sous le maillet. C'était mal connaître le locataire de place Beauvau. Ses propos ont été qualifiés de désespérants outre-Manche. Autant dire que concernant des sujets qui supposent le plus haut niveau de précision et de vigilance, Gérard Collomb en manque cruellement. Curieux de la part d’un ministre de l'Intérieur.