Certains, notamment côté espagnol, espéraient une réouverture pour le mois de ramadan dernier, à l’aune du réchauffement des relations entre Rabat et Madrid, avec comme point d'orgue la reprise du trafic maritime entre les rives marocaines et hispaniques. Mais pour l’heure, les points de passage des présides de Sebta et Melilia restent fermés jusqu’à nouvel ordre.
Ces points de passage sont bloqués depuis plus de deux ans, plus précisément depuis le 13 mars 2020, dans le contexte des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus. Depuis l’adoption en avril dernier par le Maroc et l’Espagne d’une feuille de route traçant les contours de leur nouveau partenariat, leur réouverture continue de faire l’objet de reports à répétition ces derniers temps. Des dates ont été annoncées (le 14 avril, le 1er puis le 15, puis le 31 mai), mais sans qu’elles soient suivies d’effet.
Une ouverture «graduelle» prévue «en été»A en croire les propos tenus vendredi 7 mai dernier par le ministre espagnol des Affaires étrangères, Jose Manuel Albares, lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision publique espagnole RTVE, aucune perspective de réouverture avant l’été ne se dégage. Et aucune date n’est, pour l’heure, fixée. Cela, malgré un apparent optimisme voulant que l’issue soit proche avec une réouverture «en été prochain», qui se fera de manière «ordonnée et graduelle».
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Pour sa part, le ministère espagnol de l’Intérieur avait promis que cette fois serait la bonne, et que Madrid et Rabat étaient à pied d’œuvre en termes de négociations en vue de cette réouverture. A ce titre, trois réunions entre responsables marocains et espagnols ont été programmées dans ce cadre, les 5, 6 et 11 mai derniers, avait déclaré Fernando Grande-Marlaska, suggérant que la question sera traitée après-demain, après avoir été débattue lors de la réunion tenue jeudi dernier au ministère de l’Intérieur à Rabat, pour préparer l'opération «Marhaba 2022» et celle du groupe migratoire mixte permanent maroco-espagnol, tenue le lendemain.
Des postes douaniers et des visas Schengen Sans que cela ne soit dit officiellement, le principal point en suspens n’est autre que la volonté espagnole de voir le Maroc ouvrir des postes douaniers au niveau de ces points. A cela, s’ajoutent les nouvelles règles d’autorisation de passage, Madrid voulant imposer le visa Schengen aux personnes issues de Tétouan et Nador, alors que jusqu’ici, celles-ci pouvaient accéder aux deux présides sur simple présentation de la CINE (carte d’identité nationale électronique).
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Reste également le sort à réserver aux travailleurs «transfrontaliers», soit 5.400 individus qui travaillent à Sebta et Melilia mais résident dans les villes alentour et dont les contrats n’ont, dans leur immense majorité, pas été renouvelés depuis la fermeture de mars 2020. Jusqu’ici, ces travailleurs pouvaient accéder librement aux viles occupées et tout est de savoir s’ils ne seront pas, à leur tour, soumis à l'obligation de la présentation de visas Schengen.
Contenir la contrebandeLe Maroc, pour sa part, veut à tout prix contenir le flux des marchandises de petite contrebande en provenance de ces deux villes, pudiquement appelé «commerce atypique» de l’autre côté de la Méditerranée. Avant la fermeture, elles étaient entre 10.000 et 15.000 personnes à traverser, du lundi au jeudi, les deux points de passage, dans la seule visée de faire passer des marchandises depuis Sebta et Melilia à Fnideq et Nador, générant quelque 400 millions d’euros annuellement, au seul profit des commerçants des deux villes occupées.
Depuis, les autorités ont œuvré d’arrache-pied pour une reconversion des personnes qui vivaient de ce commerce. Le Maroc a décidé d’en finir avec la contrebande sur ses frontières bien avant l’éclatement de la crise entre le Maroc et l’Espagne, notamment par la mise en place de zones d’activités économiques à Fnideq et Nador. Ce sera une alternative, tant pour les petits commerçants qui vivaient de contrebande que pour les grossistes. «N’oublions pas qu’en parallèle, le Maroc a déployé tout un arsenal de mesures d’accompagnement, que ce soit dans le cadre de l’INDH, d’Awrach ou de Forsa, à même de profiter à ces catégories et les sortir de la précarité», précise l’économiste Mohammed Jadri. Le tout est de savoir si d’autres mesures, impliquant l’Espagne, sont également prévues.