Reconfigurer le système de distribution des produits alimentaire pour contrer l’inflation, c’est ce que proposent les membres du groupe du Parti du progrès et du socialisme (PPS) à la Chambre des représentants, à travers une proposition de loi portant sur la création de l’Agence nationale de distribution des produits alimentaires.
Cette proposition, déposée le 10 mars auprès du bureau de la Chambre des représentants et transmise à la commission compétente le 23 du même mois, se base sur la note du Conseil économique, social et environnemental (CESE) publiée en février dernier, qui souligne l’urgence d’une réorganisation des circuits de commercialisation et d’une réglementation du rôle des intermédiaires pour atténuer la hausse des prix des produits alimentaires.
Dans le préambule du texte soumis à examen par la Chambre des représentant, le PPS n’a pas manqué de rappeler l’alerte du CESE sur l’intermédiation excessive et peu contrôlée qui favorise la spéculation et la multiplication des intervenants, pénalise le producteur, impacte la qualité des produits en rallongeant les circuits de distribution et, partant, renchérit le prix de vente final au consommateur.
Ainsi, «afin de mettre en place un mécanisme innovant et intégré pour la commercialisation des produits alimentaire, et réglementer cette opération pour limiter la hausse des prix, et ce, en vue d’adopter une nouvelle politique publique pour réhabiliter et développer les marchés de gros», le PPS propose de créer l’Agence nationale de distribution des produits alimentaires.
Il s’agit d’une institution publique dotée de la personne morale et de l’autonomie financière, apprend-on du document, qui précise que le siège de ladite agence sera sis à Rabat, alors que des représentations territoriales seront mises en place sur décision du conseil d’administration.
Garantir la sécurité alimentaire
Cette Agence sera chargée de la distribution des produits agricoles commercialisés dans leur état «naturel», ainsi que d’autres produits alimentaires animaliers ou de la mer dont la liste sera fixée par un texte réglementaire.
Dans le détail, il s’agira de veiller sur la mise en œuvre des orientations générales de la politique de l’Etat visant à garantir la souveraineté et la sécurité alimentaires du pays. A cet effet, l’Agence se chargera de la coordination des opérations d’élaboration de la politique nationale de distribution des produits précités, ainsi que du suivi et de l’évaluation de sa mise en œuvre.
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Par ailleurs, l’Agence aura pour missions de gérer le stock national des produits alimentaires, d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande, de déterminer les quantités à mettre sur le marché national et de contrôler les chaînes de distribution et d’approvisionnement afin d’en garantir le bon fonctionnement.
Contrôle des marchés et des flux
Les prérogatives de l’Agence lui permettraient également, sur la base de son évaluation des besoins du marché domestique, de suspendre, provisoirement ou définitivement, l’import et l’export de certains produits alimentaires.
En plus du rôle de régulateur, l’Agence assurera aussi le contrôle de la qualité et de la sécurité des produits commercialisés. Elle sera habilitée à mener, par la force de la loi, des opérations d’inspection et de contrôle des marchés, ainsi que des stocks et réserves des produits alimentaires.
Dans ce cadre, elle pourra confisquer et saisir les produits ne respectant pas les normes de sécurité, après avoir avisé l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). En général, l’Agence veillera au respect des réglementations en vigueur, ainsi qu’à l’organisation des marchés et la vérification des informations en relevant.
Réformer les marchés de gros
Lutter contre les épisodes inflationnistes ne peut que passer par la restructuration des circuits de distribution, dont les dysfonctionnements structurels induisent la fluctuation des prix. Les missions de l’agence nationale que le PPS propose de créer comprendront donc la réhabilitation des marchés de gros, plateforme principale de commercialisation des denrées alimentaires.
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Il s’agit non pas seulement de moderniser ces marchés et reconfigurer leur mode de fonctionnement, mais également d’en créer de nouveaux, soumis à des règles garantissant «la transparence des opérations commerciales» et permettant de lutter contre la spéculation et le monopole.
Une autre mission de l’Agence consistera à lutter contre les circuits illégaux de commercialisation des produits alimentaires. L’objectif étant de mettre en place des circuits de distribution courts et transparents, en limitant l’intervention d’acteurs informels.
L’Agence nationale de distribution des produits alimentaires devra aussi garantir la sécurité des commerçants, la protection de leurs marchandises et matériels, ainsi que la sécurité sanitaire et la qualité des produits commercialisés.
Un rôle consultatif et d’orientation
L’Agence participera à l’élaboration de la politique nationale en matière de distribution des produits alimentaires, en présentant ses avis sur les projets de loi et les textes réglementaires référés par le gouvernement, ainsi qu’en présentant des propositions relatives aux réglementations portant sur les produits alimentaires.
Aussi, elle élaborera des notes de veille périodiques sur la situation du marché national. Elle évaluera et analysera ainsi les risques commerciaux relatifs à la commercialisation de ces denrées, avant de formuler, sur cette base, des recommandations aux autorités publiques, afin de suggérer les actions préventives à mener afin de garantir la stabilité de l’approvisionnement du marché domestique et des prix.
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Enfin, l’Agence jouera également un rôle actif dans le développement de l’industrie agroalimentaire, en orientant et en encourageant les investissements dans ce secteur. Elle pourra aussi, dans le cadre du partage d’expertise, conclure des accords et conventions avec des acteurs nationaux ou internationaux dans le domaine des produits alimentaires.
Un organe représentatif
L’Agence nationale de distribution des produits alimentaires sera dirigée par un conseil d’administration composé de 12 membres et présidé par le directeur de l’Agence. Ledit conseil inclura des représentants de cinq départements gouvernementaux, à savoir l’Intérieur, le Commerce, l’Agriculture, la Pêche maritime et les Finances.
Les présidents des commissions des secteurs productifs à la Chambre des représentants et à la Chambre des conseillers seront également membres du conseil d’administration, aux côtés de représentants du Conseil de la concurrence, du CESE, de la Fédération des Chambres marocaines de commerce, d’industrie et de services, de la Fédération des Chambres d’agriculture du Maroc, de la Fédération des Chambres des pêches maritimes et de l’ONSSA.
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Pour exécuter ses missions, l’Agence aura à sa disposition un personnel composé de cadres, d’agents et de fonctionnaires qui lui seront affectés. Elle pourra par ailleurs, faire appel à des experts et des conseillers pour mener des missions spécifiques dans le cadre de contrats à durée déterminée.
Alors que les épisodes inflationnistes se succèdent, dont le dernier a fait grimper les prix des produits alimentaires de 20,8% en 12 mois, la mise en place d’un nouveau système de commercialisation de ces denrées devient urgente. La création d’une agence nationale telle que proposée par le PPS permettra-t-elle d’atteindre cet objectif?