Même pour un oublieux et un «je-m’en-foutiste» chronique, il est de ces dates qu’il est impossible de ne pas se rappeler. Nous sommes le 1er novembre. Voici 65 ans, pile, un peuple entamait sa révolution contre le colon français et sa marche vers la liberté, l’indépendance et une pleine souveraineté. Ce peuple, ce sont nos voisins algériens. 1 million de martyrs plus tard, et au prix d’une guerre d’indépendance d’une violence inouïe, la bataille a été remportée. Ce que les dirigeants algériens en ont fait, c’est toutefois là une autre paire de manches.
Fait curieux: c’est ce même vendredi 1er novembre 2019, 65 ans plus tard, que le peuple algérien se donne rendez-vous, pour la 37e fois, dans le but de sortir manifester contre un pouvoir qui a phagocyté un pays pourtant riche de ses ressources naturelles, et sa jeunesse. Aujourd’hui, l’économie algérienne est exsangue, sa société est faite de «hitistes» -de ceux qui tiennent le «heit», soit le mur, et son système politique est devenu tout juste bon à engraisser les puissants, et, accessoirement, à faire taire les démunis, à coup de subventions… et de bastons.
Mais alors que le pays fait aujourd’hui face à sa plus grave crise depuis l’indépendance, que regardent donc les généraux algériens et leurs obligés politiques? Le Maroc. Quoi de mieux, en effet, pour détourner la colère légitime de l’opinion publique, que de lui inventer un ennemi?
Cette stratégie, qui date de plusieurs décennies, a eu pour résultat la création d’un conflit, aussi factice qu’interminable, autour de la remise en question de la marocanité du Sahara, pourtant reconnue par les Algériens intellectuellement honnêtes, ceux «qui savent». Au lieu de se remettre en question, de préparer l’avenir, et faute d’avoir réussi leurs politiques passées et présentes, ces «frères» algériens préfèrent jouer aux perturbateurs. Le tout, au nom de valeurs qu’ils sont bien loin d’incarner. Mais alors qu’ils ont pour habitude de cacher leur jeu derrière un voile de fausse neutralité, et d’un vague principe, celui du «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», aujourd’hui, alors qu’ils sont clairement aux abois, ils n’hésitent plus à y aller cash.
Lire la très officielle réaction de «déception» du pouvoir militaire algérien à l’égard de la récente résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara, c’est prendre la mesure du tournant majeur que vient de prendre la politique anti-marocaine de l’Algérie. Cette même Algérie, qui s’était jusqu’ici présentée comme un soi-disant «pays observateur» mais qui, à présent, n’hésite plus à se positionner comme partie prenante, et qui n’hésite plus, non plus, à mettre clairement les pieds dans le plat de ce conflit artificiel. Nommément, à «visage découvert», cette fois-ci, et non plus de manière détournée et en sous-main, comme cela a toujours été le cas.
Mais voilà: l’Algérie, aux mains des généraux, a juste tout faux, et se trompe de combat. Le combat algérien, obsessionnellement tourné autour de la question du Sahara, devrait, de fait, être mené en interne. En commençant, d’abord, par accorder le droit au peuple algérien de disposer de lui-même. C’est justement ce que réclame ce même peuple, à cor et à cri, aujourd’hui. 65 ans de dictature militaire: c’est là un triste record mondial, il est temps que cela cesse. Pour qu’émerge une nouvelle génération de leaders avec lesquels un dialogue serait enfin possible, qu’un développement économique et social puisse être (vraiment) amorcé et qu’une construction, celle d’un Maghreb uni, libre et prospère, puisse être envisagée.
Autrement rien ne serait possible à construire et à édifier, et ce n’est pas avec du vieux (que ce soit des hommes ou des stratégies) qu’on peut faire du neuf.