Loin des regards et à l’abri d’observateurs à même de témoigner des horreurs qui s’y produisent, les camps de Tindouf, en territoire algérien, sont le théâtre de bien des abus et atteintes aux droits de l’homme. A commencer par le viol des femmes séquestrées. Une conférence, organisée le 13 octobre 2022 à Bruxelles, par le Brussels Press Club, une plateforme regroupant des journalistes et des correspondants internationaux, ainsi que des diplomates, des représentants permanents auprès de l'UE, des ONG et des think tanks sur le viol résultant d'abus de pouvoir, a permis de mettre la lumière sur une pratique aussi odieuse que courante.
Modérée par Willy Fautre, directeur de Droits de l’homme sans frontières, avec la participation de Sophie Michez (avocate belge), la conférence a été marquée par le témoignage de Khadijatou Mahmoud, une femme sahraouie qui accuse de viol nul autre que le chef des séparatistes du Polisario, Brahim Ghali.
Pour elle, le constat est simple: lorsque nous parlons des droits de l'homme, et en particulier des droits des femmes, au sein des camps de Tindouf, nous avons tendance à oublier de mentionner que ces camps ont été construits sur les épaules des femmes maltraitées. «Il y a une prison pour femmes qui regorge de victimes de viols. Les femmes qui osent dénoncer les viols dont elles ont fait l'objet de la part des responsables du Polisario sont automatiquement envoyées en prison», indique-t-elle.
Khadijatou Mahmoud affirme qu’une de ses cousines est morte dans cette prison, mais avant de mourir, elle a laissé une vidéo documentant tout ce qu'elle avait enduré dans ce pénitencier. «Les enfants qui naissent dans cette geôle, souvent à la suite de viols, disparaissent sans laisser de trace», ajoute la victime.
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«J’ai vécu dans deux mondes, l'un où les femmes sont libres de faire ce qu'elles veulent, et l'autre où même leurs visages et leurs yeux ne peuvent être vus. Mon histoire est bien connue, mais mon violeur continue de jouir de sa liberté et de l'impunité», rappelle celle qui ne cesse de plaider sa cause et celles des femmes dans sa situation, y compris devant la justice européenne, notamment espagnole. Et de préciser que les plaintes déposées, en 2013, contre son violeur Brahim Ghali, en Espagne, sont toujours en suspens. «Le Polisario a tenté de me soudoyer, puis de m’intimider, au fil des années, pour que j'abandonne les poursuites, mais j’ai refusé de céder».
Selon elle, dans les camps de Tindouf, les femmes sont encore réduites à l'esclavage. «Une femme ne peut aller d'un camp à l'autre sans l'autorisation écrite d'un officier de police. les femmes qui jouissent d’un soupçon de liberté sont les jouets sexuels des dirigeants en place», tranche-elle.
Ses propos sont corroborés par l’avocate en droit pénal Sophie Michez, qui compte une grande expérience en ce qui concerne le Sahara occidental puisqu’elle a participé, en tant qu’observatrice, au procès de Gdim Izik qui s’est déroulé de 2017 à 2018 et qu’elle est, par la suite, intervenue auprès de l’ONU, afin de dénoncer les détournements des aides humanitaires au sein des camps de Tindouf.
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Pour elle, la situation confuse sur le volet juridique, social et humanitaire qui prévaut dans les camps de Tindouf offre une couverture pour les violations, par les dirigeants du Polisario, des droits des femmes qui sont souvent séquestrées, violées et maltraitées. «Nous constatons et dénonçons, depuis de nombreuses années, les violations systématiques des droits de l’homme dans ces camps… En 2019, j’ai eu l’occasion de fustiger, devant les Nations Unies, le détournement des aides financières au sein de ces camps», a-t-elle déclaré.
Pour elle, les dirigeants de ces camps se déploient, inlassablement, à tordre la volonté des habitants pour servir leurs objectifs politiques et personnels. «Nous sommes confrontés à une impasse à double titre, d’abord parce que ces camps ne sont régis par aucun cadre légal et sont véritablement des zones de non-droit, vu que le pays hôte a délégué sa responsabilité juridique à une entité fictive, mais aussi du fait que le quotidien de ces femmes séquestrées et violentées, qui vivent dans des conditions inhumaines, reste hors de la surveillance internationale des droits humains, en raison de l’interdiction, par l’Algérie, de l'accès aux défenseurs des droits de l’homme dans ces camps», a expliqué la juriste.
Intervenant également à cette occasion, l’organisateur de cette conférence, Willy Fautre, a souligné que les violences sexuelles engendrées par les abus de pouvoir de personnalités influentes peuvent se produire partout où il existe une structure verticale de pouvoir avec un homme à la tête de la hiérarchie. «Dans de nombreux cas, ces crimes ne sont jamais révélés par les victimes. Les poursuites judiciaires sont rarement entamées et même quand elles sont entreprises, elles n’aboutissent presque jamais à une condamnation de l'auteur», a-t-il dit. Jusqu’à quand?