La France a entamé une stratégie d’étranglement progressif de l’Algérie

Abdelmadjid Tebboune, président de l'Algérie.

Revue de presseLa France est en train de resserrer l’étau contre le pouvoir à Alger. La situation risque de se dégrader davantage, mais pas au point de faire tomber le régime, une éventualité que ni la France, ni ses voisins européens, ni même l’OTAN n’envisagent. Quant à l’escalade algérienne envers le Maroc, elle n’ira pas loin. Une revue de presse tirée de l’hebdomadaire Al Ayyam.

Le 30/03/2025 à 22h27

La crise franco-algérienne actuelle évoluerait vers une escalade accrue, dans un contexte où «l’opinion publique française est convaincue que l’Algérie ne peut être un partenaire fiable, pour diverses raisons liées au régime militaire». C’est ce que prédit l’expert militaire Abderrahmane Mekkaoui dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Al Ayyam, publié dans son édition actuellement en kiosque. Dans cette interview, l’expert analyse la relation historique tendue entre la France et son ancienne colonie, expliquant certains aspects de la crise actuelle, en attendant la déclassification des archives françaises relatives à la période coloniale et postcoloniale.

Pour Mekkaoui, une chose est sûre: «malgré la fragilité du régime militaire algérien, ce que la France et ses voisins européens craignent avant tout, c’est son effondrement. Ils redoutent une vague migratoire massive à laquelle ils ne sont pas préparés». Cela n’a toutefois pas empêché les autorités françaises de commencer à mettre à jour les données de tous les Algériens présents sur leur territoire.

Évoquant le passé commun de ces deux pays, l’expert précise que les racines historiques du conflit algéro-français remontent à la colonisation de l’Algérie. «La gauche française était attachée à la colonisation du Maghreb central sous prétexte d’y apporter la civilisation, alors que la droite française s’opposait à l’occupation et à la colonisation de l’Algérie».

Après l’indépendance, «un néocolonialisme a pris place, dissimulant à la population de nombreux accords secrets avec la France, notamment les accords d’Évian, signés entre le FLN et le général Charles de Gaulle. Ces accords comprennent plusieurs clauses secrètes non encore dévoilées». Il faut savoir, souligne-t-il, que «lorsque de Gaulle a organisé le référendum en Algérie, 45% de la population algérienne aurait voté pour le maintien de la France –certaines sources évoquent même une majorité de 60%–, et ce, bien que ce référendum n’ait pas inclus les Algériens du Maroc, de Tunisie et du Sahara oriental».

Selon des données récemment rendues publiques, «c’est de Gaulle qui a nommé Houari Boumediène à la tête de la cinquième région, puis comme chef d’état-major, avant de le pousser à orchestrer un coup d’État. Cela fait partie des archives récemment révélées: le président Charles de Gaulle a recruté Boumediène dès ses années d’étudiant au Caire et l’a soutenu pour renverser le gouvernement provisoire algérien en 1958, ainsi que pour le coup d’État du 19 juin 1965, connu sous le nom de redressement révolutionnaire».

Ce qui fait dire à cet expert qu’«en apparence, les relations avec l’ancien colonisateur étaient conflictuelles, mais seulement au niveau des discours. En coulisses, elles étaient secrètes et menées sous la table, suivant la feuille de route de l’indépendance définie par les accords d’Évian». L’Algérie, ajoute-t-il, est «une entité géographique construite au détriment de ses voisins, une nation initialement chargée de déstabiliser la région et de limiter les ambitions de tout pays voisin en s’ingérant dans leurs affaires internes et en cherchant à dominer, selon la théorie du colonel Abderrahmane Boussouf, fondateur des services de renseignement algériens».

Selon cette doctrine, «la zone de sécurité de l’Algérie s’étend de Dakar au Caire, et tout changement dans cette région doit être approuvé et validé par l’Algérie. Cette vision hégémonique, nourrie par les réseaux de la gauche mondiale, continue de guider le régime militaire algérien: tout changement dans la région est perçu comme une menace pour ce régime».

En interne, le régime gouverne en utilisant le dossier du terrorisme pour éliminer ses opposants, quelles que soient leurs idéologies ou leurs tendances politiques et religieuses, ce qui a conduit notamment à deux guerres civiles internes, en 1963 et en 1992, ainsi qu’à des exécutions extrajudiciaires. À l’extérieur, il s’est fabriqué des ennemis fictifs: le Maroc, la France et, désormais, Israël. Et ce, bien que des relations secrètes algéro-israéliennes existent depuis longtemps, «impliquant notamment les descendants de l’émir Abdelkader, dont le petit-fils, Abdelrazzak, était un fervent défenseur d’Israël et de ses colonies, vivant dans l’une d’elles jusqu’à sa mort en Israël. L’ancien Premier ministre Yitzhak Shamir avait même assisté à ses funérailles».

Bref, est-il précisé dans cette interview accordée à Al Ayyam, même s’il adopte un discours belliqueux envers le Royaume, le régime algérien «sait parfaitement qu’il ne peut pas engager une guerre contre le Maroc, hormis quelques escarmouches çà et là, une guerre par procuration ou l’utilisation du terrorisme, comme ce fut le cas en 1963, puis à Amgala en 1976 et Amgala 2 en 1978».

De ce fait, selon cet expert, «la tension croissante entre la France et l’Algérie n’a aucun rapport avec le Maroc ni avec son intégrité territoriale. La France connaît parfaitement l’histoire de la région et sait que les dirigeants algériens exploitent ce conflit artificiel pour détourner l’attention de leurs problèmes internes vers le Maroc et la France».

Cette crise entre les deux pays a plusieurs causes. Emmanuel Macron, autrefois proche de l’Algérie, avait tenté de convaincre les dirigeants algériens d’un décollage économique et d’un développement structuré. Il n’a pas été compris. «Ces derniers ne parlent pas ce langage, n’ont ni vision de développement ni volonté politique ou diplomatique pour la stabilité et l’abandon de leur logique hégémonique».

De plus, les Français sont prisonniers des accords de 1962, 1968, 1974 et 1994, qui accordent certains privilèges à la communauté algérienne. Le régime charge également ses ressortissants binationaux d’espionner pour le compte de l’Algérie. Cela a conduit la droite et l’opinion publique françaises à conclure que ce pays ne peut être un partenaire fiable et qu’il est responsable de la perte de la zone d’influence française au Sahel. Puis est venue l’affaire de l’écrivain Boualem Sansal, «qui a affirmé que la moitié de l’ouest algérien est historiquement marocaine et n’a aucun lien avec cet État hybride ». Ajoutons à cela «l’envoi de milliers de jeunes Algériens sans emploi pour semer le chaos en France: les services de renseignement algériens ont réussi à créer des milices dans les banlieues des grandes villes pour provoquer des troubles et répandre le désordre».

Selon les données citées par le spécialiste, 40.000 Algériens sont détenus dans des centres de rétention pour migrants, refusant leur retour dans leur pays d’origine. De même, les statistiques des ministères français de l’Intérieur et de la Justice affirment que sur les 200.000 crimes ou délits commis annuellement en France, 120.000 sont attribués à des jeunes Algériens.

Face à cette situation, la France applique une stratégie d’étranglement progressif envers les dirigeants algériens. En réponse, ces derniers ont fermé plusieurs consulats dans le sud de la France, ne conservant que ceux servant de couverture aux services de renseignement à Paris, Bordeaux et dans le Nord.

Le ministère français de l’Intérieur riposte, mettant à jour une base de données sur les Algériens, leurs investissements et leurs relations diverses en France.


Par Amyne Asmlal
Le 30/03/2025 à 22h27

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