La branche de Daech au Sahel a été décapitée par l’armée française, qui vient de tuer le chef terroriste et ancien membre du Polisario Abou El Walid Al-Sahraoui. C’est le président français Emmanuel Macron qui a lui-même annoncé la nouvelle sur son compte Twitter, tard dans la nuit de mercredi à hier, jeudi 16 septembre 2021, suivi quelques instants plus tard par la ministre française de la Défense, Florence Parly.
Adnane Abou Walid Al-Sahraoui, de son vrai nom Lehbib ould Abdi Ould Said Ould El Bachir, est né à Laâyoune, au Maroc. Parti très jeune dans les camps de Tindouf, il est enrôlé après ses études secondaires dans les milices du Polisario, avant de rejoindre Alger au début de la décennie noire qui a ensanglanté le pays. En lieu et place d'études supérieures, Lehbib ould Abdi va en fait subir une formation puis un recrutement au sein du Département du renseignement et de la sécurité (ex-DRS, dissous en 2015). Pourquoi faire? La suite de son parcours le révèle...
En tout cas, à la fin de la guerre civile algérienne, il rejoint les groupes terroristes dans le nord-Mali, surtout ceux dirigés par des Algériens. Il devient d’abord le bras droit d’Abdelhamid Abou Zeid, au sein d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), où il se fait remarquer par ses premières actions terroristes en 2011, avant de rejoindre un autre terroriste, Algérien, Mokhtar Belmokhtar et son groupe des «Mourabitoune», après un bref passage par l’autre nébuleuse du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), dont il a été le porte-parole.
Après son passage par ces trois groupes terroristes s’activant au nord du Mali, et se finançant par le biais de lucratives rançons versées par les Européens pour libérer leurs otages régulièrement kidnappés dans la région, Abou Walid Al-Sahraoui, fort de son CV de terroriste, prête allégeance à Daech et à son chef, Abu Bakr Al Baghdadi. Il devient, en 2015, l’émir de l’«État islamique dans le grand Sahara» (EIGS).
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«AWAS» (l'acronyme utilisé pour désigner Abou Walid Al-Sahraoui) va surtout mettre ses activités et ses hommes au service du Polisario, avec lequel il n’a jamais coupé ses attaches. C’est ainsi qu’en 2012, et alors qu’il était encore l’un des chefs du MUJAO, il a organisé le rapt de trois humanitaires européens au cœur même de Rabbouni, le siège de la direction du Polisario. Cette prise d’otages à des fins de paiement d’une conséquente rançon n’aurait jamais pu avoir lieu sans la complicité des dirigeants du Polisario, voire des Algériens, qui ont ainsi ouvertement livré ces otages et démontré leurs accointances avec les mouvements terroristes. D’ailleurs le gros des rançons payées aux Mouvements terroristes du nord du Mali atterrit dans les caisses du Polisario en échange de la fourniture d’armes, de carburant gracieusement fourni par la Sonatrach algérienne à ce même Polisario, sans parler de la revente d'aides humanitaires destinées aux camps de Lahmada.
Ce n’est pas un hasard si le 28 décembre 2020, le ministère algérien de la Défense annonçait avoir mis la main, lors de l’arrestation de terroristes présumés à Jijel, sur la somme de 80.000 euros. Selon l’armée algérienne, ce magot proviendrait de la rançon versée deux mois plus tôt à des groupes terroristes au Mali, en plus de la libération de 200 d’entre eux, en contrepartie de la libération d’otages occidentaux avec un homme politique malien. Quelle part de cette rançon avait alors empochée Abou Walid Al-Sahraoui pour être transférée à Tindouf?
Le «polisarien de Daech» s’est également signalé par d’autres coups de main au Polisario, en menaçant, par exemple, dans un enregistrement vidéo diffusé le 5 mai 2016, d’attaquer les membres de la Minurso et le Maroc. D’ailleurs, c’est suite à cette menace que Kim Bolduc, à l’époque représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU et cheffe de la Minurso, s’est déplacée de son siège à Laâyoune pour aller demander des explications au Polisario sur les menaces proférées par son ex-membre contre la mission onusienne.
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Début octobre 2019, le département d’Etat américain, qui n’ignore pas la trajectoire polisarienne d’AWAS, avait promis une récompense de quelque 5 millions de dollars pour toute information permettant d’identifier ou de localiser Adnane Abou Walid Al-Sahraoui, placé sur la liste des terroristes les plus recherchés du monde. Pour les Américains, l’ex-milicien du Polisario doit surtout payer pour sa responsabilité directe dans la mort de quatre soldats américains, tués dans une embuscade au Niger en octobre 2017.
Lors du Sommet du G5-Sahel (composé du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Tchad et du Burkina Faso) à Paris en juillet dernier, le président Emmanuel Macron, avait classé le groupe terroriste dirigé par Abou Walid Al-Sahraoui comme le plus dangereux de la région sahélo-saharienne. Une année auparavant, soit le 9 août 2020, ce sont d’ailleurs Abou Walid et son groupe qui avaient froidement exécuté six jeunes humanitaires français au Niger.
A titre de simple rappel, en février 2020, la presse espagnole avait ouvertement mis à nu la connexion entre le groupe terroriste dirigé par Abou Walid Al-Sahraoui et le Polisario. Ce dernier a d’ailleurs réagi à travers un communiqué, en s’attaquant au média espagnol Europa Press, accusé d’«entretenir délibérément la confusion dans l’opinion publique» en divulguant, dans un article intitulé «l’Etat islamique dans le Grand Sahara, principale menace pour le Sahel», les liens avérés entre Polisario et terrorisme.
Avec la liquidation d’Abou Walid Al-Sahraoui, le Polisario perd une source de financement et un relais pour vendre des armes et du carburant. Quant aux services algériens, ils perdent un précieux agent dormant qu’ils activaient au besoin.