Disons-le d’emblée: la sortie de Saâd Eddine El Othmani sur la chaîne de télévision saoudienne Asharq News est à l’image de son tact diplomatique et son sens du timing géostratégique. Un peu maladroite sur la forme, mais non dénuée de sens sur le fond… Sebta et Mellila n’est pas un tabou diplomatique que le chef du gouvernement ne peut pas aborder avec les médias nationaux ou internationaux. Les positions divergentes du Maroc et de l’Espagne à ce sujet sont à cet égard un fait connu et établi.
La réaction du gouvernement espagnol aux propos de Saâd Eddine El Othmani a toutefois pris une forme inappropriée. Entre plier aux appels de ses adversaires politiques pour convoquer l’ambassadrice marocaine à Madrid et émettre un communiqué officiel à ce sujet, il y a un grand écart que les relations solides entre les deux pays pouvaient éviter.
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Cette approche par communiqués ne sert pas forcément les relations de bon voisinage entre les deux pays. Le Maroc a toujours privilégié la voie du dialogue, en ayant recours à des actions diplomatiques aussi efficaces que discrètes. Les autorités espagnoles ne le savent que trop, parce qu’elles ont mesuré la réaction retenue du gouvernement marocain après le tweet du deuxième vice-président espagnol, Pablo Iglesias, hostile à l’intégrité territoriale du Royaume. Idem quand les forcenés du Polisario ont profané le drapeau marocain au Consulat général du Maroc à Valence. Le département des Affaires étrangères n’a pas émis de communiqué pour dénoncer un acte hautement répréhensible, mais a plutôt privilégié la voie d'un dialogue serein et responsable.
Cette démarche proactive pour désamorcer les sujets qui fâchent est une ligne directrice de la diplomatie chérifienne à l’égard de l’Espagne. «Plutôt que de recourir aux communiqués officiels, le Maroc a toujours opté, dans ses relations avec l’Espagne, pour une diplomatie discrète et efficace», soutient ce haut responsable du ministère des Affaires étrangères. Et d’ajouter: «la vision royale est d’être volontariste sur ce qui nous rapproche et d’être lucide et serein par rapport aux sujets sensibles. Et c’est ce qui a permis d’immuniser la relation entre les deux pays et la mettre à l’abri de ceux qui ne cessent d’alimenter les foyers de tension en se cramponnant à des points de divergence».
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La relation entre le Maroc et l’Espagne reste effectivement résiliente face à toute épreuve, car soudée par les liens exceptionnels entre les deux Maisons royales. C’est le socle qui a permis de construire durablement des relations de coopération exemplaires dans moult domaines. Les synergies entre les économies des deux pays font que l’Espagne est le premier partenaire commercial du Royaume. Les services de renseignement marocains et espagnols apportent depuis plusieurs années la démonstration sur le terrain que la sécurité des deux pays est un bien commun, qui ne peut être préservé que par une collaboration et concertation permanentes.
On ne compte plus, d’ailleurs, les coups de filets menés par les services des deux pays ayant permis de démanteler des cellules terroristes ou des mafias de crime organisé sur les deux rives. Idem en matière de migration, où le Royaume a construit avec l’Espagne un modèle, cité en exemple à travers la planète. Le ministre de l’Intérieur espagnol vient d’ailleurs de le confirmer: «nous n’avons aucun problème avec le Maroc (…) Les relations de coopération et de collaboration avec le Maroc sont excellentes à tous les niveaux», a martelé Fernando Grande-Marlaska sur les ondes de la radio espagnole Cadena Ser.
Un partenaire aussi précieux comme le Royaume mérite donc plus de considération diplomatique. Ou, du moins, une réciprocité dans la démarche à suivre, quand il s’agit d’aborder les sujets qui fâchent, loin des communiqués publics.