Que Mohamed Baâssou, dirigeant du mouvement islamiste Al Adl Wal Ihssane (interdit, mais toléré), soit défendu par les siens au sein de la Jamaâ, c’est logique. Même si les accusations d’adultère et, bien plus graves, de traite d’êtres humains dont il fait l’objet sont aux antipodes des vertus et des bonnes mœurs ostentatoirement affichées par les partisans du mouvement fondé par feu Abdeslam Yassine. Mais que ce même Baâssou, alors que l’affaire est loin d’avoir révélé tous ses secrets, soit défendu bec et ongles par des acteurs loin d’être au fait de ce qui s’est passé et, qui plus est, n’ont en principe rien en commun avec la Jamaâ et ses thèses, voilà qui est fort étonnant. Ali Lamrabet, autrefois directeur des magazines Demain et Doumane, aujourd’hui youtubeur de faible intensité, en fait partie.
Sur le site londonien Middle East Eye, celui dont les sorties se limitent aujourd’hui à de longues, laborieuses et irrégulières capsules vidéo, nous gratifie d’un article d’«investigation». Que nous apprend-il de nouveau sur cette affaire? Que le but du scandale est de «salir la jamaât au moment précis où elle fêtait en grandes pompes les 40 années de sa fondation», qu’il s’agit d’une «méthode utilisée par le régime pour tenter d’abattre ses contempteurs», et que tout le Code pénal est à jeter à la poubelle, puisque le Maroc abrite le «Sodome du monde arabo-musulman, Marrakech». Le tout, sans apporter le moindre argument à la décharge du présumé coupable, si ce n’est que «l’homme reste homme et qu’il ne peut s’empêcher parfois de commettre ces petits ’’péchés’’ de la chair».
S’agissant du fond de l’affaire, Lamrabet se proclame à la fois police judiciaire, défense et ultime justice, livrant une version des faits qu’il est le seul à détenir. Pour lui, il n’y a même pas d’affaire. A ses yeux, la victime assure n’avoir jamais entretenu de relations sexuelles avec le dirigeant adliste et que le contact n’a guère dépassé le stade d’un léger attouchement, cette femme ayant déclaré à la police qu’un jour, Baâssou aurait «pris sa main lors d’une rencontre». Lamrabet veut pour preuve ultime du «non-lieu» qu’il prononce le refus supposé de l’épouse légitime de Baâssou de porter plainte. On passera sur la flagrante contradiction entre défendre une «peccadille d’adultère» et en nier jusqu’à l’existence.
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Ce que Lamrabet ne dit pas, c’est que le premier responsable de la Jamaâ pour la région de Fès-Meknès a été arrêté, lundi 31 octobre en fin de journée, dans un quartier désert de la banlieue de Meknès, près de Moulay Driss Zerhoun, en plein ébats à bord de sa voiture avec une femme divorcée. Il y a, là, flagrant délit. Pire, lors d’une confrontation entre les deux accusés, la femme l’a accusé d’exploitation sexuelle. Celui qui occupe également la fonction de directeur des ressources humaines de la direction provinciale de l’Education nationale de Meknès aurait ainsi abusé de la situation sociale de «sa» victime, lui promettant un emploi contre sexe, mais sans jamais tenir sa parole.
La femme en question a, d’après nos informations, reconnu avoir eu, à quatre reprises, des rapports sexuels avec le dirigeant islamiste, dans la même voiture et au même endroit. A chaque fois, dit-elle, elle le questionnait sur l’évolution de son dossier, mais il a toujours cherché à gagner du temps en lui donnant maintes justifications. Jusqu’au jour où ils ont été arrêtés en flagrant délit. Si ce n’est pas de la traite d’êtres humains, il faudra que Lamrabet nous explique ce que c’est. En attendant, la loi, qu’il semble mépriser, est claire: un tel crime est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 20 ans.
La procédure suit son cours. Le juge d’instruction près la Cour d’appel de Meknès a décidé, jeudi 10 novembre, de reporter au 17 du même mois l’audition de Mohamed Baâssou. Ali Lamrabet, et il n’est pas le seul à surfer sur une affaire éminemment criminelle, aura beau crier au complot, ce sera à la justice de dire son dernier mot.