Lundi dernier, l’agence Maghreb arabe presse (MAP) a rapporté une information selon laquelle «le Parlement européen réclame une intervention urgente de l’Union européenne (UE) pour mettre un terme à la répression en Algérie». En effet, dans une lettre adressée au chef de la diplomatie européenne, ce groupe de députés dit vouloir «attirer l’attention du Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère et la sécurité, sur la situation de la liberté de la presse en Algérie et les exactions commises à l’égard des journalistes».
Le fait que cette information avérée soit rapportée par l’agence de presse marocaine a fortement déplu à la très officielle APS, agence de presse algérienne et porte-voix du régime d’Alger. Pour attaquer les eurodéputés, l’agence officielle algérienne a puisé ses arguments dans un vocabulaire et des thèses qui rappellent les pires moments de l’antisémitisme. Pour cette agence qui défend les intérêts et proclame les valeurs de l’Etat algérien, ces eurodéputés ne sont rien d’autre qu’un «lobby maroco-sioniste» qui tente d’influencer le Parlement de Strasbourg.
Sous le titre «La MAP endosse au Parlement européen une position contre l'Algérie de sept députés du lobby maroco-sioniste», l’APS écrit que ce prétendu lobby est formé de «Raphaël Glucksman, Bernard Guetta et SalimaYenbou de France, Hannah Neumann d’Allemagne, Maria Arena de Belgique, Tinek Strik de Hollande et Heidi Hautala de Finlande».
Or, seuls Raphaël Glucksman et Bernard Guetta, tous deux issus «d’une famille de Juifs sépharades, d'origine marocaine», sont pointés du doigt par l’APS. Que l’on se représente un peu la gravité de la situation. Ce ne sont pas les idées de ces députés qui sont attaquées, ni même les thèses qu’ils défendent, mais leur judaïcité. C’est écrit noir sur blanc dans la dépêche: ces deux députés européens sont stigmatisés par l’agence de presse officielle algérienne parce qu’ils sont «Juifs sépharades, d'origine marocaine».
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On a envie de se frotter les yeux pour croire ce qu’on lit. Pourtant, aucune ambiguïté possible: l’hostilité manifestée par l’APS envers ces deux députés s’explique par leur confession juive. Cela a un nom: l’antisémitisme qui montre jusqu’à quel point le régime autarcique d’Alger est nourri de préjugés qu’on pensait appartenir à un autre temps.
Pour l’agence officielle algérienne, «l’alliance du Makhzen avec les milieux sionistes œuvre à empêcher que l'Algérie retrouve les chemins de la stabilité, de l’ordre, des droits et libertés, et de la croissance».
On a déjà assisté au delirium de médias algériens sur de supposés accointances ou deals entre le Maroc et Israël. La dernière fantasmagorie en date est liée à la nomination de 10 ministres d’origine marocaine dans le nouveau gouvernement israélien. Ces thèses complotistes, dont la presse algérienne est friande, peuvent amuser et donner un aperçu sur l’imagination très fertile de nos confrères de l’Est. Mais quand l’antisémitisme est proclamé, sans la moindre gêne et sans même pas de pseudo précautions rhétoriques, par l’agence officielle du régime, cela s'avère très grave et n’honore pas un régime qui n’en est pas à son premier acte assumé de racisme.
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On se souvient qu’en 2016, un conseiller de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, Farouk Ksentini, s’était fendu d’une déclaration à tout le moins scandaleuse. «Nous sommes exposés au risque de la propagation du Sida; ainsi que d’autres maladies sexuellement transmissibles à cause de la présence de ces migrants subsahariens», a asséné celui qui occupait en 2016 le poste de président du «Conseil consultatif de protection des droits de l’Homme», instance constitutionnelle créée par le chef d’Etat algérien.
Si le garant du respect des droits de l’Homme, en Algérie, a osé faire étalage d’un racisme anti-noir primaire, il ne faut pas s’étonner que l’agence de presse officielle proclame haut et fort l’antisémitisme du régime d’Alger.