Dans une interview accordée lundi 8 février au journal arabophone algérien «El Massae», Ammar Belhimer, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement algérien, a déclaré que le Maroc «a recruté des centaines d’agents dans le monde virtuel pour attaquer l'Algérie, et nous connaissons très bien la source de leur présence grâce à ce que la technologie moderne permet… Il est également clair qu'il s'agit d'un acte systématique et coordonné».
Ce mardi 9 février, Belhimer a réitéré les mêmes accusations devant une assistance formée, selon le quotidien d’Etat, «El Moudjahid» du 10 février, de «membres du gouvernement, des représentants des deux chambres du Parlement ainsi que des cadres de l'ANP, de la sûreté et de la gendarmerie nationales et des conseillers du Président de la république». Il a ainsi affirmé que «l'Algérie, qui veille à produire un contenu national numérique de qualité, est ciblée par une guerre électronique structurée où se croisent les tentacules de parties étrangères ayant misé sur l'échec du processus démocratique engagé par le Hirak populaire et mené à bon port à la faveur des élections».
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La main de l’étranger est une nouvelle fois ressortie à l’occasion de ce que la «pravda» algérienne appelle «la journée parlementaire sur la "Cybercriminalité et ses retombées sur la sécurité du pays et du citoyen" organisée au Cercle national de l'armée».
Lors de ce conclave des parlementaires chez les militaires, dont le choix du moment ne doit également rien au hasard, les responsables algériens, aussi bien militaires que civils, ont dit tout le mal qu’ils pensent d’internet. La Toile est qualifiée tantôt de «réalité effrayante», dont le «développement effréné» a conduit à des «déviations» et «mauvais usages», tantôt d’outil charriant des crimes «plus dangereux que les guerres traditionnelles où l'ennemi est connu, car l'adversaire dans ce cas précis recourt à des logiciels dangereux», tout en restant invisible.
Cette levée de boucliers officielle contre internet serait motivée par la grande mobilisation que les militants antirégime, mais aussi les nombreux opposants et bloggeurs ne cessent d’organiser sur les réseaux sociaux pour revendiquer l’instauration d’un «Etat civil et non militaire».
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D’ailleurs, ce qui prouve la grande fébrilité du régime algérien, qui a vraiment peur de ses propres citoyens et non d’un quelconque ennemi étranger imaginaire, c’est qu’il en appelle aux acteurs issus «des mosquées, des établissements éducatifs, des médias et du mouvement associatif» algériens, en vue de contribuer à la «préservation de la sécurité» du pays et des citoyens.
Pour juguler cette menace interne, le régime algérien a toujours mis à exécution des restrictions d’accès à internet, faisant que l’Algérie occupe la 173ème place sur 176 pays en matière de connexion internet fixe, selon un classement établi en décembre 2019. Avec une vitesse de connexion de 3.99 mbps, l’Algérie ne devance que le Vanuatu (3.87), le Venezuela (3.64 mbps) et le Turkménistan (2.06 mbps). En matière de connexion mobile, l’Algérie est avant-dernière mondiale (138ème sur 139). Avec 7,34 Mbps, elle évite de justesse la dernière place, occupée par la Palestine, Etat qui ne dispose pas d’un réseau domestique.
Pire, l’Algérie, pour maintenir le même régime militaro-affairiste et dictatorial qui la dirige depuis l’indépendance, reste un pays déconnecté des réalités du monde actuel et entretient toujours une guerre froide avec tous ses voisins. A l’instar de la Corée du nord, avec laquelle elle partage les trois mots qui définissent le pays «République, populaire et démocratique», l’Algérie ne fait que s’enfoncer davantage dans l’autarcie, comme le montrent les nouvelles restrictions dans l’utilisation de l’Internet que le régime se prépare à imposer pour se donner un nouveau sursis.