La multiplication des chantiers n’effraie pas le gouvernement: mise en place de l’Etat social, réforme de l’enseignement, mise à niveau du système de santé, nouvelle politique énergétique, lutte contre le chômage, relance de l’investissement privé, nouvelle politique culturelle... Ajoutons à cela la gestion au quotidien des répercussions d’une crise internationale qui nous dépasse et met à rudes épreuves nos modestes moyens budgétaires.
Courage politique ou témérité?
L’évolution de la société marocaine, ouverture au monde oblige, a multiplié les attentes sociétales, vite transformées en besoins pressants. Feindre l’ignorance, du côté du gouvernement, serait contreproductif: source de tensions et réduction de la participation politique. Donc disons plutôt prise en compte de l’apparition de nouvelles réalités: politiques, économiques, démographiques…
A cet élargissement des centres d’intérêt citoyens et des contraintes internationales, formant une demande, le gouvernement est obligé de monter en gamme en termes de gouvernance politique (qualité de la gestion pour faire court) afin d’aligner des réponses nouvelles, plus riches et appropriées, offre. Nombre de ministres, ayant déjà dirigé de grandes entreprises, savent cela puisqu’ils sont censés l’avoir pratiqué. Bien que la gestion des deux espaces, public et privé, n’a pas la même finalité, ils peuvent s’enrichir mutuellement (cf. travaux anglo-saxons).
Depuis plus de deux décennies, les gouvernements successifs ont pris l’habitude, se sont installés dans le confort, de gérer les affaires courantes et de déléguer la réflexion et l’élaboration des grands projets de développement économique à des cabinets de conseils privés essentiellement étrangers.
Les plans sectoriels et divers contrats programmes ont été initiés grâce à ces travaux.
L’option n’est pas dénuée d’intérêt, bien que coûteuse et ayant produit des résultats pas toujours à la hauteur des attentes. Un cabinet étranger apporte une expertise que nous ne détenons pas et une richesse construite à travers d’autres expériences dans d’autres contrées. En étant généreux, il peut proposer une vision, des stratégies et des plans d’action. Il s’arrête là. La mise en application revient à l’administration et aux partenaires concernés. Est-il responsable du niveau des résultats atteint? Très franchement pas beaucoup. A défaut d’une administration dans la capacité de profiter pleinement des études et de réaliser les plans d’action recommandés les résultats seront toujours en deçà des attentes (la réforme de l’administration est un des chantiers majeurs de modernisation du Maroc sur lequel nous reviendrons prochainement et souvent).
Dans le Maroc de 2022, y a-t-il d’autres sources d’inspiration, de conseil, susceptibles d’aider un gouvernement qui éprouve des difficultés à relever la tête du guidon, à élargir ses horizons, se doter de stratégies en dehors du recours aux cabinets de conseil?
Ce n’est aucunement une tentative de notre part de les écarter. Sauf que nous sommes devenus au Maroc plus sensibles aux thèmes souverainistes, plus attentifs aux spécificités locales, fruit d’un vécu réel. Nous n’allons pas aller jusqu’à prétendre qu’il y a une économie politique marocaine, cet enfantillage intellectuel a été enterré par Redouane Taouil à Grenoble au début des années 80. Les sciences économiques sont universelles. Toutefois, il y a des identités culturelles nationales fortes. Les travaux prêt-à-porter des cabinets dérangent intellectuellement et ont montré certaines limites au niveau de la vision et des stratégies.
Disposons-nous d’une alternative? Si oui, est-elle exclusive?
Pour la vision, les discours du roi Mohammed VI prononcés depuis quelques années, synthèse enrichie de l’effort de réflexion collectif national, son largement suffisants. Nous savons où nous voulons aller et que nous sommes porteurs d’ambitions réalistes. La lecture des recherches en histoire produites ces 50 dernières années sur le Maroc, permet de se munir des outils d’analyse nécessaires.
Pour le travail de prospective, de propositions de stratégies, d’évaluation, d’études de conjoncture et de cadrage macroéconomique le Haut Commissariat au plan pourra jouer ce rôle, une fois que ses attributions seront élargies. Il faut lui adjoindre simplement d’autres compétences. Le discours royal du 8 octobre au Parlement a évoqué sa nécessaire réforme. Toujours en attente.
Vous remarquerez que votre serviteur se limite à analyser, sans prétentions, de l’information ouverte.
Toujours en matière de stratégies et de plans d’actions, on ne peut qu’être frappé par la faiblesse de production, de coordination et de suivi de quelques cabinets ministériels. Pourtant, ce sont leurs missions et ils sont rétribués par l’argent public. Le dévoiement des missions premières de certains cabinets ministériels, devenus réceptacles et récompenses de personnes, certainement très honorables, mais sans compétences techniques, ne peut que soulever des interrogations.
Revenons aux cabinets conseils. Ont-ils un rôle à jouer? Oui. Surtout au niveau des volets affinement des stratégies et élaboration des plans d’action: définition stricte des objectifs, recherche des financements, gestion du temps, analyse des résultats intermédiaires et des résultats finaux. La mise en application des stratégies est une de nos grandes faiblesses, en attente de la réforme de l’administration qui lui fournira les moyens.
La montée en gamme de la gouvernance politique du gouvernement est un objectif nécessaire, réaliste et réalisable. Il l’est plus qu’avant grâce à l’enrichissement continu du champs politique d’apports intellectuels divers. L’apport aussi d’un HCP aux missions élargies, de cabinets ministériels plus professionnels et un meilleur cadrage des cabinets conseils donnera lieu à un output plus riche.
Au bénéfice de notre pays.