Dans la plupart des grandes démocraties, ce mois de septembre est consacré à ce qui est communément appelé «la rentrée politique». Moment fort où l’exécutif, chef de gouvernement et ministres, livre son analyse de la situation internationale et nationale, et annonce son programme de travail pour l’année à venir; chaque ministre dans son domaine de compétence.
L’utilité de cet exercice est d’abord d’informer les citoyens, la société civile et les partis politiques sur la situation du pays, le niveau de réalisation des projets en cours, les plans d’action futurs et les perspectives des politiques publiques. Ensuite, de servir comme plateforme introductive à des débats au sein de la société, permettant à chacun, en fonction de ses centres d’intérêt, d’apporter sa contribution. Améliorant ainsi la formation des élites politiques, des opérateurs et des citoyens, la visibilité globale et par secteur, dans le pays pour les mois qui suivent. Rappelons un truisme: la communication n’est guère une perte de temps, elle encourage la participation du citoyen, sa mobilisation et, en fin de compte, son inclusion. Elle contribue à renforcer la stabilité politique.
La rentrée politique chez nous est encore éloignée des canons rappelés plus haut.
A l’exception notoire du discours royal prononcé chaque deuxième vendredi d’octobre à l’occasion de la rentrée parlementaire et constituant un moment fort de la vie politique, peu de choses viennent meubler le vide. La classe politique ne fournit aucun effort pour animer la réflexion, prendre de la hauteur, exécutif en tête.
Les partis politiques, majorité ou opposition, ont renoncé à leurs «universités d’été», censées apporter une réflexion nouvelle et ouvrir de nouveaux horizons. Ils attendent que l’exécutif se prononce pour applaudir ou se positionner en critiques. Quant aux nouvelles pistes, aux nouvelles propositions, elles ne sont pas visibles.
Venons-en à l’exécutif. Cette rentrée politique n’est-elle pas l’occasion d’innover en matière de communication? Le chef du gouvernement ne devrait-il pas saisir l’occasion pour rappeler à l’opinion publique les grandes lignes de la politique économique, sociale et culturelle du gouvernement? Les initiatives proposées pour adapter ou, encore mieux, donner de nouveaux moyens à notre économie afin de dépasser structurellement les contraintes d’une situation mondiale difficile et inédite. Faire ressortir aussi plus clairement les cohérences, surtout en matière économique, entre les initiatives des départements ministériels concernés. Bref, exercer son leadership et fournir une feuille de route dans le cadre d’une vision d’ensemble, agrémentée d’objectifs chiffrés.
Les divers départements ministériels sont aussi invités à communiquer sur leurs réalisations, leurs difficultés et leurs plans d’action futurs. En veillant à les inscrire dans la logique d’ensemble de l’action gouvernementale et en respectant la mémoire et l’intelligence des Marocains.
Les exemples sont multiples de déclarations légères ou promesses non tenues à éviter à l’avenir. Nous rappellerons quelques-unes à titre indicatif.
Gestion calamiteuse du dossier de l’énergie dans sa communication globale et dans les réponses apportées aux besoins actuels et futurs: la hausse des prix, le dossier SAMIR, le progrès des énergies renouvelables, ou encore le débat national sur le nucléaire qui devait se tenir cette année. La souveraineté énergétique est-elle toujours d’actualité?
Optimisme exagéré du département de la Santé quant à ses performances. Retards dans les investissements, manques de ressources humaines et gestion déficiente de l’existant. Les budgets mobilisés sont en deçà des besoins et mal utilisés. Doit-on rappeler que les bonnes performances en matière de vaccination anti-Covid-19 sont aussi le fait de l’aide essentielle de l’Etat et de l’administration territoriale à ce département?
Les propositions en matière de souveraineté industrielle, ou d’industrialisation tout court, gagneraient à être mises en cohérence avec les chantiers d’investissements en cours, vu que le dossier de l’investissement est géré par deux départements, voire trois.
On va s’arrêter là.
On peut comprendre les hésitations du gouvernement à communiquer avec l’opinion publique au vu du déferlement des critiques excessives et souvent injustifiées dont il fait l’objet, principalement sur les réseaux sociaux. Toutefois, l’attitude du gouvernement ne se justifie pas pour plusieurs raisons: l’exécutif doit jouer aussi un rôle didactique, condition d’une bonne gouvernance; en ne communiquant pas, il se prive d’éventuelles propositions nouvelles et constructives émanant de la société et d’autres corps intermédiaires; le citoyen/électeur a droit à l’information; réserver la communication au Parlement uniquement n’assure pas nécessairement une diffusion élargie et correcte des messages.
Tout démocrate au Maroc doit avoir à cœur la problématique de la participation citoyenne. Facteur de confiance en notre système et de stabilité. Le gouvernement, en élargissant sa communication, contribue positivement au progrès de la démocratie, une de ses missions majeures.