Le laïus tenu par Tebboune, le mercredi 30 mars, devant Blinken n’en finit pas de sidérer. La lecture de la transcription in extenso des propos de Tebboune, reproduits fidèlement sur le site du secrétariat d’Etat américain, vient d’être rehaussée par la diffusion, probablement une fuite, de l’enregistrement sonore de la fameuse performance du président algérien.
Dans ce long exposé de plus de 22 mn, le président algérien déroule son éclairage sur les relations internationales de l’Algérie avec ses voisins et sur la situation intérieure dans son pays. Les propos de Abdelmadjid Tebboune sont au mieux hilarants, au pire affligeants, parce qu’ils situent impitoyablement le régime algérien dans une division très inférieure.
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Ainsi, on apprend avec étonnement de la bouche du président algérien qu’Israël n’est plus une «entité» ou cet «ennemi sioniste», comme il avait l’habitude de le nommer lors de ses sorties médiatiques ou officielles. Selon lui, l’Algérie «n’a aucun problème avec Israël. Notre seule préoccupation est la Palestine. Notre seul problème avec Israël est la Palestine… Une décision a été prise au niveau la Ligue arabe visant à proposer un accord de paix avec Israël, à condition de reconnaître l’indépendance de la Palestine. Nous suivons la même ligne et nous n’avons jamais changé. Nous n’avons absolument rien contre les Israéliens. Nous voulons la paix entre les deux peuples».
Ni le Maroc, ni aucun autre pays arabe ne dit le contraire, aurait pu rétorquer Antony Blinken. Pourquoi alors le régime algérien n’a cessé ces derniers mois de dénoncer et de s’acharner contre la reprise des relations diplomatiques entre Israël et le Maroc? Pourquoi a-t-il accusé, de la bouche de l’ancien premier ministre algérien Abdelaziz Djerad, le Maroc d’avoir «ramené l’entité israélienne et sioniste à nos frontières »? Pourquoi le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, a listé cette normalisation parmi les principales raisons qui ont conduit l’Algérie à rompre unilatéralement ses relations diplomatiques avec le Maroc?
Ce sont justement les réponses à ces questions qui intéressent la diplomatie américaine, d’autant plus que les généraux algériens, vrais détenteurs du pouvoir politique et militaire, se montrent très agressifs à l’égard du Maroc, en dénonçant sa normalisation avec l’Etat d’Israël. N’est-ce pas le mensuel de l’état-major militaire algérien, El Djeich, qui écrivait dans l’éditorial de son numéro de décembre 2021, que le «voisin malveillant est allé jusqu’à permettre à l’entité sioniste de faire de son territoire un pied à terre»?
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Dans son laïus, Tebboune est même allé jusqu’à affirmer que son pays n’a pas «besoin d’autant d’armes et l’Etat algérien aurait souhaité consacrer toutes ces dépenses militaires pour l’épanouissement de notre jeunesse et pour le développement de notre territoire».
Amar Saadani, ancien patron du FLN et ancien président l’Assemblée nationale algérienne, avait déjà donné ce conseil aux autorités de son pays en octobre 2019. Selon ce haut responsable algérien, qui reconnait la marocanité du Sahara, l'argent dépensé pour armer et financer le Polisario méritait d'être alloué à l’emploi de la jeunesse algérienne et aurait pu développer des centaines de villes en Algérie.
A propos de jeunesse, Tebboune a donné la preuve dans son monologue que la gérontocratie, qui est la marque patente des dirigeants algériens qu’ils soient militaires ou civils, est un sujet qui fait visiblement mal. Alors que ce pays est dirigé par des chibanis et des grabataires, Tebboune a déclaré sans sourciller devant Blinken que «ce pays (l’Algérie) est jeune et il faut qu’il soit pris en charge par les jeunes». Et d’ajouter qu’il s’est engagé «à remettre le pouvoir aux jeunes». Qu’est-ce attend donc? La mort de Goudjil, le président du Sénat, âgé de 91 ans, qui devrait diriger le pays en cas d’incapacité du chef de l’Etat?
Autre conséquence de la logorrhée de Tebboune: celle-ci risque de mécontenter plusieurs pays, ciblés par des propos peu amènes. A commencer par la Mauritanie, la Turquie, la Libye et même la Russie. Sur chacun de ces pays, Tebboune a tenu des propos indignes d’un chef d’Etat. Au milieu du fatras de considérations et «d’analyses» sur la situation régionale, Tebboune a eu cet étonnant aveu: «personnellement, je n’ai jamais su comment nous sommes arrivés à cette situation au Sahel». Quand on ne sait pas, on se tait, M. Tebboune.