Sur les réseaux sociaux, Al Adl Wal Ihssane, association islamiste interdite mais tolérée, ne cesse de crier à l’injustice après que l’autorité compétente a décidé de fermer, hier, mardi 5 février, trois de ses «locaux» à Casablanca, Inezgane et Kénitra. Les raisons, légales justifiant une telle mesure ne manquent pas: En convertissant, en espaces publics, des lieux destinés à l'habitat de particuliers, par ailleurs présentés par la Jamaâ comme des «maisons appartenant à certains de ses membres», l’association islamiste enfreint au moins trois textes majeurs de lois en vigueur.
Le premier n’est autre que la loi 12-90 sur l’urbanisme, promulguée par Dahir en 1992. Ce texte stipule clairement que nul n’a le droit de changer l’architecture ou la vocation d’une habitation donnée, pour la transformer en un lieu de rassemblement et de réunions accueillant un grand public, «est puni [d’une amende allant de 10.000 à 100.000 dirhams, Ndlr], tout contrevenant qui, détenteur d'un permis de construire, édifie un immeuble, en violation du permis qui lui a été délivré, en modifiant les hauteurs permises, les volumes ou l'implantation autorisés, la surface constructible ou la destination de l’immeuble», peut-on ainsi lire dans ce texte de loi.
Justice et Bienfaisance viole, en second lieu, le Dahir n° 1-58-377 du 15 novembre 1958, relatif aux rassemblements publics. Selon ce texte de loi, toute réunion publique doit obéir à des règles précises. Celle-ci doit notamment être précédée d'une déclaration indiquant le jour, l’heure, le lieu et l’objet de la réunion.
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Le tout doit être remis à l'autorité administrative locale, en échange d’un récépissé ou adressé à cette autorité par lettre recommandée, dotée d’un accusé de réception.
«La réunion ne devra avoir lieu qu'après expiration d'un délai minimum de vingt-quatre heures suivant la date de réception du récépissé ou quarante-huit heures après l'envoi de la lettre recommandée», lit-on dans ce texte de loi.
Or, la Jamaâ, au prétexte qu’il s’agit là de maisons appartenant à ses membres, ne prend guère la peine de demander ces autorisations, pourtant nécessaires sur un strict plan légal, pour y réunir ses fidèles.
Mieux encore, en ayant aménagé certains espaces de ces habitations en mosquées, Al Adl Wal Ihssane a également fait fi d’une loi, promulguée en 1984, réglementant les lieux de culte au Maroc, lequel texte a été modifié en 2007. La construction comme la gestion de tout lieu de culte au Maroc est, au demeurant, des plus verrouillés. C’est en effet dans ces lieux de cultes anarchiques, échappant à tout contrôle, que germent les idées extrémistes.
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C’est ainsi que le législateur a soumis les lieux de culte à des permis de construire, délivrés par le gouverneur de la préfecture ou de la province dont ils dépendent, après avis des services compétents du ministère des Habous et des affaires islamiques et du ministère de l’Habitat et de l’aménagement du territoire.
Plus important encore, les khatibs, imams et prédicateurs qui y sont affectés sont nommés par le ministre des Habous et des affaires islamiques lui-même, après avis du gouverneur et consultation du conseil régional des oulémas concerné.
A l’évidence, ce n’est nullement le cas pour les lieux de culte aménagés par Al Adl Wal Ihssane, qui préfère opérer dans la clandestinité et, surtout, au mépris des lois en vigueur au Maroc. Les trois maisons fermées ont été transformées, en violation d'au-moins trois lois en vigueur, en espaces de rassemblements publics et en salles de prières, avec leurs dépendances comme des sanitaires dédiés aux ablutions de plusieurs personnes. Les dispositifs de sonorisation découverts sur place, de même qu'un nombre important de chaises, ne laissent aucun doute sur la quantité de personnes qui se rassemblaient dans ces lieux.
En transformant la vocation de ces maisons, Al Adl Wal Ihssane a agi en suivant sa logique de toujours: celle de tisser, vaille que vaille, un réseau qui agit hors du contrôle de l’Etat.