"Ce n’est ni un gel des relations diplomatiques ni une interdiction des organismes allemands d’interagir avec leurs interlocuteurs marocains", tient d’emblée à préciser une source proche de la diplomatie marocaine pour expliquer le sens de la note adressée hier, lundi 1er mars 2021, par Nasser Bourita au Chef de gouvernement ainsi qu’à ses collègues de l’Exécutif et qui pourrait s’apparenter à une rupture diplomatique entre le Maroc et l’Allemagne.
Adressée aux différents membres du gouvernement, la note du ministre des Affaires étrangères appelle l’administration à "suspendre tout contact, interaction ou action de coopération, en aucun cas ou sous aucune forme, aussi bien avec l'Ambassade d'Allemagne au Maroc qu'avec les organismes de coopération et les fondations politiques allemandes qui lui sont liés". Elle prévoit par ailleurs que "toute dérogation à cette suspension ne pourra se faire que sur la base d'un accord préalable explicite du ministère des Affaires étrangères";
Autrement dit, tout devrait passer désormais obligatoirement par le canal diplomatique. "C’est le circuit à même d’assurer une globalité de la relation", affirme notre source. "La relation avec le Royaume et un autre pays ne se compartimente pas en étages distincts. Il n’y a pas d’un côté la politique et de l’autre l’économie ou l’agriculture. C’est un ensemble à prendre dans sa globalité", poursuit-elle. Et de marteler: "la coopération n’est pas à la carte!"
C’est que la diplomatie marocaine est lasse de voir l’exemplarité de la coopération entre le Maroc et l’Allemagne rester cantonnée aux domaines économiques, financiers et sociaux, alors que sur le plan géopolitique, le fossé ne cesse de s’élargir.
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Sur le plan politique, les différends entre Berlin et Rabat ont été nombreux en 2020. La première offense diplomatique de la part de l’Allemagne remonte à la Conférence sur la Libye, organisée à Berlin en janvier 2020. Le Royaume avait été exclu, alors qu’il a toujours été à l’avant-garde des efforts internationaux pour la résolution de la crise libyenne, comme le démontre la conclusion des accords de Skhirat et de Bouznika. Le ministère des Affaires étrangères avait d’ailleurs fait part à l’époque ouvertement de son étonnement quant aux critères et "motivations qui ont présidé au choix des pays participant à cette réunion".
De plus, Berlin a fait preuve à l’égard du Royaume d’une hostilité inhabituelle à l’égard de son intégrité territoriale. Cette hostilité s’est exacerbée au lendemain de la proclamation signée par le président américain Donald Trump, portant la reconnaissance des Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara.
Des officiels allemands, dont un membre du gouvernement fédéral, ont publiquement critiqué cette décision, outrepassant leur droit de réserve de commenter une décision d’un Etat souverain. L’Allemagne, membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, est allé jusqu’à convoquer une réunion à huis clos, en décembre 2020, du Conseil de sécurité qu’elle présidait sur la question du Sahara, suite à cette décision américaine. Une réunion à l’issue de laquelle le représentant allemand aux Nations-Unies a distribué aux médias accrédités une déclaration virulente, aux antipodes du langage d’un partenaire historique du Royaume.
Face à tant d’hostilité, les protestations de la diplomatie marocaine sont restées sans suite. En canalisant les relations entre les deux pays, par la voie exclusivement diplomatique, Rabat alerte Berlin sur l’ampleur du malaise qui s’installe et que l’ambassade d’Allemagne au Royaume cherchait parfois à minimiser. Le message lancé par Nasser Bourita se veut à la ferme et clair: il est temps pour la République fédérale d’Allemagne de se pencher sur ses relations avec le Royaume du Maroc.