Ce n’est pas un hasard si le chef du Polisario, Brahim Ghali, a attendu jusqu’au 17 juillet dernier pour envoyer un message de félicitations au nouveau président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani. Pourtant, son élection remonte au 23 juin dernier, et les premiers messages de félicitations ont afflué dès le lundi 24 juin, à commencer par celui du roi Mohammed VI.
Il est certain que ce n’est pas un programme particulièrement chargé qui aurait fait attendre quasiment tout un mois Brahim Ghali pour qu’il réagisse à l’élection de Mohamed Ould Ghazouani. Tindouf, où il a trouvé un refuge doré, n’étant qu’à un jet de pierre de la frontière mauritanienne, et le patron du Polisario passe son temps dans les avions d’Air Algérie, évitant toutefois de se déplacer en Europe où il risque d’être arrêté suite à une plainte pour viol. D’ailleurs, son mentor algérien a rapidement envoyé un message de félicitations à Ould Ghazouani, dès le 26 juin dernier.
En réalité, c’est contraint, que le chef du Polisario a longtemps hésité à réagir, sachant que son mouvement séparatiste, et lui-même, ne semblent pas en odeur de sainteté auprès du nouveau président mauritanien, qui a clairement exprimé, lors de la campagne électorale présidentielle, son refus catégorique des facilités de naturalisation, indûment accordées par son pays aux étrangers originaires des camps de Tindouf.
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Une sortie à laquelle le Polisario a d’abord réagi par une levée de boucliers, en demandant aux Sahraouis inscrits sur les listes électorales mauritaniennes de voter contre le candidat Ghazouani. Mais cela, c'était avant que le sieur Brahim Biadillah, le prétendu «chef des renseignements» du Polisario, n’envoie un message vocal sur WhatsApp, appelant les Sahraouis naturalisés Mauritaniens à voter Ghazouani, car il aurait reçu des garanties que ses «relations avec le Polisario seront beaucoup plus fortes», une fois élu président.
Cette ingérence flagrante dans les affaires intérieures mauritaniennes faisait, en fait, office d’un appel du pied au petit lobby tribal polisarien, encore actif en Mauritanie, en vue d’intercéder auprès de Ghazouani, sachant que, vote-sanction ou pas, son élection était inévitable.
C’est dans le cadre de ce lobbyisme que l’ex-colonel Mohamed Khouna Ould Haidalla, ancien président de la junte militaire qui a dirigé le pays de 1980 à 1984, a été «activé» par la tribu des Rguibat, celle-là même qui est majoritaire au sein de la direction du Polisario. Dans une sortie médiatique, il a demandé à «Ehl Es-Sahel» (l'appellation désignant l’ensemble des tribus du grand nord de la Mauritanie) de ne pas contrarier Ould Ghazouani, en attendant «qu’il s’occupe du reste», a-t-il promis.
Pour rappel, Mohamed Khouna Ould Haidalla, natif de Lagouira (ou Aousserd pour certains), en tout cas au Sahara marocain, s’est fait remarquer durant son mandat présidentiel par la reconnaissance de la prétendue «RASD» et la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc pour cause de coup d’Etat manqué (le 16 mai 1981), qu’il avait soupçonné Rabat de soutenir.
Son fils aîné, Sidi Mohamed Haidalla, a été arrêté en 2007 à Agadir à la demande d’Interpol, jugé puis condamné à 7 ans de prison, peine qu’il a purgée à la prison de Salé, suite à la saisie de 629 kg de cocaïne qu’il avait convoyée vers la Mauritanie dans un petit avion depuis le Venezuela. Venu au Maroc pour quémander la libération de son fils, l’ex-président Ould Haidalla fut sèchement éconduit à cause de son «casier politique» peu reluisant.
Pour rappel, Ould Haidalla avait reçu, en privé, Brahim Ghali à Nouakchott, en marge du 31e sommet de l’Union africaine, en juillet 2018.
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En plus de ce lobbying, une tentative algéro-polisarienne d’approcher Ould Abdelaziz va lamentablement échouer à Niamey, lors du 12e sommet de l’Union africaine, exclusivement consacré au lancement de la phase opérationnelle de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), et qui s’était tenu le 7 juillet courant. En effet, en marge de ce sommet, le Polisario a vainement tenté d’organiser un tête-à-tête entre Brahim Ghali et le président mauritanien sortant. Même le ministre mauritanien des Affaires étrangères a joué à cache-cache pour éviter toute rencontre avec son «homologue» du Polisario, qui ne cessait de le harceler, avant de tomber finalement nez à nez avec lui, suite à un coup monté par des diplomates algériens.
Le bref échange entre les deux hommes a été immédiatement saisi au bond par les agences de presse algérienne et du Polisario, qui se sont dépêchées d’annoncer que lors de cette rencontre furtive et non officielle, le ministre des Affaires étrangères mauritanien a transmis à celui du Polisario «un message adressé par Ould Abdelaziz à Brahim Ghali, l’invitant à Nouakchott en vue d’assister à l’investiture de Mohamed Ould Ghazouani.»
Une annonce certes reprise, mais avec ô combien de pincettes, par la presse mauritanienne, qui n’a pas manqué de mettre en exergue le silence radio, peu anodin, de la très officielle Agence mauritanienne d’information, laquelle n’a pas relayé ce qui semble être une infox. Certains journaux locaux ont même démenti qu’une invitation ait été adressée à Brahim Ghali.
Alors, viendra ou viendra pas? Et pourquoi tout ce tapage sur une éventuelle virée de Brahim Ghali en Mauritanie? La réponse est simple. Pressentant déjà que le vent est en train de tourner en Mauritanie en faveur du Maroc, officiellement invité à l’investiture du nouveau président mauritanien, le Polisario tente à nouveau de jouer la carte de l’éviction du Royaume. Or, cette méthode est éculée, puisque depuis son retour au sein de l’Union africaine, le Maroc a mis en œuvre une diplomatie qui a rendu invisible le Polisario, celle de la banalisation de la présence du «néant».