Mustapha Sayed, conseiller du chef du Polisario Brahim Ghali, est arrivé à Nouakchott samedi dernier, le 20 mars 2021, quasiment en catimini. En tout cas, un seul média local a divulgué sa présence dans la capitale mauritanienne pour expliquer qu’il trouve toutes les peines du monde à rencontrer les autorités locales, alors qu’il prétend être porteur d’un message au président Mohamed ould Cheikh El Ghazouani. Ce mercredi 24 mars, jour de Conseil des ministres en Mauritanie, que le président met souvent à profit pour recevoir ses hôtes, l'émissaire du Polisario reste toujours au placard au cinquième jour de sa présence à Nouakchott.
Bien évidemment, il est bien connu que c’est toujours le régime algérien qui pousse régulièrement les «émissaires» du Polisario à aller s’afficher avec les hautes autorités de Nouakchott, dans le seul but de tenter de porter atteinte aux relations mauritano-marocaines. Il s’agit toujours de saisir l’occasion de ces visites «non désirées» pour rappeler à chaque fois que la Mauritanie reconnait la prétendue «RASD», un boulet gênant dont Nouakchott cherche ardemment à se débarrasser sans mettre en danger ses relations avec l’Algérie.
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D’ailleurs, depuis son élection à la présidence mauritanienne durant l’été 2019, Ghazouani a toujours affiché un manque de conviction et montré une certaine gêne à recevoir les émissaires du Polisario. A deux reprises, il a froidement accueilli le prétendu ministre des Affaires étrangères du Polisario. Cette semaine encore, non seulement il a fait attendre l’émissaire des séparatistes de Rabouni, mais certaines sources de la présidence mauritaniennes auraient laissé entendre que Ghazouani est «très hésitant» quant à accorder une audience au dirigeant du Polisario qui tient à lui «remettre une lettre de Brahim Ghali»
L’hésitation du chef de l’Etat mauritanien a en tout cas entraîné une sortie médiatique inattendue de l’ambassadeur algérien à Nouakchott, Noureddine Khendoudi, qui vise ainsi à relancer sa demande d’audience présidentielle au profit de l’émissaire du Polisario. Ce dernier a écrit lui-même une interview-article qu’il a publiée lundi dernier sur le site du journal mauritanien Al Akhbar, un média très proche d’Alger, avant qu’elle ne soit reprise dans ses grandes lignes par l’agence de presse algérienne, APS, dans une dépêche datée du mardi 23 mars.
Dans cette interview, et comme pour répondre au refus des autorités mauritaniennes d’accorder la moindre importance aux dirigeants du Polisario, Noureddine Khendoudi écrit : «la position de la Mauritanie (sur le dossier du Sahara, Ndlr) est celle de la neutralité positive. Personnellement je comprends que cette neutralité veut dire que la Mauritanie reçoit aussi bien les émissaires du Maroc que ceux du Polisario».
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Tempérant plus loin son ingérence flagrante dans les affaires intérieures d’un pays souverain qui peut recevoir et congédier qui il veut, Noureddine Khendoudi ajoute que l’Algérie espère que «la Mauritanie joue un rôle positif, particulièrement en rapprochant les frères marocains et sahraouis en vue de trouver une solution à ce conflit» du Sahara.
En d’autres termes, on apprend indirectement que l’émissaire du Polisario, en plus de chercher à s’afficher pour la photo avec le président mauritanien, était venu pour distiller à nouveau la propagande du tandem Algérie-Polisario, consistant, ces jours-ci, à chercher des intermédiaires qui interviendraient pour rétablir un cessez-le-feu et mettre fin à la «guerre fictive» dont le Polisario est le seul belligérant.
Pire, l’ambassadeur algérien a accusé la Mauritanie, en des mots à peine voilés, d’utilisation illégale du passage d’El Guerguerate. Noureddine Khendoudi écrit en effet que «tout le monde sait que quand deux Etats décident d’ouvrir un passage frontalier légal, ils doivent d’abord négocier pour aboutir à un accord». Le diplomate algérien oublie ainsi que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lui-même légalisé ce passage frontalier entre le Maroc et la Mauritanie en le qualifiant de civil, pacifique et profitable à tous les pays de la région. Ce qui est plutôt illégal, aux yeux de l’ONU, ce sont les obstructions que le Polisario menait sporadiquement dans cette zone jusqu’au 13 novembre 2020. D’ailleurs, et à maintes reprises, Antonio Guterres avait formellement interdit au Polisario toute présence au niveau du passage d’El Guerguerate.
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Ce qui accentue l’hystérie de l’Algérie, c’est le tournant historique marqué par l’établissement pour la première fois depuis leur indépendance de frontières communes et définitives entre le Maroc et la Mauritanie, et l’adoption par plusieurs pays européens et africains de la frontière entre ces deux pays comme un passage international vital. L’Algérie tente à nouveau de vendre un prétendu «avenir prometteur» de ce que son ambassadeur à Nouakchott appelle «les relations frontalières entre l’Algérie et la Mauritanie».
Parlant ainsi de la route Tindouf-Zouerate, un vieux projet algérien en Mauritanie, lancé à la fin des années 60 mais jamais concrétisé, l’ambassadeur écrit que «la réalisation de cette route permettra à la Mauritanie d'avoir une liaison terrestre avec trois pays maghrébins que sont l'Algérie, la Tunisie et la Libye, et le raccordement entre les quatre pays maghrébins mettra en exergue les contours de l'édification d'un Maghreb arabe intégré sur les plans économique, commercial, humain et culturel».
L’ambassadeur algérien à Nouakchott semble ignorer que les autorités mauritaniennes sont bien informées des difficultés du régime d’Alger à approvisionner les populations algériennes en eau potable, huile de table, semoules, viande blanche ou sardine. Face aux priorités d’ordre vital pour les populations algériennes, le projet de la route Tindouf-Zouerate est bien accessoire… Et peut attendre de longues années encore, voire des décennies.