Au Parlement, une nouvelle fois, les échanges houleux entre le groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement et le gouvernement ont embrasé l’hémicycle de la Chambre des représentants. Ces dernières semaines, chaque séance de questions orales et chaque étape législative à la Chambre des représentants s’est transformée en terrain d’affrontement. Lundi encore, une vive altercation a opposé les députés du PJD au ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, rapporte le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition de ce mercredi 3 décembre.
L’incident a éclaté à la suite d’une intervention d’une députée du PJD, qui a rappelé au ministre ce qu’elle considère comme un désengagement de sa part envers la profession de adoul. Selon elle, le ministre s’était formellement engagé, dans un engagement consigné dans plusieurs procès-verbaux officiels, concernant la question du dépôt des actes. Le groupe parlementaire a accusé le Abdellatif Ouahbi de céder à la pression des notaires, en évoquant de nouveau un possible conflit d’intérêts, puisqu’un notaire issu de la même formation politique que Ouahbi, le Parti Authenticité et Modernité (PAM), est lui aussi un ministre du gouvernement.
Dans une première réponse, Abdellatif Ouahbi a affirmé ne pas savoir s’il était réellement tenu de répondre à la question qui lui était posée, puisque le projet de réforme de la profession de adoul avait déjà été validé par le gouvernement et suivait son processus d’adoption au Parlement. Le ministre s’est dit prêt à débattre du texte en temps voulu, rappelant que son ministère avait reçu des observations du ministère des Habous et des Affaires islamiques, ainsi que d’autres instances, et que ces remarques seraient transmises à la commission de la justice, compétente pour examiner le projet. S’aventurer dans les détails à ce stade, a expliqué le ministre de la Justice, ne ferait qu’entretenir la confusion.
Cette réponse n’a manifestement pas suffi à la députée du PJD, qui a ensuite dénoncé la teneur de ce projet de loi, constituant selon elle un retour en arrière, eu égard aux conclusions du dialogue entre cette profession et le ministère de la Justice. La députée a estimé que le texte affaiblissait le rôle des adouls dans le système judiciaire, instaurait une discrimination injustifiée entre les professions, notamment vis-à-vis du notariat, et s’éloignait des principes constitutionnels, en particulier celui de la parité. Selon elle, le projet prive les femmes de responsabilités décisionnelles, instrumentalise leur cause à des fins politiques, et ignore les dossiers en suspens des titulaires de doctorat, dont l’accès à la profession risque d’être compromis.
Ces propos ont irrité le ministre, qui a perçu dans ces critiques une volonté d’entraver la réforme avant même son arrivée en commission. Il a reproché à la députée d’intervenir sans avoir pris connaissance du texte et, ironique, a affirmé qu’il n’était pas possible, selon lui, de lire un «communiqué du Conseil de la Révolution» avant d’avoir pris le temps de lire ce texte de loi, indique Al Ahdath Al Maghribia.
L’expression a immédiatement fait bondir les députés du PJD, qui y ont vu une remise en cause politique de leur action. Ils ont exigé du ministre qu’il retire ses propos. Abdessamad Haiker, membre du groupe, a appelé au respect mutuel entre le gouvernement et les parlementaires, accusant le ministre d’esquiver le fond du débat et de porter atteinte à la dignité de l’institution. Il a demandé que les propos du ministre soient retirés du compte rendu officiel.
Mustapha Ibrahimi, autre député du PJD, a également jugé l’expression inappropriée, rappelant que la question portait sur les adouls et que la réponse aurait dû rester strictement liée au sujet. Mais Abdellatif Ouahbi, loin de tempérer ses propos initiaux, a répliqué en assumant totalement sa formule, allant jusqu’à qualifier ses contradicteurs de «marxistes de Dieu». Il a adressé trois avertissements successifs à Abdessamad Haiker avant de demander, fait inédit au Parlement, l’intervention des services de sécurité de la Chambre pour expulser le député de la salle.
La tension est encore montée d’un cran, poussant Allal Amraoui, président du groupe istiqlalien, à exiger l’interruption immédiate de la séance, devenue ingérable. Malgré la suspension prononcée par le président de séance, les députés du PJD ont poursuivi leurs invectives. Ils se sont dirigés vers les premiers rangs pour interpeller directement le ministre, jusqu’à ce que le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, intervienne pour escorter Ouahbi hors de l’hémicycle et mettre fin au brouhaha.
Le ministre de la Justice, campant sur ses positions, a par la suite estimé que l’intervention du groupe du PJD relevait davantage d’un manifeste politique aux conclusions arrêtées d’avance que d’une critique constructive. Selon lui, les députés islamistes utilisent régulièrement la tribune parlementaire pour servir leur agenda politique. Abdellatif Ouahbi s’est dit prêt à répondre à toute déclaration politique par une déclaration du même ordre.
La séance a de nouveau dérapé lorsque les députés du PJD ont réclamé un troisième droit de réponse pour répondre à ces propos du ministre. Idriss Chtaybi, président de séance issu du groupe socialiste, a catégoriquement refusé leur requête, estimant qu’il n’était pas question de transformer la séance en duel. Face à l’insistance des élus du PJD, il les a sèchement rappelés à l’ordre.








