L’affaire du transfert en Espagne de Brahim Ghali, le chef des séparatistes du Polisario, objet dans ce pays de nombreuses plaintes pour tortures, atteintes aux droits de l’homme et viols, n’a pas livré tous ses secrets. Loin s’en faut, puisque dans son édition électronique de ce mardi 11 mai, le quotidien El Pais, sous le titre "Une faveur à Alger qui envenime la relation avec le Maroc", publie une nouvelle salve de révélations prouvant que la décision d’accueillir, d'héberger et d'hospitaliser Brahim Ghali sur le sol ibérique, en secret et sous une fausse identité, a été prise au plus haut sommet de l’Etat espagnol.
El Pais confirme ainsi que le chef séparatiste, souffrant du Covid-19 et «mourant», était arrivé en Espagne à bord d’un avion médicalisé de la présidence algérienne. Preuve d’une complicité au sommet, c'est le ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, qui s’était rendu officiellement en Espagne le 29 mars 2021, et qui a, début avril, adressé une demande d'aide et «imploré» son hospitalisation en Espagne auprès de son homologue espagnole, Arancha Gonzalez Laya.
Comme pour toute démarche illicite, il aura fallu des interventions pour permettre une telle manœuvre. La demande a, dans un premier temps, été confrontée à la réticence du ministre espagnol de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska. Mais ses craintes ont été vite évacuées «plus en haut». «Pour des considérations humanitaires mais aussi matérielles et stratégiques, l’Algérie étant le premier fournisseur en gaz de l’Espagne», précise El Pais.
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D’autres détails importants sur l’arrivée de Brahim Ghali en Espagne sont également donnés. On apprend ainsi que le chef du Polisario a débarqué le 18 avril à la base aérienne de Saragosse. Il a été illico transféré en ambulance, et sous protection policière, à l'hôpital de San Pedro de Logroño, capitale de La Rioja .
Le dirigeant du Polisario est entré avec un passeport diplomatique algérien et a bel et bien été inscrit à ce centre hospitalier sous le nom d'emprunt d'un citoyen algérien, Mohamed Benbatouche.
Pour l’heure, aucune justification convaincante quant au silence des autorités espagnoles sur cette opération n’a été formulée. La crise persiste entre Rabat et Madrid. La décision des autorités espagnoles de ne pas aviser leurs homologues au Maroc de la venue du chef des milices du Polisario est un "acte prémédité, un choix volontaire et une décision souveraine de l’Espagne, dont le Maroc prend pleinement acte", a affirmé le ministère marocain des Affaires étrangères dans un communiqué. Il y aura donc une suite.
En attendant, le sort de Brahim Ghali sera scellé le mardi 1er juin, date de sa convocation devant le juge de l’Audience nationale, plus haute juridiction pénale. Deux affaires sont ouvertes pour des crimes qui auraient été commis contre des dissidents sahraouis dans les camps de réfugiés de Tindouf (Algérie).
Cette audition achevée, le juge décidera si Brahim Ghali fera l’objet de mesures conservatoires (interdiction de quitter le territoire, mise sous surveillance policière…) ou s’il sera libre de ses mouvements. «Le gouvernement espagnol sera à la hauteur de ce que la justice décidera. Notre tâche était de lui sauver la vie et nous l'avons déjà fait », promettent des sources diplomatiques espagnoles, citées par le quotidien. Cela, d'autant que Ghali savait ce à quoi il s'exposait en mettant les pieds dans un pays où les pires exactions lui sont reprochées.