Alors que les espoirs de trêve s’éloignent, une partie de la communauté internationale s’inquiète des retombées qu’une opération militaire aurait pour la population civile vivant dans des conditions souvent précaires à Rafah, adossée à la frontière fermée de l’Égypte.
«Si d’ici au ramadan, les otages ne sont pas à la maison, les combats continueront partout, y compris dans la région de Rafah», a déclaré dimanche à Jérusalem le ministre israélien Benny Gantz, membre du cabinet de guerre de Benjamin Netanyahu.
«Le Hamas a le choix. Ils peuvent se rendre, libérer les otages et les civils de Gaza pourront ainsi célébrer la fête du ramadan», a ajouté l’ex-chef de l’armée dans un discours devant la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines.
Le ramadan, le mois saint des musulmans, doit commencer autour du 10 mars.
Durant l’attaque d’une violence sans précédent perpétrée contre Israël par des commandos du mouvement islamiste Hamas le 7 octobre, environ 250 personnes avaient été enlevées et emmenées à Gaza. Selon Israël, 130 otages y sont encore retenus, dont 30 seraient morts.
Plus de 1.160 personnes avaient été tuées ce jour-là, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
«Minimiser» le nombre de victimes
En représailles, Israël a juré d’anéantir le Hamas qu’il classe, à l’instar des États-Unis et de l’Union européenne, comme «terroriste». Son offensive dans la bande de Gaza a fait 28.985 morts, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.
De vives inquiétudes se sont exprimées dans le monde, y compris par Washington, allié d’Israël, face à la perspective d’une offensive contre Rafah que Benjamin Netanyahu se montre déterminé à lancer.
«Quiconque veut nous empêcher de mener une opération à Rafah nous dit en fait de perdre la guerre. Je ne vais pas céder à cela», a dit le Premier ministre israélien samedi, avant de réaffirmer dimanche viser «une victoire totale» contre le Hamas.
Selon Benny Gantz, une offensive se ferait de manière coordonnée et dans le cadre d’un dialogue avec les «partenaires américains et égyptiens», «en facilitant l’évacuation des civils» pour «minimiser (...) autant que possible» le nombre de victimes dans leurs rangs.
Israël n’a pas encore officiellement fourni de détails sur les modalités d’une évacuation des civils et le lieu de leur relocalisation.
Le président français Emmanuel Macron et son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi ont exprimé «leur ferme opposition» à une offensive ainsi «qu’à tout déplacement forcé de populations» vers l’Égypte, a indiqué Paris dimanche dans un communiqué.
Rafah et la ville de Khan Younès, situées dans le sud de la bande de Gaza et distantes de quelques kilomètres, ainsi que d’autres secteurs du territoire palestinien ont été la cible de bombardements israéliens qui ont fait 127 morts en 24 heures, a indiqué dimanche le ministère de la Santé du Hamas.
À Khan Younès, ville natale du chef du Hamas à Gaza, Yahia Sinouar, cerveau présumé de l’attaque du 7 octobre, l’hôpital Nasser «n’est plus fonctionnel après un siège d’une semaine, suivi d’un raid en cours», a affirmé sur X le chef de l’Organisation mondiale pour la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Sept malades, dont un enfant, y sont morts depuis vendredi à cause de coupures d’électricité, et «70 membres du personnel médical dont des médecins des soins intensifs» ont été arrêtés, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Les soldats israéliens ont pénétré jeudi dans l’hôpital sur la base de renseignements selon lesquels des otages y sont retenus, et ont arrêté une centaine de personnes.
Un porte-parole de l’armée, Richard Hecht, a assuré que du diesel et de l’oxygène avaient été fournis pour que l’établissement puisse fonctionner.
L’occupation devant la justice internationale
En Cisjordanie occupée, trois Palestiniens ont aussi été tués dimanche dans un raid israélien, dont un cadre d’un groupe armé, selon des sources concordantes, dans un contexte de vives tensions et d’intensification des violences sur ce territoire depuis le 7 octobre.
Lundi à La Haye, la Cour internationale de justice (CIJ), plus haute juridiction des Nations unies, doit commencer à examiner les conséquences juridiques de l’occupation par Israël de territoires palestiniens depuis 1967.
Ces audiences, réalisées à la suite d’une demande de l’Assemblée générale de l’ONU, sont totalement distinctes des récentes requêtes très médiatisées de l’Afrique du Sud auprès de la cour.
Principal allié d’Israël, les États-Unis menacent pour leur part de bloquer un nouveau projet de résolution au Conseil de sécurité de l’ONU exigeant «un cessez-le-feu humanitaire immédiat».
Washington menace de mettre son veto au texte présenté par l’Algérie au motif qu’un vote pourrait «aller à l’encontre» des négociations impliquant les médiateurs égyptien, américain et qatari en vue d’une trêve et d’une libération d’otages.
Le Premier ministre du Qatar Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani a cependant affirmé samedi que ces pourparlers n’étaient «pas très prometteurs».
Attaque virulente de Lula
Dans une attaque virulente contre Israël, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a déclaré que «ce qui se passe à Gaza n’est pas une guerre, c’est un génocide», en comparant l’offensive israélienne à l’extermination des Juifs par les nazis.
Le président brésilien «a déshonoré la mémoire des six millions de Juifs assassinés par les nazis (...) Il devrait avoir honte», a rétorqué Benjamin Netanyahu.
M. Lula a aussi réitéré son appel à un règlement du conflit israélo-palestinien vieux de plusieurs décennies sur la base de deux États, israélien et palestinien, comme le préconise une grande partie de la communauté internationale.
Mais le gouvernement Netanyahu a estimé qu’une «reconnaissance d’un État palestinien après le massacre du 7 octobre constituerait une immense récompense au terrorisme».
Alors que l’aide humanitaire entre au compte-gouttes dans la bande de Gaza assiégée, des manifestants israéliens ont empêché des camions d’aides venant d’Égypte en route vers Rafah de passer par le point de passage de Nizzana dans le sud d’Israël, selon le Croissant-Rouge palestinien.