PLF 2026: ce qu’il faut retenir du budget de la défense

Des éléments des Forces armées royales lors du 69ème anniversaire des FAR.

Selon le projet de loi de finances 2026, le Maroc prévoit d’allouer un budget avoisinant les 73 milliards de dirhams (MMDH) au ministère chargé de l’Administration de la Défense nationale au moment où les engagements par anticipation se chiffrent à 157 MMDH. Voici comment ces fonds seront principalement affectés.

Le 21/10/2025 à 14h11

Le projet de loi de finances 2026 réserve à la Défense nationale une enveloppe de près de 73 milliards de dirhams, en nette hausse par rapport aux 65,9 milliards de l’exercice précédent. «Loin des interprétations approximatives, cette progression répond à une logique stratégique bien précise, structurée autour de la modernisation des équipements, de la consolidation des effectifs et de la sécurisation des frontières», résume d’emblée un administrateur du très informé forum FAR-Maroc.

Pour comprendre cette trajectoire, il faut décortiquer les chiffres avec précision. «La masse salariale représente la part la plus importante, soit 47 milliards de dirhams, en hausse par rapport à l’année précédente. Cette progression reflète l’évolution naturelle des effectifs, la revalorisation des rémunérations et les coûts liés à la professionnalisation continue des Forces armées royales», nous explique-t-il.

Les dépenses de fonctionnement s’élèvent à 7,5 milliards de dirhams. Elles couvrent un large éventail d’opérations: entretien des infrastructures, alimentation et logistique des troupes, services de soutien médical et administratif, ainsi que l’ensemble des dépenses de gestion quotidienne indispensables au bon fonctionnement de l’appareil militaire.

Vient ensuite l’investissement par compte de dotation, fixé à 11,5 milliards de dirhams, soit une hausse notable par rapport aux 10,8 milliards de 2025. Ce poste englobe les acquisitions de matériel, les réparations lourdes, le renouvellement des équipements stratégiques et le soutien à l’émergence d’une industrie de défense nationale, détaille notre interlocuteur.

À ces trois postes principaux s’ajoutent 3 milliards de dirhams affectés au budget d’exploitation des Services de l’État gérés de manière autonome (SEGMA), et 200 millions de dirhams consacrés aux opérations de maintien de la paix, qui reflètent l’engagement international du Royaume dans des missions sous mandat onusien.

157 milliards de dirhams: ce que cache vraiment cette ligne budgétaire

Un chiffre a particulièrement alimenté les interprétations hasardeuses: 157 milliards de dirhams inscrits à la rubrique «engagement par anticipation». Certains y ont vu des dépenses colossales et immédiates. En réalité, ce montant correspond à des autorisations d’engagement pluriannuelles, un mécanisme budgétaire bien connu dans les domaines sensibles comme la Défense.

Notre interlocuteur explique que cette ligne n’équivaut pas à une dépense effective. Elle permet à l’Administration de la défense nationale de contracter à l’avance des engagements pour des programmes d’armement, de coopération industrielle ou de modernisation de l’appareil militaire, sur plusieurs années. Autrement dit, il s’agit d’une capacité d’action, pas d’une sortie de trésorerie immédiate.

Dans les faits, ces achats sont souvent financés par emprunts, mais leur remboursement annuel est strictement limité au montant prévu dans la loi de finances, soit 11,5 milliards de dirhams. Le Maroc se donne ainsi une marge de manœuvre financière pour conclure des contrats stratégiques tout en maîtrisant son endettement. Ce mécanisme permet d’éviter des pics de dépenses non soutenables et d’étaler la charge dans le temps. Il s’agit d’un outil de gestion fine, particulièrement crucial dans le domaine militaire où les cycles d’acquisition sont longs, complexes et souvent liés à des partenariats industriels internationaux.

Les priorités stratégiques de l’année 2026

Derrière les chiffres se dessine une feuille de route très précise. L’année 2026 est marquée par une priorité donnée aux engagements déjà actés, notamment l’acquisition et la livraison de F-16 modernisés, d’hélicoptères Apache, ainsi que de systèmes de surveillance et de défense frontalière. Ces programmes s’inscrivent dans une logique de renforcement de la supériorité opérationnelle et de modernisation graduelle des équipements, précise l’administrateur du très informé forum FAR-Maroc.

La sécurisation des frontières terrestres et maritimes figure parmi les axes structurants du budget. Le Maroc investit dans des systèmes de détection, des capacités de mobilité aérienne accrue et dans le renouvellement des flottes de patrouille maritime pour garantir la souveraineté sur ses espaces stratégiques.

La montée en puissance budgétaire s’explique aussi par la nécessité d’anticiper les besoins sécuritaires exceptionnels liés à l’organisation de la Coupe du monde 2030, que le Maroc accueillera conjointement avec l’Espagne et le Portugal. Protéger les infrastructures sportives, sécuriser les villes hôtes, assurer la surveillance des grands axes logistiques et prévenir tout risque d’attaque ou d’incident majeur: autant de défis qui exigent des moyens renforcés, humains comme matériels. Cette perspective a accéléré certains programmes d’investissement, notamment dans les technologies de surveillance, les unités d’intervention rapide et la logistique de défense.

Modernisation ciblée de l’arsenal

L’un des piliers de cette stratégie est le renouvellement de la flotte d’hélicoptères, jugée prioritaire pour renforcer la mobilité tactique et la capacité de réaction des forces. Ces appareils sont essentiels pour les opérations de sécurisation frontalière, les missions de sauvetage, ou encore la protection de sites sensibles.

Parallèlement, le parc de blindés de combat d’infanterie doit être modernisé afin de renforcer la capacité de défense terrestre et d’assurer une meilleure interopérabilité avec les systèmes de commandement modernes. Sur le plan maritime, la modernisation des flottes de patrouille et de transport figure aussi en bonne place, tout comme le développement d’une artillerie côtière capable de renforcer la protection des littoraux.

Le budget 2026 marque également une étape dans la consolidation d’une industrie de défense nationale. L’objectif est de réduire la dépendance aux importations, de favoriser les transferts technologiques et de stimuler un tissu industriel local capable de soutenir les besoins des Forces armées royales. Cela passe par des partenariats stratégiques avec des acteurs étrangers et par la création d’un écosystème industriel local autour de la maintenance, de la fabrication de pièces détachées et de certaines composantes technologiques.

Contrairement à certaines lectures alarmistes, cette montée en charge n’est pas le signe d’un emballement. Elle traduit une trajectoire budgétaire maîtrisée, conçue pour répondre à des priorités opérationnelles claires et inscrite dans une vision pluriannuelle. Les dépenses sont encadrées, les engagements sont planifiés et les marges financières sont préservées. En d’autres termes, le Maroc investit dans sa sécurité de manière structurée, sans céder à la logique de surenchère, conclut notre interlocuteur.

Par Hajar Kharroubi
Le 21/10/2025 à 14h11