Trois jours après sa diffusion sur la chaine ARTE, la mini-série «Alger confidentiel» continue de faire couler beaucoup d’encre dans les médias officiels du régime algérien. Ce dimanche 20 février, l’APS, porte-voix et organe de propagande de le junte algérienne, a fait intervenir son politologue-maison, Hassen Kacimi. Présenté comme un expert, ce dernier est en réalité un cadre du ministère algérien de l’Intérieur, où il occupe actuellement le poste de «directeur d’étude», après avoir été précédemment directeur de la migration dans le même département.
Selon lui, la mini-série «Alger confidentiel» vise «la déstabilisation de l'Algérie à la veille d’un Hirak hypothétique, bien préparé sur les réseaux sociaux par le biais de certaines adresses IP installées au Maroc, dans l’entité sioniste et à Paris». Et d’ajouter que «le roi du Maroc a mis la main à la poche pour financer une série qui est un canular, relatant des événements faux n'ayant rien à voir avec la réalité».
Cette obsession hystérique de l’appareil militaro-politique algérien sur le Maroc n’est pas sans rappeler une dépêche du 4 janvier dernier, dans laquelle l’APS, en réaction au dernier rapport de la Banque mondiale prévoyant un «séisme économique» en Algérie, a écrit que son auteur, Tunisien, est un ami du prince Moulay Rachid. Dans sa propagande destinée à la consommation interne, la junte grossit le trait, et n’a cure de la vraisemblance. Ne craint même pas le ridicule. C’est le propre des régimes autarciques et en fin de vie. Avec une propagande aussi grotesque et ubuesque, le régime algérien a même réussi à faire de l’ombre à la Corée du Nord.
«Alger confidentiel» est ainsi présenté par APS comme une tentative de «raviver le Hirak dans sa version subversive» et un «complot pour s’attaquer à l’ANP» (armée algérienne), au moment où l’Algérie serait «en train de construire des partenariats économiques et sécuritaires avec les Européens, les Ruses (Sic!), les Chinois, le monde arabe et l’Amérique».
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Après le Maroc, l’APS s’est attaqué au scénariste d’«Alger confidentiel», Abdel Raouf Dafri, qualifié de «petit producteur inconnu, proche des milieux sionistes, ayant des accointances avec le Makhzen et passant son temps à dénigrer l’Algérie». Oui, toujours le Makhzen. Quoi qu’il arrive en Algérie, c’est le Makhzen. C’est devenu un réflexe pavlovien, une farce qui se prête à des quolibets. Le régime infantilise le peuple algérien, en pensant qu’il se déresponsabilise de son impéritie en pointant, à chaque fois, un doigt accusateur sur le Maroc.
Pourtant la mini-série que vient de diffuser ARTE n’a fait que montrer des pratiques bien connues au sein de l’armée algérienne. «Alger confidentiel» met en scène un général, chef des services secrets algériens, qui attire à Alger un industriel et marchand d’armes allemand pour signer un contrat d’armement, avant de le faire kidnapper par «ses» terroristes de service. Objectif: demander, au nom des faux terroristes, une rançon de 50 millions de dollars que le clan des généraux compte se partager.
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Le scénariste Abdel Raouf Dafri a d’ailleurs expliqué, dans un entretien, que c’est son «ADN d’Algérien» qui l’a immédiatement poussé à adapter au cinéma le roman «Paix à leurs armes» de l’écrivain allemand Olivier Bottini.
«J’aime là où il y a des corrompus et des corrupteurs car cela fait une bonne dramaturgie! La série dit que l’Algérie est en train de sombrer. C’est un peuple honorable et d’une très grande classe qui mérite bien plus que le gouvernement qu’il a actuellement. Le pays est sous la coupe d’une junte militaire qui saigne le pays à blanc.» Pour Abdel Raouf Dafri, «l’Europe cautionne ce qu’il se passe en Algérie! La bienveillance décrite dans Alger confidentiel est une bienveillance économique avec l’Allemagne. Rendez-vous compte que l’Algérie a acheté pour 22,5 milliards d’euros d’armes à l’Allemagne alors que le peuple meurt de faim», s’écrie le scénariste de la série.
Il ne faudrait dès lors pas s’étonner que le régime des généraux séniles publie dans le prochain journal officiel une nouvelle liste de «terroristes», comprenant le nom de Abdel Raouf Dafri.