Il est prévu qu’un rapport sur le Sahara, dont a été chargé depuis maintenant une année le président de la Commission de l’UA, soit exposé devant le 31e sommet des chefs d’Etat africains qui s’est ouvert dimanche 1er juillet dans la capitale mauritanienne.
Rien n’a certes encore fuité concernant le contenu de ce texte, qui sera décliné à huis clos devant les dirigeants des pays africains, mais on peut d’ores et déjà en extrapoler deux principales orientations.
La première, c’est que ce rapport aura une simple valeur informative et dans le strict respect de la neutralité. Un compte-rendu en somme relatant les conclusions des différentes rencontres directes de haut niveau que vient d’initier le président de la Commission de l’UA avec les dirigeants de la région nord-ouest africaine durant ces dernières semaines. Mais cela n’ira nullement jusqu’à aborder le fond de ce dossier qui est du seul ressort du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est une exigence ferme du Maroc, membre à part entière de l’UA, et dont l’avis sera entièrement pris en considération par le rapport de Faki, comme ce dernier l’avait déjà d’ailleurs promis en janvier dernier. Au cas où une décision serait préconisée dans ce rapport par le président de la Commission de l’UA, elle visera plutôt la suppression pure et simple de l’inutile mission confiée à l’ex-président mozambicain, Joachim Chissano, parachuté par l’Algérie en tant qu’envoyé spécial de l’UA au Sahara. Une suppression qui serait d’autant plus dans l’air du temps, que le Tchadien avait promis, dans son programme, de mettre fin à la dilapidation des finances de l’UA, en commençant par l’élimination de tous les postes qu’il juge «pompeux».
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La seconde principale orientation que pourra revêtir ce rapport, c’est la probable proposition d’une collaboration de l’UA avec l’ONU en vue de l’aider dans sa mission de facilitation visant à trouver une solution politique consensuelle et pacifique au conflit du Sahara. Surtout que le temps presse pour Faki, qui a fixé l’horizon 2020 pour éteindre tous les foyers de tension en Afrique.
On sait que depuis son élection à la tête de l’Exécutif africain, en janvier 2017, Moussa Faki Mahamat a été reçu à deux reprises par le roi Mohammed VI à Rabat (novembre 2017 et juin 2018). Or, lors de ces deux visites, le président de la Commission de l’UA était accompagné par son bras droit, qui a la particularité d’être un grand connaisseur du conflit saharien, doublé d’un doctrinaire de la diplomatie de la facilitation. Il s’agit de l’universitaire et ancien chef de la diplomatie mauritanienne, Mohamed El Hacen Ould Lebatt, que Faki a nommé au lendemain de son élection comme son conseiller stratégique principal. Lors de leurs récents déplacements à Rabat, Alger, Nouakchott et Tindouf, le Tchadien et le Mauritanien formaient un tandem inséparable.
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Mais qui est réellement ce «conseiller stratégique», à qui d’aucuns en Mauritanie prêtent déjà la paternité de la rédaction du rapport sur le Sahara qui sera présenté au 31e sommet de l’UA? Professeur de droit à l’université de Nouakchott durant les années 80-90, Ould Lebatt a été choisi comme ministre des Affaires étrangères (1997-98), par l’ex-président mauritanien, Maâwiya Ould Sid’Ahmed Taya. Ce dernier, et vu l’importance stratégique que revêt pour la Mauritanie une résolution rapide du conflit du Sahara, le chargea par la suite de s’occuper exclusivement de ce dossier. Il fut ainsi le principal interlocuteur de James Baker, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU au Sahara de 1997 à 2004. Ces multiples rencontres entre l’ancien chef du département d’Etat américain et l’ancien chef de la diplomatie mauritanienne valurent à Ould Lebatt d’être surnommé le «Monsieur Sahara» de la Mauritanie.
Plus tard, son expérience diplomatique sera mise à profit par l’Union africaine qui en fera un envoyé spécial successivement en Centrafrique, dans la région des Grands Lacs, en République démocratique du Congo et lors de la crise politique gabonaise. Auteur d’un ouvrage intitulé Facilitation dans la tourmente - Deux ans de médiation dans l'imbroglio congolais, paru en janvier 2005 aux éditions L’Archipel, Mohamed El Hacen Ould Lebatt y affirme être parvenu à une certitude, à savoir qu’aucune solution violente ne résoudra aucun des conflits politiques et/ou inter-ethniques en Afrique. «Socle de la diplomatie internationale, les mécanismes de règlement pacifique et consensuel se sont pourvus de concepts neufs de prévention et de gestion, et notamment d'un outil diplomatique adapté aux réalités africaines: la facilitation», propose-t-il. Un concept que l’ex-chef de la diplomatie mauritanienne, invité par Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc en France, a déjà défendu et préconisé pour le conflit saharien, lors d’un séminaire tenu en juin 2015 à Paris sous le thème: «Sécurité et développement: le cas du Sahara marocain».