Dès l’été 2024, et les premiers jalons d’une feuille de route bilatérale concrétisant l’appui du président Macron à la marocanité du Sahara, on pouvait espérer qu’une France fidèle à sa vocation offrirait prioritairement aux provinces du Sud sa culture et sa langue. Pour reprendre les mots de Péguy, «tout ce qui élève, unit», et de ce point de vue, l’annonce de création d’une alliance française à Laâyoune lors de la visite d’État d’octobre 2024 fut une excellente nouvelle. Que, trois mois plus tard, la ministre française de la Culture vienne, sur place, concrétiser cette promesse est évocateur. Tout comme le sont les ambitions affichées par Rachida Dati, in situ, plaçant ce projet comme un «lieu phare dans notre coopération entre la France et le Maroc». S’il devient– selon la ministre– «un formidable outil pour développer l’apprentissage de la langue et de la connaissance de la culture française», c’est non seulement une chance pour une région jeune, qui connaît le plus fort taux d’urbanisation du Maroc, mais aussi une opportunité pour Paris.
Cette ouverture sur le Sud doit être l’occasion de revitaliser une influence culturelle fortement concurrencée, et une francophonie, certes plus vivante en Afrique que dans la tête des élites françaises, mais en recul constant au Maroc– a fortiori chez les plus jeunes, qui font délibérément le choix de l’anglais: En 2021, une étude du British Council soulignait déjà que 40% des 15/25 ans préféreraient la langue anglaise contre seulement 10% le français.
Tout aussi symbolique est la personnalité de la ministre venue égrener pendant trois jours un catalogue varié de coopérations culturelles entre la France et le Maroc, de la promotion du Breaking au pont reliant deux sites historiques d’exception, la demeure du roi François 1er (le Château de Chambord) et celle des Mérinides (le site archéologique du Chellah). Par ses racines, Rachida Dati porte le meilleur de l’interculturalité. Par son parcours, elle rappelle les vertus du savoir et de la culture dans la construction d’un individu. Par ses engagements politiques, elle tord utilement le cou à tous les mauvais penchants de la société française de l’époque, des attaques stupides contre la binationalité à une essentialisation des citoyens contraire au modèle républicain français.
Assumant avec brio le récit national, Dati fut aussi l’officier d’état civil qui maria, en sa mairie du 7ème arrondissement, l’héritier de la maison de France, le Prince Jean. Quant à sa relation avec le pays de son père, son attachement est non seulement personnel, comme elle rappelle à chacune de ses visites au Maroc, mais aussi politique. Celle qui fut d’abord ministre du Président Sarkozy s’est toujours affirmée comme un «passeur» fidèle entre Rabat et Paris, par beau ou gros temps, dans l’exercice de ses mandats– notamment au Parlement européen– et dans le débat politique national.
Symboliques enfin sont les coopérations portées par Paris lors d’un déplacement ministériel à l’agenda somme toute plus politique que culturel; un calendrier marqué, en 2024, de deux dates majeures (30 juillet et 4 octobre), et dicté par des engagements, l’un envers Rabat, l’autre auprès de Bruxelles, puisque les choix européens de la France la soumettent à la Commission européenne et aux juges de Luxembourg. Paraphrasant Edouard Herriot– académicien et figure centrale de la politique française de la première moitié du 20ème siècle– à qui l’on doit la célèbre formule «la culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié», on pourrait ironiquement soutenir que la Culture, c’est ce qui reste quand on a tout délégué! Car les règles de fonctionnement de l’UE privilégient les «compétences exclusives», c’est-à-dire les domaines dans lesquels les législations ne peuvent être adoptés qu’au niveau européen, et non par un État membre seul: union douanière, règles de concurrence et politique commerciale, politique monétaire et accords avec les pays tiers.
Ensuite, on trouve les «compétences partagées», d’un partage de fait inéquitable, car elles concernent les domaines pour lesquels les États membres ne peuvent agir que si l’UE a décidé de ne pas le faire ou si la Commission n’a pas encore proposé de législation: marché intérieur, politique sociale, politique régionale, agriculture et pêche, environnement, protection des consommateurs, transports, énergie, liberté, sécurité et justice, enjeux de sécurité en matière de santé publique, recherche, développement technologique et espace, coopération et aide humanitaire. Finalement, quand l’UE fait tout, les États Membres font le reste… Parmi ces quelques secteurs restants, on trouve le tourisme, l’éducation, le sport et la culture!
Emblématique, ce déplacement ministériel ouvre enfin la voie du Sahara marocain. À d’autres personnalités politiques, dont la prochaine, dans un tout autre style, n’est autre que le président du Sénat, deuxième personnage de l’État. À d’autres messages forts? Parions sur l’annonce imminente de l’ouverture d’un consulat à Dakhla.
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