Le rapport du SG de l’ONU sur le Sahara est devenu semestriel. Jusque-là, le mois d’avril de chaque année était synonyme de tractations à l’ONU et d’une résolution du Conseil de sécurité. Désormais, il faut ajouter au calendrier onusien sur le conflit du Sahara un autre rendez-vous au mois d’octobre. Si la semestrialité des discussions sur le Sahara au Conseil de sécurité, introduite durant le mandat de Nasser Bourita en tant que chef de la diplomatie marocaine, venait à être pérennisée, il ne faudrait pas s’en réjouir. Cela imposerait avec plus d’acuité le conflit du Sahara dans le calendrier onusien et pourrait imposer au Maroc des échéances contraignantes.
L’un des enjeux de la résolution du Conseil de sécurité à la fin du mois courant est justement de savoir si la semestrialité du rapport du SG de l’ONU serait reconduite ou bien si les membres du Conseil de sécurité vont revenir à un rendez-vous annuel. En dépit des discours lénifiants de Bourita et de sa propension à l’autosatisfaction, si la semestrialité du rendez-vous onusien est reconduite, ce n’est pas une bonne nouvelle pour la diplomatie marocaine.
Les relations entre la MINURSO et le Polisario dans l’impasseLe rapport préliminaire sur le Sahara du SG de l’ONU, Antonio Guterres, consulté par le360, fait état de tensions graves entre la MINURSO et le Polisario. Deux raisons à cela: les violations répétées du cessez-le-feu et, surtout, l’obstination du chef du Polisario à déplacer le lieu de ses rendez-vous avec des officiels onusiens de Rabouni (qui se trouve en Algérie) à Bir Lahlou et Tifariti, qui se situent dans la zone tampon à l’est du mur de défense et que les responsables du Polisario appellent «les territoires libérés».
- Article 51 du rapport du SG de l’ONU:«Le Front Polisario n’a pas encore accepté de recevoir officiellement mon Représentant personnel à son siège à Rabouni, conformément à la pratique établie de longue date. Le Front Polisario insiste pour que la réunion se tienne sur le territoire du Sahara occidental. Le 18 avril, j’ai écrit au Secrétaire général Ghali pour lui demander de reprendre la pratique acceptée, mais leur position n’a pas encore changé. Cette situation constitue un obstacle important aux relations entre la MINURSO et le Front Polisario, qui se limite actuellement aux contacts téléphoniques et écrits entre mon Représentant spécial et le Coordonnateur du Front Polisario.» Et Antonio Guterres de poursuivre: «depuis le début de 2018, le Front Polisario a demandé que toutes les réunions avec le commandant de la force de la MINURSO aient également lieu dans le territoire (Tifariti et Bir Lahlou, ndlr), de sorte que tous les contacts militaires de haut niveau avec le Front Polisario sont également dans l’impasse».
Les tensions entre le Polisario et l’instance onusienne sont telles que le Polisario les reconnaît et se plaint même des «récents rapports de la MINURSO au Conseil de sécurité qu’il a qualifié d'"incorrects et biaisés"» (article 20).
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Dans la dernière partie du rapport, intitulée "Observations et Recommandations" et qui sert de base à la résolution du Conseil de sécurité, le SG de l’ONU se dit préoccupé par cette situation et «demande une nouvelle fois au Front Polisario de reprendre les réunions avec les hauts responsables de la MINURSO à Rabouni, conformément à la pratique établie de longue date». C’est une injonction ferme et sans ambiguïté qui met en échec le plan du Polisario consistant à imposer un nouvel ordre de réalité dans la zone tampon.
Les parties au conflit sont aussi des voisinsL’allusion à l’Algérie comme pays clef pour trouver une solution au Sahara aura rarement été aussi manifeste que dans ce rapport. Dès l’article 3 du rapport, Guterres écrit: «mon envoyé personnel pour le Sahara occidental, M. Horst Köhler (…) a annoncé son intention d’inviter les parties et les voisins à des négociations directes avant la fin de l’année». Il faut comprendre par «les voisins» l’Algérie et la Mauritanie. Mais si la Mauritanie se tient à une neutralité qu’elle qualifie de positive, elle n’a jamais été pointée du doigt comme un acteur principal dans le conflit du Sahara. Ce qui n’est pas le cas de l’Algérie qui mobilise depuis la création de ce conflit sa diplomatie à la seule fin de contrer l’intégrité territoriale du Maroc.
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Dans son rapport, le SG de l’ONU cite une lettre que lui a adressé le roi Mohammed VI le 30 mars 2018. Dans la lettre à laquelle fait référence Antonio Guterres, le roi écrit: «l’Algérie a une responsabilité flagrante. L’Algérie finance, l’Algérie abrite, l’Algérie arme, l’Algérie soutient diplomatiquement le Polisario». Tout le monde le sait, à commencer par le SG de l’ONU, mais Alger met autant d’ardeur à soutenir le Polisario qu’à proclamer sur tous les toits qu’elle n’est pas concernée par le conflit du Sahara. L’expression «les parties et voisins» semble marquer la fin d’un jeu de dupes qui a duré longtemps. L’expression «pays observateurs», chère à Alger, a disparu. Il n’est plus question que des «parties et voisins», expression qui est répétée à deux reprises dans les recommandations du SG de l’ONU.
Les FAR renforcent le dispositif de défenseLa crise de Guerguerat a pesé sur le précédent rapport du SG de l’ONU, qui a enjoint aux éléments armés du Polisario de se retirer de cette zone. Si Antonio Guterres affirme dans le rapport d’octobre 2018 que le chef du Polisario a confirmé à son envoyé personnel que ce retrait était permanent (article 4), il n’en demeure pas moins que les éléments du Polisario essaient par diverses façons de modifier l’ordre existant dans la zone tampon.
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On s’en souvient: en mars 2018, quatorze éléments du front Polisario ont fait une incursion, à bord de quatre véhicules militaires, dans la localité de Mahbas, à quelques encablures du mur marocain de défense, où ils ont dressé des tentes, en violation de l’accord de cessez-le-feu. Cet acte a été précédé par plusieurs tentatives consistant à déplacer les bâtiments administratifs de la direction du Polisario de Rabouni en Algérie à Bir Lahlou et Tifariti, à l’est du dispositif de défense.
Devant les provocations du Polisario, les FAR ont décidé de renforcer le mur de défense à proximité de Mahbas. Le rapport du SG de l’ONU décrit en ces termes cette action:
- Article 34: «à la fin de mars 2018, une patrouille terrestre de la MINURSO a constaté que l'Armée Royale Marocaine était en train de reconstruire un mur de sable établi en 1987 près de Mahbas. L'Armée Royale Marocaine avait demandé l'autorisation des travaux en février, avril et juin 2017. La MINURSO a rejeté les trois demandes, en notant que la reconstruction d'un mur existant constituerait une violation de l'accord militaire n° 1. La MINURSO a constaté qu'un nouveau mur plus grand (de trois à quatre mètres de haut et de huit à dix mètres de large) était en construction au-dessus d'un mur existant d'une hauteur d'un mètre à un mètre et demi le long d'un parcours de 63,8 kilomètres. Ils ont également observé plusieurs nouveaux postes d'observation, ainsi que quatre portes dans le mur permettant l'accès à des unités situées à proximité du mur.»
Il est clair que lorsque la sécurité du territoire marocain est menacée, les FAR peuvent mener toutes les actions qu’elles jugent nécessaires pour la défense du pays. Le renforcement du mur s’inscrit dans les strictes missions des Forces Armées Royales: la défense du Maroc contre les attaques et incursions étrangères.
Dans son rapport, le SG de l’ONU rapporte (article 35) que les FAR ont interagi avec la MINURSO en affirmant leur «intention de supprimer tous les postes d’observation situés à proximité du nouveau mur de sable, tout en conservant les quatre portes, proposant de maintenir la présence de quatre soldats non armés à chaque porte.» Les FAR ont également fait valoir que la réhabilitation d’une structure préexistante ne constituait pas une violation de l’accord de cessez-le-feu. Cet argumentaire ne semble pas avoir convaincu la MINURSO qui a conclu à une violation du cessez-le-feu.
Néanmoins, en matière du nombre de violations de l’accord de cessez-le-feu, la palme d’or revient au Polisario. Le rapport du SG de l’ONU en dénombre six par les FAR et treize par les éléments du Polisario (articles 32-33). Antonio Guterres établit même un constat accablant à l’adresse du Polisario: «Les violations de la liberté de circulation ont considérablement augmenté depuis mon précédent rapport».
Il y a plus grave. Dans son rapport, le SG de l’ONU a affirmé que «des assurances ont été données par le front Polisario qu’aucune structure administrative ne sera déplacée» de Rabouni à Bir Lahlou et Tifariti (article 11). Or, dans l’article 39 du même rapport, Guterres affirme que le Maroc a fourni à la MINURSO des photos prises par satellite, montrant des activités et des constructions à l’est du dispositif de sécurité.
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Et d’ajouter dans l’article 41: «la MINURSO a confirmé la construction d'une grande structure d'un étage près de Tifariti, composée d'environ 36 chambres». Le front Polisario a affirmé qu’il s’agit d’un bâtiment civil mais ses éléments armés en ont toutefois refusé l’accès aux membres de la MINURSO en dépit de plusieurs tentatives, déplore le SG de l’ONU. Le Polisario est donc pris en flagrant délit de mensonge et de mauvaise foi.
C’est la première fois que le rapport sur le Sahara fait état de photos prises par satellite, remises par le Maroc à la MINURSO. Il s’agit des photos du satellite Mohammed VI-A, une innovation technologique qui est exploitée à des fins à la fois civiles et de surveillance. Un deuxième satellite sera mis en orbite bientôt. La date symbolique du 6 novembre 2018 (qui coïncide avec la célébration de la Marche verte) pourrait être retenue pour le lancement du satellite Mohammed VI-B.
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Le Maroc de nouveau épinglé pour non respect des droits de l’HommeA l’instar du rapport du mois d’avril, le Maroc est de nouveau pointé du doigt sur la question du respect des droits de l’Homme dans les territoires du Sahara. Encore une fois, aucune mention n’est faite au Conseil consultatif des droits de l’Homme (CNDH), qui avait été cité pour son indépendance dans le rapport de 2017. Le rapport fait état de «violations, arrestations arbitraires et torture» de «militants sahraouis pour l’autodétermination».
Dans ses recommandations (article 89), le SG de l’ONU «exhorte les parties à respecter et à promouvoir les droits de l'Homme, notamment en abordant des questions en suspens et à renforcer la coopération avec le HCDH (Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, ndlr) et les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies, et à faciliter leurs missions de suivi.» Et d’ajouter: «une surveillance indépendante, impartiale, globale et soutenue de la situation des droits de l'Homme est nécessaire pour assurer la protection de toutes les personnes au Sahara occidental.» Cette dernière recommandation est inquiétante dans la mesure où le Maroc s’est toujours opposé à ce qu’une instance étrangère assure le monitoring des droits de l’Homme au Sahara. Le CNDH aurait pu remplir ce rôle, mais visiblement les instances onusiennes n’accordent pas d’intérêt à son travail.
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La question du respect des droits de l’Homme est un leitmotiv des différents rapports onusiens sur le Sahara. Les rapporteurs semblent ignorer les techniques de provocations des séparatistes, le matériel dont ils disposent, la formation qui leur est dispensée, les financements qu’ils perçoivent à seule fin de mener des actions subversives pour montrer la photo d’une femme sahraouie bousculée ou par terre. Le360 a révélé comment le Polisario paie mensuellement des «militants séparatistes» pour galvaniser leur ardeur à conduire des actions de provocation. Mais il faut aussi que les autorités marocaines apprennent à ne pas tomber dans le piège des provocations des séparatistes et trouvent une solution pour éviter d’être épinglées sur la question du respect des droits de l’Homme.
«Les investissements considérables» du Maroc au SaharaHorst Köhler a visiblement été impressionné par le développement des infrastructures dans le Sahara lorsqu’il a visité les villes de Laâyoune, Dakhla et Smara. Il mentionne des investissements de 7,7 milliards de dollars liés au plan de développement initié par le roi Mohammed VI. Et il n’est pas le seul témoin du développement des Provinces du Sud. «La MINURSO a pu observer que le Maroc a continué à faire des investissements considérables dans les infrastructures et le développement économique à l’ouest du mur. Le Maroc assure que les investissements et les projets bénéficient aux populations du Sahara occidental et sont mis en œuvre en pleine consultation avec eux» (article 9).
Il n’est pas habituel de lire dans un rapport du SG les aspects liés aux investissements considérables dans le Sahara et au développement des Provinces du Sud. En très pragmatique Allemand, Horst Köhler y est certainement pour quelques chose.
Les propos liés aux investissements du Maroc dans le Sahara sont tempérés par le Polisario qui proteste contre «l’exploitation des richesses du Sahara» et les séparatistes qui affirment que les investissements ne profitent pas à toutes les populations. Il existe toutefois une différence entre ce que la MINURSO a pu observer (les investissements considérables et le développement des infrastructures) et les propos du Polisario et des séparatistes de l’intérieur. Ce que la MINURSO observe a valeur d’une affirmation objective, fondée sur des faits. Ce que disent le Polisario et les séparatistes de l’intérieur, ce sont des allégations qui n’auront jamais le statut d’une assertion formulée par une instance neutre et présente sur place: la MINURSO.
Le développement économique des Provinces du Sud, qui profite aux populations locales, est de nature à mettre à nu la direction du Polisario où les cadres s’enrichissent, tandis que les populations vivent dans des conditions indignes.
Dans ses recommandations, le SG de l’ONU demande à moderniser les équipements et le matériel de la MINURSO pour assurer la sécurité de ses observateurs militaires non armés. «Je demeure profondément préoccupé par la sécurité du personnel de la MINURSO au Sahara occidental, qui reste extrêmement vulnérable face à diverses menaces, notamment de la part de groupes criminels et terroristes, en particulier à l’est du mur», précise le SG de l’ONU qui demande au Conseil de sécurité de prolonger le mandat de la MINURSO d’un an, jusqu’au 31 octobre 2019.