Retour des jihadistes: le Maroc est-il prêt?

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Avec la récupération, lundi 10 juillet, par les forces irakiennes de la ville de Mossoul, ancien bastion de Daech, les craintes du retour des jihadistes dans leurs pays d’origine se font sentir. Le Maroc est concerné: 1.623 Marocains ont rejoint les zones de conflit en Syrie et en Irak. Décryptage.

Le 11/07/2017 à 15h09

L’annonce a été faite hier: Mossoul, véritable fief de Daech en Irak, est de nouveau aux mains des forces régulières irakiennes. Hier, le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi, entouré de ses commandants et officiers à Mossoul-Ouest, n’était pas peu fier. Pour lui, il s’agit d’une "victoire sur la brutalité et le terrorisme". Désormais, et après neuf mois de combats rapprochés, raids aériens irakiens et de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, il ne reste plus que quelques groupes de terroristes qui ont perdu tout contrôle. Entre temps, des centaines de milliers de civils ont réussi à fuir les combats.

Ils ne sont pas les seuls. Les combattants de Daech restés vivants se sont également échappés. Et c’est là où le bât blesse. Mossoul, tombée en 2014 aux mains de la bande d’Al Baghdadi, était la dernière poche de résistance de Daech en Irak. La crainte d’un retour massif des jihadistes dans leurs pays d’origine est réelle. Le Maroc est également concerné. Les combattants marocains ayant rejoint les rangs de Daech sont au nombre de 1.623. Pas moins de 400 ont trouvé la mort et 79 sont retournés au Maroc. Les autres courent toujours et sont autant de bombes à retardement.

Connaître le profil des jihadistes marocains, c’est se rendre compte de la mesure du danger. Le360 en avait déjà rendu compte dans une enquête exclusive présentant le portrait-robot des Marocains de Daech. Ils sont jeunes pour la plupart: la moitié d’entre eux est âgée entre 25 et 35 ans et un quart est âgé de moins de 25 ans. «Il sont également peu instruits et une infime minorité dispose du baccalauréat. Cela explique leur influençabilité», nous avait expliqué Abdelhak El Khayam, patron du Bureau central d’investigation judiciaire (BCIJ), le bras armé de la lutte antiterroriste au Maroc.

Les jihadistes occupaient des emplois précaires pour la majorité avant de choisir Daech. Quelque 311 d’entre eux étaient ouvriers, 191 étaient commerçants, 187 étaient sans emploi et 184 étaient des marchands ambulants. C’est dire que la perspective d’une réintégration dans la société est quasi-nulle. 

Fortement endoctrinés, ils formaient, qui plus est, les fameuses brigades des «Inghimassyine», des sortes de commandos spécialisés dans les opérations suicides contre des positions ennemies. Pour la plupart, le repentir est loin d’être envisageable. 226 combattants marocains sont d’anciens détenus en vertu de la loi antiterroriste du royaume.

Face à une menace aussi réelle, l’Etat est mobilisé. Serait-ce assez pour filtrer plus de 1.200 personnes, complètement acquises à une idéologie jihadiste pratiquée sur le terrain et au fait des nouvelles techniques et des différentes stratégies de combat?

Les services de sécurité marocains rassurent et anticipent déjà le retour en masse des jihadistes marocains de Daech. Les moyens humains et technologiques pour les traquer sont conséquents. Et la coopération internationale est de mise. Des cellules communes sont créées entre le Maroc et des pays partenaires pour recueillir, échanger et analyser les informations sur les activités des jihadistes combattant en Irak et en Syrie.

La principale arme reste le renseignement. Ce sont les fiches dont disposent les services nationaux sur chacun des combattants marocains ralliés à Daech qui constituent la meilleure cuirasse contre le retour des jihadistes, confie une source sécuritaire à Le360. Et d’ajouter: «depuis un mois les jihadistes marocains qui combattaient à Mossoul ont rejoint Raqqa en Syrie». Donc, il semble que la solution d’un retour pour ces jihadistes au pays ne soit pas de mise. Ils se concentrent aujourd’hui sur les territoires sous contrôle de Daech en Syrie. Ils ont peu d’alternatives: soit l’errance dans les poches sous contrôle de Daech, la repentance et la prison ou la mort.

Une chose est sûre: identifié, tout jihadiste qui rentre au Maroc est arrêté, présenté devant la justice et condamné à la prison. La loi condamne même le fait de rejoindre un groupe terroriste. Et les peines sont lourdes: jusqu’à 20 ans de prison.

Par Tarik Qattab
Le 11/07/2017 à 15h09