Le verdict est sans appel, même s’il n’est pas exécutoire et ne contraint en rien la Commission européenne (le véritable exécutif de l’UE) à l’appliquer. La Cour de justice de l'Union européenne a affirmé que «l'accord de pêche conclu entre l'UE et le Maroc n'est pas applicable aux eaux adjacentes de la région disputée du Sahara occidental.» La décision est tombée ce mardi 27 février. Elle exclut donc le Sahara marocain de cet accord. Motif? «L'inclusion de ce territoire dans le champ d'application de l'accord de pêche enfreindrait plusieurs règles du droit international».
Mais dans la pratique? La Cour n’a pas suivi l’avis du Procureur général qui demandait, selon Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et de la pêche, l’interdiction de toute activité de pêche dans les eaux territoriales du Sahara marocain, c’est-à-dire une invalidation pure et simple de l’accord de pêche.
Mais si on s'en tient au texte de la décision, et selon les 15 juges de la CJUE ayant eu à trancher sur la question, le constat est le suivant: ni l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Maroc ni le protocole entre l’Union européenne et notre pays, fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche, ne sont applicables aux eaux adjacentes au territoire du Sahara.
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Et pour cause, justifie la Cour. En premier lieu, il y a l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Maroc. Dans son règlement n° 764/2006, cet accord impose [à l’Union] «l’obligation de contribuer au respect de tout principe pertinent du droit international ainsi que des principes de la charte des Nations unies». Ceci, pour le principe. Concrètement, ce dispositif suppose que cet accord doit être «au bénéfice du peuple sahraoui, en son nom, conformément à sa volonté et/ou en consultation avec ses représentants reconnus». Évidemment, la CJUE a estimé que ni l’esprit ni le texte de la loi n’ont été respectés.
En second lieu, il y a le protocole entre l’Union européenne et notre pays et qui fixe les possibilités de pêche, leur répartition géographique, et la contrepartie financière. Là, la CJUE est muette. A la question de savoir «si un justiciable ayant qualité pour agir en vertu du droit national… est en droit de contester la validité des actes de conclusion et de mise en œuvre de l’accord de partenariat et du protocole de 2013, au motif que l’Union a violé le droit international», elle affirme qu’il «n’y a pas lieu de répondre». Elle dit néanmoins que ce protocole doit être interprété, «conformément aux règles de droit international». Entendez: «les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas du champ d’application territorial de ce protocole».
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Ce que la Cour oublie, c’est que la Commission européenne et le Maroc n'ont décelé aucune raison particulière d’arrêter leur coopération dans le secteur de la pêche, qui perdure depuis 30 ans et qui intègre de facto le Sahara, jusqu'à ce que l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) Melchior Wathelet ait étonnamment recommandé l'annulation de l'accord le 10 janvier dernier dans ses conclusions préliminaires. La raison invoquée est que cet accord ne profite pas aux populations locales. Or, c’est archifaux. «En fait, les provinces du sud du Maroc (aussi appelées Sahara occidental) représentent 66% du budget total (de l’accord de pêche, NDLR), ce qui correspond à 37 millions de dollars américains. En outre, 75% des avantages socio-économiques de l'accord, tels que la création de centaines de nouveaux emplois et l'amélioration des conditions de travail de dizaines de milliers de personnes, sont appréciés par les habitants des provinces du Sud», analyse Eli Hadzhieva, fondatrice et directrice de l'ONG Dialogue for Europe, basée à Bruxelles.
Mieux, si la Cour européenne se base sur le postulat voulant que le Sahara soit un «territoire occupé», tel que préconisé par Melchior Wathelet, «sur le plan juridique, le Sahara occidental ne peut être défini comme tel parce qu'il ne remplit pas les critères énoncés à l'article 42 de la Convention de La Haye: présence d'un État ennemi sur le territoire, exclusion de l'autorité légitime et substitution par une autorité occupante. En effet, lorsque le Maroc a succédé à l'Espagne au Sahara occidental en 1976, conformément à l'Accord de Madrid, il n'y avait pas d'Etat sahraoui sur ce territoire, qui faisait partie du Royaume du Maroc avant la colonisation», ajoute Eli Hadzhieva.
On marche donc sur la tête.