Le moins que l’on puisse dire, c’est que la page de la crise entre le Maroc et le secrétariat général de l’ONU est tournée. En atteste le rapport du SG de l’ONU, Antonio Guterres, qui a été distribué hier aux membres du Conseil de sécurité. Ce rapport n’a rien à voir avec celui présenté par Ban Ki-moon en avril 2016. Equilibré, pragmatique, sans parti pris et innovant, ce rapport se démarque d’emblée par des propositions courageuses et inédites, qui attestent de la volonté de Guterres de trouver une solution réaliste à un conflit qui dure depuis plus de 40 ans et qui tient en otage le développement de toute la région.
Rapport du SG de l’ONU sur le Sahara
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La phrase sans doute la plus importante du rapport du SG de l’ONU est celle-ci : «J’ai l’intention de proposer que le processus de négociation soit relancé avec une nouvelle dynamique et un nouvel état esprit qui reflètent les orientations du Conseil de sécurité dans le but d’aboutir à une solution politique mutuellement acceptable et qui conduit à la résolution du différend sur le statut ultime du Sahara occidental, y compris par un accord sur la nature et la forme de l’exercice de l’autodétermination». Les derniers mots de cette phrase revêtent une importance considérable, dans la mesure où ils ouvrent pour la première fois la voie à des négociations, en vue de définir la nature et la forme de l’exercice de l’autodétermination. Tout est ouvert et tout est remis sur la table pour que cet exercice puisse s’établir aussi d’autres manières, et pas seulement sous la forme du référendum devenu impossible. Dès lors, cette autodétermination peut s’exercer de différentes façons, dont une autonomie réelle qui garantisse aux populations du Sahara une gouvernance spécifique.
Et ce n’est pas tout: le SG demande à l’Algérie d’apporter sa contribution pour trouver une solution au conflit. Tout le monde sait que l’Algérie est partie prenante dans ce conflit et qu’elle a beau se réfugier derrière de beaux principes, aucune solution ne sera trouvée tant que ce pays s’y refuse.
Le rapport dominé par Guerguerat
La crise de Guerguerat occupe l’essentiel du rapport soumis hier lundi à l’appréciation des quinze membres du Conseil de sécurité. Pas moins de vingt paragraphes sont consacrés par le patron de l’ONU à cette crise, qui dure depuis le mois d’août 2016. Dans ses recommandations, le SG de l’ONU demande au Conseil de sécurité d’exiger du Polisario le retrait immédiat et sans condition de Guerguerat. Une injonction claire, incisive, et qui a été préparée par un long rappel des faits.
Guterres rappelle que l’ONU n’a pas été prévenue des travaux de bitumage des 3.8 km, entrepris par le Maroc. Ces travaux ont été l’œuvre d’éléments civils et de la gendarmerie royale, souligne le rapport.
Le Polisario est intervenu à son tour avec des éléments armés, en faisant valoir que la gendarmerie marocaine fait partie du corps des Forces Armées Royales et qu’à ce titre, le Maroc a violé le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991. Le Polisario a ajouté qu’il n’existait pas de commerce dans cette zone au moment du cessez-le-feu.
Le SG de l’ONU présente ensuite la position du Maroc qui «réfute avec force les accusations du Polisario», arguant qu’en bitumant ce tronçon, il n’a pas violé le cessez-le-feu qui n’interdit pas au demeurant «les activités civiles». Le Maroc a expliqué qu’aucun soldat des FAR n’a franchi la frontière.
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Le Maroc a ajouté que le bitumage visait à la fois à contrer les trafics de tous genres dans cette zone de non-droit et de faciliter les échanges commerciaux. Le Maroc a également expliqué que la présence des éléments armés du Polisario, le fait de brandir des drapeaux de la «RASD» (cette entité est transcrite entre guillemets dans le rapport du SG de l’ONU), et d’intercepter les véhicules qui traversent cette zone constituent une violation du cessez-le-feu. La présence des éléments armés du Polisario, ainsi que l’interception des transporteurs «constituent un défi inacceptable pour l’autorité des Nations Unies».
Le point 9 du rapport se réfère à l’escalade du Polisario. Il rapporte que des éléments du Polisario ont paradé dans la péninsule de Nouadhibou (en Mauritanie) au sud de Guerguerat et se sont photographiés, en présence du patron du Polisario Brahim Ghali, sur une crique pour montrer qu’ils pouvaient accéder à la côte atlantique. Les vols de reconnaissance des Casques bleus ont permis de repérer deux drapeaux de la «RASD» sur la côte atlantique, poursuit le rapport.
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Le contrôle des véhicules à Guerguerat, très mal apprécié
Le point 11 se réfère au Polisario et à sa soi-disant guerre contre les symboles marocains sur les véhicules qui traversent la zone tampon de Guerguerat. Les Casques bleus «ont enregistré plusieurs dommages causés aux véhicules des transporteurs qui ont refusé de retirer des symboles marocains», précise le rapport. Ces dommages ont notamment concerné «des vitres de véhicules, brisées par des pierres lancées par des éléments du Polisario», ajoute le SG de l’ONU.
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Dans le point 12, le SG rappelle qu’il a demandé le 27 février 2017 aux deux parties de se retirer de Guerguerat et de ne pas entraver le commerce des civils. Le 26 février, le Maroc a annoncé son retrait unilatéral de Guerguerat en réponse à la demande du SG de l’ONU. Le Polisario n’a pas retiré ses éléments.
Dans son rapport, le SG de l’ONU rappelle également que le Maroc a accepté le retour de tous les éléments de la composante civile de la Minurso.
Appréciation mitigée sur la situation des droits de l’homme
Si le rapport du SG de l’ONU rappelle que les élections législatives du 7 octobre 2016 se sont déroulées dans le Sahara, «sans incident autant que la MINURSO peut vérifier», il est beaucoup plus dur sur le respect des droits de l’Homme dans les provinces du Sud. Dans son rapport, le SG de l’ONU appelle à prendre des mesures pour consulter les populations locales au sujet de ce qu’il appelle «l’exploitation des richesses naturelles».
L’Algérie, partie prenante au conflit
L’Algérie n’a jamais été autant citée dans le rapport annuel du SG de l’ONU sur le Sahara comme dans celui d’Antonio Guterres. Ce rapport cite dans un paragraphe la position exprimée par Nacer Bourita, ministre marocain des AE : à savoir que le conflit du Sahara concerne le Maroc et l’Algérie. De plus, Antonio Guterres rend compte de sa réunion, le 29 janvier 2017, avec le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et le ministre algérien des Affaires maghrébines et africaines et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel, en marge du sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba. Un paragraphe entier est consacré à cette réunion et à la position communiquée par Alger au SG de l’ONU. Le fait même qu’autant d’intérêt soit accordé à une réunion de ce type dans un rapport sur le conflit du Sahara est synonyme d’une nouvelle approche qui tient compte d’un acteur déterminant dans ce dossier : l’Algérie.
L’isolement du Polisario
Le SG de l’ONU a rendu compte de sa rencontre à New York, le 17 mars 2017, avec le chef du Polisario, Brahim Ghali. «Je lui ai exprimé ma préoccupation et ma déception devant le refus du Polisario de retirer ses éléments de Guerguerat», affirme le SG de l’ONU. Malgré cette injonction du SG de l’ONU, le Polisario (sans doute après concertation avec Alger) a fait la sourde oreille, continuant ainsi à braver la légalité internationale et à défier l’ONU. Ce qui a poussé le SG de l’ONU à demander au Conseil de sécurité d’exiger un retrait immédiat du Polisario de Guerguerat.
On voit mal le Polisario et l’Algérie opposer une fin de non-recevoir au Conseil de sécurité qui est une instance décisive.
Antonio Guterres a également expliqué dans son rapport que le Maroc ne veut plus rencontrer Christopher Ross, en raison de sa partialité criante envers le Polisario.
Dans ses recommandations, le SG de l’ONU a demandé la reconduction de la mission de la Minurso d'un an et son renforcement avec des équipements qui lui permettent d’élargir ses patrouilles aériennes.
Le rapport du SG de l’ONU est à la fois réaliste et porteur d’une approche davantage résolue pour trouver une solution au conflit du Sahara. Ce rapport clôt aussi la crise entre le Maroc et le secrétariat général de l’ONU. Ban Ki-moon avait confessé sa non-maîtrise du dossier du Sahara. Il apparaît clairement que son successeur a une bien meilleure connaissance du conflit et qu’il est déterminé à tout mettre en œuvre pour y trouver une solution pérenne.