Samedi dernier, tard dans la soirée, Mohamed Ben Salmane, prince héritier et homme fort d’Arabie Saoudite a téléphoné au président algérien, Abdelmadjid Tebboune. Il s’agissait, pour MBS, de s’excuser en invoquant des «raisons de santé», de ne pouvoir honorer sa promesse d’assister en personne au sommet de la Ligue arabe, prévu les 1er et 2 novembre prochain à Alger.
Rien de grave, en fait, n'est arrivé au prince héritier, président du Conseil des ministres saoudien. Pas plus tard qu'hier, dimanche, un communiqué du palais royal à Riyadh a précisé que des médecins avaient recommandé à Mohamed Ben Salmane «de ne pas voyager sur de longues distances par avion, afin d’éviter un barotraumatisme auriculaire», dû à la pressurisation en vol, «ce qui l’empêche de se rendre en Algérie, compte tenu de la durée du voyage en aller-retour dans un délai n’excédant pas 24 heures».
C’est finalement l’émir Fayçal Ben Farhane Al-Saoud, ministre des Affaires étrangères du Royaume wahhabite, qui a été désigné par le roi Salmane ben Abdelaziz afin de présider la délégation de son pays à Alger.
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A elle seule, cette défection a semé un vrai vent de panique à Alger, le régime n’ayant cessé ces derniers jours de claironner que le sommet arabe d’Alger allait se tenir avec un «nombre record de chefs d’Etat», voire la présence de «tous les poids lourds» des dirigeants arabes. Quand on sait que le niveau de représentation est l’unique enjeu de ce sommet, l’absence de MBS en sonne déjà le glas.
Hier encore, dimanche, certaines sources médiatiques ont annoncé que trois autres chefs d’Etat ne seront pas, eux non plus, présents à Alger. C’est ainsi que le roi du Bahreïn, Hamed Ben Issa Al Khalifa, sera représenté par le vice-Premier ministre bahreïni, Mohamed Ben Moubarak Al-Khalifa. Le communiqué du palais royal, diffusé à cet effet hier, dimanche, à Manama, n’invoque aucune raison à cette absence déclarée du souverain bahreïni.
Le Sultan d’Oman, Haïtham Ben Tareq, ne sera lui aussi pas non plus de la partie au sommet d’Alger, mais enverra un représentant en la personne du vice-Premier ministre omanais, Essaad Ben Tareq Al-Said.
Pour sa part, le président libanais Michel Aoun, dont le mandat s'achève le 31 octobre prochain, ne représentera pas le Liban à Alger, comme préalablement promis. C'est l'actuel Premier ministre, Najib Mikati, qui est pressenti pour le remplacer à la tête de la délégation du pays du Cèdre.
Il ne fait aucun doute que la non-présence au sommet d’Alger de l’homme fort d’Arabie saoudite constitue non seulement une baisse du niveau de représentativité à cette rencontre, mais risque d’entraîner dans son sillage encore d’autres défections. Ne serait-ce que parce que les sommets arabes sont généralement l’occasion pour de nombreux chefs d’Etat de pays en difficulté économique, ou autre, tout particulièrement dans le contexte de la crise mondiale qui sévit actuellement, de solliciter la solidarité de bailleurs de fonds arabes, avec, à leur tête, l’Arabie saoudite.
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Les médias algériens regrettent fortement l’absence de MBS, mais tentent tout de même de la minimiser, à travers la vraie-fausse réconciliation récente des factions palestiniennes, présentée comme «un acquis réalisé sur le plan arabe par la diplomatie algérienne».
«En dépit de l’absence de MBS au Sommet arabe d’Alger, l’Algérie a réussi déjà l’essentiel, en opérant un retour diplomatique spectaculaire sur les scènes régionale et internationale, après des années d’effacement sous le règne du président Abdelaziz Bouteflika», annonce ainsi un média local.
D’ailleurs, et comme pour tenter (bien vainement) de sauver la face, le président algérien s'est lancé hier, dimanche, dans un appel téléphonique avec le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, histoire de faire oublier ce clair avertissement venue de Riyad.
Comme d’habitude, et croyant toujours que tout revers diplomatique qu’il subit ne peut provenir que du Maroc ou lui plaire, le régime algérien a également saisi cette défection saoudienne pour lâcher ses porte-voix contre le Royaume. «Les médias du régime marocain font la publicité pour l’absence de Ben Salmane et la présence de Mohammed VI au sommet arabe d’Alger», a titré, hier encore, le site Echoroukonline.
Il est donc devenu vrai que tous les regards se tournent désormais vers le roi Mohammed VI, qui peut éviter au régime algérien ce qui s'apparente à une véritable bérézina, en effectuant lui-même un déplacement à Alger.