Ingénieur informaticien diplômé de l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (INSEA) de Rabat, Aziz Rabbah s’envole au Canada pour poursuivre ses études supérieures à l’Université de Laval, dans la province du Québec. «Mon départ au Canada n’était pas du tout programmé et a été le fruit d’un pur hasard. À cette époque, les Marocains étaient encore peu nombreux au Canada, à peine 8.000 contre 300.000 aujourd’hui», fait savoir l’ancien ministre PJD qui, depuis son séjour au Québec au milieu des années 90, œuvre pour donner une nouvelle impulsion aux relations entre le Maroc et le Canada.
Contrairement à nombre de ses concitoyens, qui ont préféré faire leur vie dans le pays à la feuille d’érable, Aziz Rabbah choisit de rentrer au pays. Il est rapidement nommé chef du service informatique au ministère du Commerce extérieur et des Investissements extérieurs, alors dirigé par Hassan Abouyoub. «J’ai beaucoup appris avec M. Abouyoub. Il avait entrepris de grands efforts pour renforcer la diversification des partenaires économiques du Maroc, et l’orientation des exportations vers de nouveaux marchés, en accordant un intérêt particulier aux pays émergents et à l’Asie», témoigne notre interlocuteur, qui loue les capacités d’écoute de l’ancien ministre. «Avant de prendre une décision, il tenait à associer ses collaborateurs à la réflexion, favorisant une démarche fondée sur l’intelligence collective», se rappelle-t-il.
Aziz Rabbah a également travaillé aux côtés de l’ancien Premier ministre Driss Jettou, lorsque ce dernier dirigeait le département de l’Industrie et du Commerce au sein du gouvernement Filali. Il s’est notamment vu confier la mission de coordinateur d’un comité interministériel de suivi des technologies de l’information (CSTI), qui a initié la première matrice des services administratifs dématérialisés, puis la première stratégie numérique nationale, baptisée «E-Maroc». «Le Maroc était pionnier dans les domaines liés à l’économie des technologies de l’information», s’enorgueillit Rabbah, rappelant la création du Technopark de Casablanca, devenu depuis une pépinière de startups.
Premier coup d’éclat au gouvernement
Le 3 janvier 2012 marque un tournant dans la carrière de celui qui fut secrétaire général de la jeunesse du Parti de la justice et du développement. Suite à la victoire de la formation islamiste aux législatives de 2011, il est nommé ministre de l’Équipement et du Transport au sein du gouvernement Benkirane. Rabbah va réaliser un premier coup d’éclat en rendant publique la liste des bénéficiaires des agréments de transport de voyageurs et d’exploitation de carrières. La mesure, qui fait l’effet d’une petite bombe dans l’opinion publique, est perçue alors comme une manœuvre démagogique par les opposants du PJD. Ce dont se défend catégoriquement l’intéressé: «Ce sont des activités économiques régies par la loi. Et la Constitution marocaine a consacré le droit d’accès à l’information», argumente-t-il, précisant que cette publication a été suivie de vraies actions.
«Nous avons engagé une réforme de fond dans plusieurs secteurs régis par le système des agréments, notamment dans l’activité minière, avec le retrait de quelque 3.700 agréments. Nous avons aussi introduit un cahier des charges pour l’exploitation des services de transports, toutes filières confondues», détaille-t-il.
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Rabbah affirme aussi avoir accordé une attention particulière au secteur du transport maritime, parallèlement au lancement de la stratégie portuaire nationale. «À mon arrivée à la tête ministère, deux compagnies maritimes marocaines étaient en difficulté (IMTC et Comarit, NDLR). Nous avons fourni un effort colossal pour les sauver», explique-t-il. En vain. «Nos efforts ont buté sur nombre d’obstacles, et les actionnaires n’étaient pas prêts à opérer une refonte du management. Ceci a entraîné la suppression de 2.700 postes d’emplois et une perte sèche de 3 milliards de dirhams de chiffre d’affaires», déplore l’ancien ministre.
«CMA-CGM n’a pas respecté ses engagements»
Rabbah a aussi évoqué le cas du repreneur de la Comanav, le français CMA-CGM, qui s’était engagé à relancer l’activité du transport de marchandises. «CMA-CGM n’a pas respecté ses engagements. J’avais fait le déplacement jusqu’à Marseille pour rencontrer son président. Outre la relance de l’activité du transport de marchandises, il était question de créer une académie CMA-CGM et de délocaliser au Maroc une partie de l’activité de maintenance des conteneurs», se souvient-il.
«Un nouvel agrément a été délivré à la société marocaine (qui se trouve actuellement à l’arrêt, NDLR). J’ai ensuite pris contact avec Othman Benjelloun, le président du groupe BMCE (aujourd’hui Bank Of Africa, NDLR), qui a bien voulu apporter son soutien en fondant une nouvelle compagnie maritime, AML, en s’associant avec un investisseur grec», souligne Rabbah. Il salue surtout l’appel du Roi, lors du dernier discours de la Marche verte, à travailler sur la constitution d’une flotte nationale de marine marchande. Il évoque également le projet de création d’une compagnie maroco-saoudienne de transport maritime reliant le Maroc aux pays du Golfe.
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Le 5 avril 2017, avec la nomination du gouvernement El Othmani, Rabbah change de portefeuille et se voit confier le ministère de l’Énergie et des Mines. Il affirme avoir pris une série de mesures pour accompagner le processus de libéralisation des hydrocarbures, notamment le renforcement des capacités de stockage et l’accord de nouveaux agréments pour l’importation et la distribution des produits pétroliers. Interrogé sur le dossier du gaz algérien, Rabbah assure que son département avait anticipé la rupture unilatérale du contrat du Gazoduc Maghreb-Europe et de celui liant l’ONEE à la Sonatrach, en lançant des études pour trouver des solutions alternatives, dont celui consistant à inverser les flux du GME, pour un coût estimé à 100 millions de dirhams.
De la politique à l’associatif
Aziz Rabbah, qui a pris ses distances avec le PJD au lendemain des législatives de septembre 2021, consacre désormais l’essentiel de son temps à la vie associative, à travers l’initiative «Al Moubadara, la patrie d’abord et toujours», dont il est le président.
«Je ne remets pas en cause le rôle des partis et des syndicats, y compris le PJD. Nous avons besoin d’une nouvelle dynamique sociétale. J’ai bon espoir que cette initiative puisse atteindre tous les quartiers et douars du pays», soutient-il, précisant que son initiative n’a en aucun cas vocation à se transformer en parti politique. «Cette éventualité est même interdite par les statuts de l’association», conclut-il.