Tout comme les réseaux sociaux, les organisations de défense des droits humains, et certains manifestants dans quelques villes marocaines, c’est au tour de certains hommes politiques de s’exprimer sur le verdict qui a clos, en première instance du moins, le procès du Hirak du Rif.
Selon le quotidien Assabah de ce vendredi 29 juin, et sous le titre: «Des politiciens exagèrent le verdict du Rif», une concurrence féroce s’est déchaînée entre ministres, chefs de partis politiques et parlementaires, pour rivaliser en déclarations solidaires avec les activistes du Hirak d’Al Hoceima. Ils ont tous considéré que les peines prononcées par la justice sont «très lourdes».
L’occasion pour le quotidien de tacler ces «politiciens qui viennent pourtant de voter, au sein des deux chambres du parlement, la loi instaurant l’indépendance du parquet général vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif». Allant plus loin, il estime, en particulier, que les déclarations de Mohamed Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme, sont malvenues, du moment qu’il fut parmi les ministres qui ont été balayés par le «séisme politique» à cause de leurs manquements dans les projets de développement d’Al Hoceima Manarat Al Moutawassit.
Pour sa part, le quotidien Al Massae rapporte que le SG du PPS a exprimé son espoir de recourir à tous les moyens légaux en vue de revoir à la baisse les peines prononcées contre les activistes rifains. Son homologue fraîchement élu à la tête du Parti authenticité et modernité, Hakim Benchamas, par ailleurs président de la Chambre des conseillers et, soit dit en passant, originaire de la région du nord, a lui aussi déclaré que ces peines «sont extrêmement lourdes et vont à l’encontre de la dynamique engagée par le Maroc dans le domaine des droits de l’Homme». Au nom de l’USFP, l’écrivain Mohamed El Achaâri, ancien ministre de la Culture lors de l’alternance sous Abderrahmane El Youssoufi, a estimé que les «peines prononcées violent le cours de l’Histoire, et que le Rif ne peut supporter une autre plaie».
Al Ahdath Al Maghribia ajoute de son côté que Saâd-Eddine El Othmani, chef du gouvernement et secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), a été le premier à réagir sur sa page Facebook après le prononcé du verdict de mardi dernier. «Je ne souhaite la prison pour aucun Marocain, mais la liberté et une vie honorable pour tous», a-t-il écrit sur son Mur, avant de virer vers Twitter et se compléter: «…mais la justice est indépendante du gouvernement, qui n’a pas le droit de s’ingérer dans ses jugements».
Enfin le ministre d’Etat chargé des Droits de l’Homme, Mustapha Ramid (PJD), aurait indirectement mis dans l’embarras les juges de première instance qui ont condamné Zefzafi et ses co-accusés. Sur la foi de propos rapportés par Assabah, iI a en effet déclaré que la même «Chambre criminelle examinera en appel le verdict. Il y aura cinq juges plus compétents et plus expérimentés que leurs collègues de première instance, et j’espère que le jugement en appel sera beaucoup plus juste, instaurera la confiance en la justice et permettra une nouvelle réconciliation avec les populations de la région (du Rif, Ndlr)».
Mais il faut aussi rappeler que si les politiques ont exagéré en critiquant une décision de justice, certains médias ont également beaucoup choqué l’opinion publique en présentant à l’«américaine» le prononcé du verdict de mardi dernier: «Des peines de trois siècles (!) d’emprisonnement ferme», avaient titré plusieurs canards. Mais imaginez que les accusés d’Al Hoceima étaient au nombre de 500, et que chacun ait écopé d’un seul an de prison. Ce sera alors un total de 5 siècles de prison! Pourtant, ils auraient été immédiatement libérés dans leur ensemble juste après le prononcé du verdict, puisqu’ils ont purgé ces 5 siècles du fait de toute l’année qu’a duré leur procès en état d’arrestation.