Les généraux algériens sont tellement paniqués par le réveil en force du Hirak, prévu demain, lundi 22 février, qu’ils n’arrivent plus à distinguer entre Macron et le Maroc. En effet, c’est bien le président français, Emmanuel Macron, qui a affirmé mardi dernier, au cours d'une conférence presse à l’issue du sommet du G5-Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) à Njdaména, qu’une nouvelle coalition antiterroriste était en train de se former au Sahel, et que plusieurs pays, dont le Maroc et l’Algérie, se sont engagés à participer à l'opération "Tabuka". Rappelons que le Maroc a été représenté au sommet de Ndjamena par le chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani.
Or, selon une dépêche de l’APS, publiée ce dimanche en début d’après-midi, l’Algérie dément, par la voix de son ministère de la Défense (MDN), «les allégations concernant la participation de l'Armée nationale populaire (ANP) à des missions militaires en dehors des frontières algériennes sous le chapeau de puissances étrangères dans le cadre du G5-Sahel».
Sauf qu’au lieu de démentir à chaud les propos du président français de mardi dernier, le régime algérien a attendu que la toile se saisisse de ce sujet, pour accuser le Maroc.
Ainsi dans le communiqué du MDN algérien, l’on peut lire: «certaines parties et porte-voix de la discorde ont relayé via leurs pages et comptes subversifs sur les réseaux sociaux des allégations dénuées de tout fondement, proférant que les actions et les opérations menées par l'institution militaire, au niveau interne et externe, répondent à des agendas et des instructions émanant de parties étrangères, et que l'ANP s'apprête à envoyer des troupes pour participer à des missions militaires en dehors de nos frontières nationales sous le chapeau de puissances étrangères dans le cadre du G5 Sahel, ce qui est faux et inadmissible. Des intox qui ne peuvent provenir que d'ignares à la solde des services du Makhzen marocain et sionistes»!
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Démagogique à satiété, le communiqué des généraux algériens affirme que «la participation de l'Armée nationale populaire en dehors des frontières du pays relève de la décision du peuple algérien, conformément aux dispositions de la Constitution de la République». Or, le peuple algérien a boycotté la nouvelle constitution puisque seuls 23% d’inscrits ont voté, et parmi ces rares votants, plus de 33% ont dit «non» à cette constitution. Visiblement, dans ce qui ressemble à une crise de nerfs, les généraux en arrivent à oublier que la Constitution à laquelle ils font référence a enregistré le taux le plus faible de participation de citoyens à un scrutin, depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962. D’ailleurs, cette armée serait davantage fondée de faire face aux revendications du peuple qui exige «un Etat civil, pas militaire» au lieu de s’époumoner à rameuter contre des ennemis imaginaires.
Faisant face à une impopularité sans précédent et à une crise économique, qui a engendré des mesures d’austérité dans tous les départements à l’exception de l’armée, l’ANP sait qu’elle ne peut pas maintenir pendant longtemps son train de vie princier avec un budget annuel dépassant 10 milliards de dollars. Dans son très intéressant dernier livre, intitulé «Le Prophète et la pandémie», qui vient de paraître aux éditions Gallimard, le chercheur et islamologue Gilles Kepel, décrit en ces termes le poids de l’armée algérienne sur le budget de l’Etat: «dans cette situation très préoccupante (la crise multiforme en Algérie, Ndlr), les privilèges de l’armée algérienne apparaissent d’autant plus exorbitants: avec 28 % du budget, et 6 % du PIB, elle se classe deuxième du monde en valeur relative, derrière l’Arabie saoudite et devant Israël». Et d’ajouter: «la logique économique voudrait que celle-ci (l’armée algérienne, Ndlr), très gourmande en deniers publics, soit soumise aussi à l’austérité́ générale dans la situation de crise où tous les indicateurs passent au rouge: mais elle constitue la colonne vertébrale du système rentier».
L’ANP sait pourtant que la rente, qui provient de la manne des hydrocarbures (98% des exportations algériennes), se tarit de façon irréversible. Même si cette armée a besoin de maintenir une tension permanente avec «l’ennemi traditionnel» ou «l’ennemi extérieur» pour justifier son train de vie budgétivore, elle sait qu’elle devra se résoudre à faire des coupes draconiennes dans ses dépenses. Mais les généraux cherchent à ajourner au plus tard possible le moment de faire face à une remise en question de la rente mise à leur disposition. Participe de leurs manœuvres à différer l’heure de vérité, la tension permanente qu’ils entretiennent avec le Maroc. Il reste aujourd’hui à savoir jusqu’où peuvent aller les généraux de l’armée algérienne pour maintenir leurs privilèges