La télévision publique algérienne a diffusé hier soir, dimanche 10 octobre 2021, une nouvelle interview du président Abdelmadjid Tebboune. Cette sortie médiatique était très attendue, suite aux récents propos acerbes du président français contre le système politico-militaire algérien. Les Algériens étaient curieux de savoir si leur régime était capable de prendre à l’encontre de la France les mêmes mesures qu’il a décidées, sans la moindre raison, contre le Maroc (rupture des relations diplomatiques, interdiction de l’espace aérien à tous les avions marocains, fermeture imminente du gazoduc Algérie-Maroc-Espagne…).
Finalement, et de la même façon que le Haut conseil de sécurité algérien qui n’a pas réussi, lors de sa réunion de jeudi dernier, à prendre des mesures semblables contre la France, Abdelmadjid Tebboune s’est limité à affirmer que l’ambassadeur algérien à Paris pourrait regagner son poste si la France faisait montre d'un «respect total à l’égard de l’Algérie», car, a-t-il ajouté, «la rupture des relations diplomatiques n’est jamais définitive».
Malgré des insultes à l’égard du ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qualifié de grand menteur par Tebboune sur le nombre d’Algériens à rapatrier, rien ne sera dit sur les critiques de Macron contre le «système politico-militaire» algérien, «fatigué» par la contestation populaire du Hirak, mais « très dur avec Tebboune»… Selon la description que vient d’en faire Emmanuel Macron. «Gros mensonge», «mensonge du siècle», a martelé Tebboune, concernant le nombre d’Algériens à rapatrier de France qui seraient, selon lui, au nombre de 94 et non pas de 7000.
Si Abdelmadjid Tebboune a été très avare en commentaires à l'encontre des propos du président Macron, il a en revanche parlé de manière enragée du Maroc.
De la folie? Jugez-en. La question légitime d’Emmanuel Macron sur l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation française et la falsification par le pouvoir de l’Histoire transparaît de bout en bout dans les propos de Tebboune. Sans vergogne, ce chef d’Etat livre de «gros mensonges», pour reprendre à son compte l’expression qu’il a utilisée à l’endroit du ministre français de l’Intérieur.
En effet, et pour se donner une profondeur historique, Tebboune a affirmé que l’Algérie n’est autre que le 2ème pays au monde (après quel autre ?) à avoir reconnu l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, acquise le 4 juillet 1776. Et pour apporter la preuve de l’ancienneté des relations entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Algérie, Tebboune a affirmé sans sourciller: «allez au musée du Moudjahid regarder les pistolets offerts par George Washington à l’émir Abdelkader». George Washington étant décédé en 1799 et l’émir Abdelkader, étant né en 1808, les deux hommes n’ont pu échanger ici-bas. Tebboune n’en a cure! «Falsifions, falsifions, il en restera toujours quelque chose», semble-t-il croire.
Autre folie. Interpellé sur la dégradation du pouvoir d’achat des Algériens, qui font face aux pénuries en tous genres et au renchérissement vertigineux des prix des produits de première nécessité, Tebboune a pointé du doigt ceux qu’il appelle les spéculateurs, manipulés, selon lui, par des lobbys politiques et des forces servant un agenda. Il a juré, à deux reprises dans cette même interview, que si on lui présentait l’un de ces spéculateurs, il lui collerait 30 ans de prison, voire le condamnerait à mort. Une loi en ce sens (condamnant à mort les spéculateurs) est d'ailleurs prête, et sera votée dimanche prochain, selon lui.
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Questionné sur le Maroc, d’abord à travers le projet de fabrication de drones israéliens de type «kamikaze», Tebboune s’est montré menaçant: «en tant que président de la république algérienne démocratique et populaire, je dis que tout pays qui agressera l’Algérie le regrettera illico. C’est clair». Avant d’ajouter à la façon du membre d’un gang: «celui qui nous cherche nous trouve!» Et de fanfaronner: «nous connaissons la valeur des guerres et du baroud». «Si quelqu’un nous cherche, je jure sur Dieu qu’elle (la guerre, Ndlr) n’aura pas de fin», a-t-il affirmé, menaçant.
Tebboune a ajouté que son pays avait refusé toute médiation entre l’Algérie et le Maroc car «elle ne distingue pas entre le tortionnaire et la victime, ni l’agresseur et l’agressé». Continuant sur sa lancée en matière d’inversion des culpabilités, Tebboune s’est enfoncé dans ses contradictions, en affirmant qu’«historiquement, l’Algérie n’a jamais porté atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc. C’est le Maroc qui nous a agressé en 1963, avec ses chars, ses hélicoptères et ses unités d’élite, alors que nous n’avions pas d’armée à l’époque».
Le peuple marocain saura apprécier que l’Algérie n’a jamais porté atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc, alors qu’elle mobilise son armée, de gigantesques moyens financiers et toute sa diplomatie à seule fin de séparer le Royaume de ses Provinces du Sud.
Le Maroc est même accusé de plus grave. «Chaque année ou deux, le Maroc se rend coupable», a dit Tebboune, d’un acte portant atteinte à la souveraineté de l’Algérie. «Des terroristes ont été hébergés dans des villas, à Agadir, dotés d’une garde rapprochée et de passeports diplomatiques marocains», selon lui.
Abordant le dossier du Sahara marocain, le président algérien a ressassé la même litanie imposée par les généraux, à savoir que ce dossier doit être «réglé par l’ONU, dont il relève de la commission de décolonisation». Il s’est dit satisfait que les Etats-Unis aient salué la nomination du nouvel envoyé spécial au Sahara, Staffan de Mistura, mais il s’est plaint qu’un autre pays, membre permanent du Conseil de sécurité, contrarie l’Algérie sur ce dossier. Prié de citer ce pays, il a répondu: «Il est connu».
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La France, puisque c’est d’elle dont il s’agit, sera également accusée, avec le Maroc, d’être derrière les incendies qui ont ravagé en août dernier les forêts de la Kabylie. Selon Tebboune, des «captures d’écran de téléphones montrent sans équivoque que les instructions des incendiaires des forêts sont venues de Paris et de Rabat».
Complotiste, paranoïaque, falsificateur de l’Histoire, indigne de la stature d’un chef d’Etat, tel est ce Tebboune qui s’est livré dans une interview, pourtant plusieurs fois retouchée, de près de 120 mn. Il apporte ainsi la preuve flagrante de la faillite de l’Etat algérien et d’un appareil qui navigue à vue.