À quelques jours des fêtes de fin d’année, l’émission «Complément d’enquête», diffusée sur la chaîne française France 2, a consacré son édition du 14 décembre aux fraudes et scandales qui agitent le milieu des vins et champagnes en France.
En première partie de l’émission, intitulée «Bordeaux, champagne: quand les escrocs s’attaquent à nos bouteilles!», Dominique Mesmin et Vincent Buchy, journalistes d’investigation, se sont intéressés à un cas en particulier qui fait couler beaucoup d’encre en France depuis le mois d’août, celui de Didier Chopin.
Quand la success-story vire au scandale
Ce vigneron établi dans la Marne aurait en effet écoulé plus d’un million de bouteilles de faux champagne dans les supermarchés français. Son succès tiendrait en une recette simplissime: faire passer du vin d’Espagne bas de gamme pour du champagne, en y ajoutant un peu de liqueur, du CO2 pour les bulles et une belle étiquette.
Le reportage se base, d’une part, sur des témoignages et des documents fournis par plusieurs employés, qui permettent de retracer la transformation industrielle de vins blancs espagnols gazéifiés en bouteilles de champagne, grâce à l’utilisation d’une usine initialement dédiée à la production de vins mousseux et aromatisés. D’autre part, le reportage s’appuie sur des analyses de laboratoire qui concluent à la non-conformité des vins, ceux-ci ne correspondant pas aux critères exigés pour recevoir l’appellation champagne.
Il n’en demeure pas moins qu’«en 2022, Didier Chopin aurait écoulé 1,5 million de bouteilles sous l’appellation champagne grâce à un site de production à Billy-sur-Aisne commercialisant des pétillants et apéritifs», explique le journal Le Parisien. En effet, les grandes surfaces qui commercialisaient ces bouteilles n’ont pas relevé de fraude, d’autant que les dégustateurs experts de Gilbert & Gaillard ont décerné l’or en 2022 à la production de Didier Chopin, y trouvant un «nez très engageant, mûr, fruité, touche pâtissière, pain frais. En bouche beaucoup de fraîcheur, des arômes intenses et une finale exotique très équilibrée». Un avis tressé de louanges aux antipodes des avis critiques laissés sur Google par de présumés clients mécontents.
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Dans les colonnes du journal La Voix du Nord, Ludivine Jeanmingin, responsable de site à la SAS Chopin de mai 2021 jusqu’à son licenciement pour faute grave en mai 2023, décrit le type de plaintes reçues de clients mécontents, durant la période des fêtes de fin d’année en 2022. Elle évoque ainsi une quinzaine de plaintes de clients, auxquelles elle répondait en expliquant qu’un «problème de vinification pouvait arriver», avant d’échanger le produit. Mais, poursuit-elle, «j’ai ouvert et goûté une des bouteilles que l’on m’avait ramenée. Il n’y avait pas de bulles, un voile visqueux apparaissait dans le verre. Ça n’avait pas le goût de champagne, mais de vin oxydé».
Un avis négatif est également remonté par un magasin de l’enseigne de grande distribution Leclerc, basée dans la Marne. Son patron explique ainsi au même média que «le problème nous est remonté à la foire aux vins, en septembre 2022. On a été obligé de retirer tous les produits. Les vins étaient troubles. On a fait les analyses qualité nécessaires, ils ne contiennent aucun produit dangereux pour l’être humain».
Une nouvelle vie au Maroc
Virtuose du champagne ou escroc? De son côté, l’intéressé réfute toutes ces accusations en bloc. Celui qui, sur son compte LinkedIn, fait prévaloir ses «30 ans d’expérience» et une passion pour le vin qui a abouti à la création de sa Maison en 1989, une entreprise familiale basée à Champlat-Boujacourt, dans la Vallée de la Marne, crie au complot.
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Désormais établi au Maroc, dans la région de Rabat, l’homme dont la société en France est placée en redressement judiciaire a ouvert une entreprise d’export de fruits et de légumes nommée «Les champs sans frontières», qui compterait parmi ses clients, selon Le Parisien, «Carrefour, mais aussi Leclerc».
Approché par les journalistes de «Complément d’enquête», Didier Chopin dénonce «un coup monté» orchestré par ses salariés et nie toute tentative de fraude de sa part. «C’est une affaire qui m’a fait beaucoup de mal», affirme-t-il.
Entre-temps, une instruction judiciaire pour fraude a été ouverte au tribunal judiciaire de Reims. Mais sur France 2, l’avocat de Didier Chopin, Me Francis Fossier, déclare quant à lui qu’«aujourd’hui, monsieur Chopin m’a dit les yeux dans les yeux que ce n’est pas vrai. Moi je n’en sais rien. Il n’y a pas une lettre dans ce dossier de la SAS Chopin de personnes venant l’accuser de faire du faux champagne».
Affaire à suivre…