Alerte: la population marocaine vieillit!

Soumaya Naâmane Guessous.

Soumaya Naâmane Guessous.

ChroniqueEt dire qu’hier encore, le Maroc menait des campagnes de sensibilisation pour la planification familiale, appellation discrète pour désigner la limitation des naissances!

Le 27/12/2024 à 11h03

Les années 60 ont connu un boom démographique, dû à une croissance rapide de la population, avec de grandes répercussions sur les dynamiques sociales, économiques et politiques. Entre les années 50 et 60, il y eut une forte baisse de la mortalité, grâce à l’hygiène publique et à l’amélioration des soins de santé, dont les vaccins et la lutte contre des épidémies.

La mortalité maternelle et infantile a chuté, mais les naissances ne baissaient pas, surtout en milieu urbain où l’exode rural était important et l’accès aux soins devenait accessible. D’où une croissance rapide de la population.

Entre les années 1960 à 2024, la population a plus que triplé, engendrant une forte pression sur les ressources, les infrastructures, l’éducation et l’emploi.

En milieu rural, la croissance rapide de la population a impacté les terres agricoles et les ressources naturelles. Les petites propriétés agricoles, fractionnées par l’héritage, deviennent insuffisantes pour les besoins des familles nombreuses.

Le Maroc a été précurseur dans les politiques de planification familiale. Dès les années 60, des programmes ont été lancés pour encourager la réduction des naissances, avec des campagnes de sensibilisation, y compris rurale. Et au cours des décennies suivantes, le taux de fécondité s’est réduit, passant ainsi de 7 enfants par femme à 1,97 en 2024.

Les raisons de cette baisse de la natalité sont liées à un changement de mentalité. La contraception moderne est adoptée, alors qu’elle était considérée comme un péché, ce qui n’est pas le cas en Islam (contrairement au judaïsme et au christianisme).

L’âge du mariage a augmenté: 31,9 ans chez les hommes et 24,6 ans chez les femmes. La scolarité, la formation et le travail des femmes retardent le mariage et la procréation. Les couples limitent leur nombre d’enfants pour un certain confort et pour leur garantir une éducation de qualité.

Avant, les enfants représentaient une assurance maladie et vieillesse pour les parents. Cet argument s’effrite dans le Maroc moderne et dans les nouveaux impératifs de consommation. Aujourd’hui, les enfants peinent à se prendre en charge eux-mêmes et à prendre en charge leur petite famille.

La nucléarisation des foyers a augmenté la charge familiale des épouses qui, sans aide au foyer, limitent leurs enfants au nombre de deux. Elles ont aussi compris que les grossesses sont nocives pour leur santé et leur jeunesse et qu’elles doivent cultiver leur bien-être.

Même les hommes fixent le nombre de leurs enfants à deux, rarement à trois. Le travail est contraignant et limite le temps à accorder à sa famille et à ses loisirs. Et les loisirs masculins deviennent une priorité pour l’équilibre mental et physique et pour lutter contre le stress.

«Au Maroc, la couverture maladie, en cours de généralisation, devra inclure des établissements spécialisés dans les soins gériatriques et des services de soin à domicile.»

Avant, seules les mères élevaient leurs enfants. Aujourd’hui, les pères sont plus proches de leurs enfants et ne peuvent en avoir beaucoup. Les couples veulent du confort pour leurs enfants, des loisirs, et pensent au budget avant de fixer leur nombre d’enfants.

Le Maroc, comme de nombreux pays, fait face à une transition démographique caractérisée par le vieillissement de sa population. Aujourd’hui, les plus de 60 ans représentent 13,8% de la population, près de 5 millions de personnes. Un chiffre en croissance.

Les femmes sont plus concernées que les hommes. À travers le monde, elles vivent plus longtemps. Au Maroc, l’espérance de vie est de 73 ans pour les hommes et 79 pour les femmes. Mariées à des hommes plus âgés qu’elles, elles se retrouvent veuves et terminent leur vie dans la solitude et dans la précarité si elles n’ont pas de pension de retraite ou des enfants pour les entretenir.

Le vieillissement entraîne la diminution du nombre de travailleurs et l’augmentation de celui des retraités face à une population jeune active dont les cotisations sont insuffisantes pour financer les retraites et les systèmes de protection sociale.

Il provoque également la diminution de la demande d’emploi. Le marché du travail se retrouve alors face à une carence au niveau du recrutement et l’impossibilité de pourvoir certains postes libérés par les retraités.

De nombreux pays sont concernés par ce vieillissement. Les trois premiers sont le Japon, l’Italie et le Portugal. Le continent européen est placé en premier, alors que l’Afrique est le continent à la population la plus jeune.

De nombreux pays adoptent des politiques d’encouragement à la procréation et l’accueil d’immigrants pour éviter le déséquilibre démographique. Ceci, parce que ce vieillissement entraîne de grandes pressions sur l’État. Les besoins en soins de santé augmentent chez les personnes âgées qui, normalement, doivent être prises en charge par l’État, surtout celles qui souffrent de maladies chroniques.

Au Maroc, la couverture maladie, en cours de généralisation, devra inclure des établissements spécialisés dans les soins gériatriques et des services de soin à domicile. Et une population âgée a des besoins spécifiques pour sa mobilité dans les espaces publics: bancs, rampes, trottoirs adaptés…

L’éclatement des familles élargies et l’urbanisation menacent la prise en charge des aînés par les jeunes et augmentent leur vulnérabilité et leur isolement. Ces regrettables transformations sociales vont obliger l’État à construire des structures d’hébergement pour personnes âgées.

Cela représente une forte pression sur l’État, certes, mais c’est une obligation que de garantir aux personnes âgées de la sérénité, des soins de santé corrects et des possibilités de loisirs et de tourisme adaptées à leurs budgets, souvent trop faibles pour vivre décemment cette dernière partie de leur vie, après avoir tant donné.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 27/12/2024 à 11h03