L’homme était le pilier de la sphère familiale, professionnelle et sociétale. Ses responsabilités le plaçaient sur un piédestal. Il était admiré, adulé et craint par les femmes qui, sans lui, étaient perdues. Mais aujourd’hui, les femmes se prennent en charge elles-mêmes et souvent également leur famille.
L’autorité masculine s’effrite. L’homme puisait cette autorité dans ses responsabilités. Guerrier, il protégeait les siens. Désormais, nul besoin de guerriers aux muscles saillants. L’armée s’en charge, composée d’hommes et de femmes. Géniteur, sa virilité était valorisée par une progéniture prolifique. Le nombre moyen d’enfants par femme est aujourd’hui inférieur à deux. La virilité était sublimée par la polygamie. Aujourd’hui, seul 0,4% des mariages sont polygames. La révision du Code de la famille va réduire davantage ce pourcentage.
L’espace public, jadis réservé aux hommes, est investi par les femmes. Elles endossent des rôles masculins. Les hommes, en se déchargeant sur elles, perdent de leur pouvoir. Elles occupent tous les métiers et dirigent des équipes d’hommes.
L’homme ne peut plus exhiber sa virilité en harcelant des femmes. «Comment ferais-je alors pour draguer? Bientôt, si tu regardes une femme, tu te retrouveras en prison!», proteste-t-il. Pire, il arrive que des femmes draguent des hommes.
L’homme choisissait son épouse. Plus maintenant. «Les femmes te parlent mariage, sans honte. Elles t’imposent des conditions, te refusent.» Cela est perçu par certains comme une atteinte à la dignité masculine.
L’époux est dépossédé d’un atout pour soumettre l’épouse rebelle: le droit exclusif de divorce. Il est menacé par l’épouse qui ne craint plus le statut de femme divorcée. Un vieil homme, scandalisé par la révision du Code de la famille: «Si ça continue, on va nous enlever nos c… pour les placer sur les femmes.»
Les épouses exigent la contribution des époux aux tâches ménagères. Quel affront!
L’homme prenait toutes les décisions, aujourd’hui, il doit consulter Madame: «Wily, mon fils consulte sa femme même pour me recevoir. Il a peur d’elle. Madloule (méprisable)! Son père donnait des ordres si fermement que les murs en tremblaient!»
L’époux est privé de liberté: «Jamais ma mère n’a demandé à mon père où il allait ou d’où il venait. Moi, je dois prendre la permission du ministère de l’Intérieur pour sortir et au retour, lui faire un compte rendu.»
Le plus dur est l’autonomie financière des femmes: «Une femme qui travaille ne se soumet plus au mari. Elle devient dasra (effrontée).»
On est loin de l’image d’Arrajèle, l’herculéen. Le look des hommes se raffine. Notre vieil homme: «Où sont les hommes? Tous des femmes. Comment ils s’habillent et se coiffent! L’homme doit être hrache (rugueux). Ils s’épilent la poitrine, les aisselles, les sourcils, s’arrangent les ongles. C’est la fin du monde.»
Une femme: «Les hommes ont peur des responsabilités. Le mariage et les femmes modernes les effrayent. Ils veulent des épouses qui travaillent, qui prennent tout en charge, en continuant à vivre comme des célibataires.»
«Les rôles respectifs des hommes et des femmes ne sont plus clairs. Les repères et les référentiels deviennent flous. Modernité et conservatisme se confondent, se scindent, se confrontent, se bousculent…»
Les hommes, eux, accusent les femmes d’hypocrisie: «Elles veulent l’autonomie, des hommes modernes, mais qui les entretiennent, leur payent les sorties, des cadeaux…»
L’argent est aussi une source de discorde. Une femme: «Les hommes ne cherchent plus d’épouses, mais des mandates (salaires)!» «À peine il te parle de mariage qu’il te demande quel est ton salaire! Un homme doit être digne.» Réponse d’un homme: «Le mariage est un projet à deux. Je dois connaître son salaire pour savoir sur quel budget on va vivre, programmer les dépenses, la contribution de chacun.»
Le coup de massue s’abat sur les hommes lors de la demande en mariage: «Mon beau-père m’a dit qu’il m’accordait un an pour devenir rajèle et pouvoir épouser sa fille. 200.000 DH pour être rajèle!»
Les parents des filles se lamentent: «Il n’y a plus d’hommes, que des chmaytes (incapables). Ils veulent se marier gratuitement, sans nefs (orgueil).»
Le logement était une affaire d’homme. Une femme: «Les hommes attendent de se marier pour contracter un crédit avec leur épouse pour l’achat d’un logement. L’homme doit être prêt pour le mariage, sans compter sur l’épouse.» Réponse de l’homme: «Je peux payer seul la maison, mais dans un quartier qui correspond à mes modestes moyens. Les femmes sont matérialistes, leurs besoins ont flambé. Elles nous méprisent parce que nous ne sommes pas riches. Elles veulent des princes!»
Un homme: «Avec le nouveau Code de la famille, les femmes vont nous épouser juste pour divorcer et nous voler la moitié de la maison.»
Les hommes veulent l’argent des femmes, mais sans qu’elles en parlent: «Une épouse qui me dit qu’elle dépense son argent pour moi blesse ma masculinité.»
L’augmentation du niveau de vie dans une société de consommation et l’émancipation des femmes déprécient l’homme. La parole de l’homme sans argent est fade, dit l’adage. Les hommes se sentent menacés.
Les hommes sont modernes quand ça les arrange. Il en est de même pour les femmes. Hypocrisie? Non, il s’agit d’une situation normale dans une société en pleine mutation. Les rôles respectifs des hommes et des femmes ne sont plus clairs. Les repères et les référentiels deviennent flous. Modernité et conservatisme se confondent, se scindent, se confrontent, se bousculent… L’ancien modèle de l’homme idéal change au profit d’un nouveau modèle, mais qui n’est pas toujours adapté à des femmes tantôt modernes, tantôt traditionnelles. Il en est de même pour l’ancien modèle de l’épouse idéale selon les hommes.
Le temps finira par harmoniser les relations hommes-femmes, lorsque ces transformations seront bien digérées par les plus jeunes, qui n’ont pas vécu tous ces paradoxes.
Sans rancune, les hommes. Promis, je publierai bientôt une chronique intitulée: «Où sont les femmes? Il n’y en a plus.»
Bienvenue dans l’espace commentaire
Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.
Lire notre charte