J’aurais aimé, pour ce début des vacances, être léger et plaisant. Malheureusement, le drame ne prend pas de congé. C’est en lisant une information sur ce site que j’ai été bouleversé. Chaque jour, entre 600 et 800 femmes avortent clandestinement dans notre pays et ce dans des conditions que vous imaginez, et des conséquences désastreuses.
Tous les jours des bébés non désirés, suite à un viol ou à un accident, une erreur de jeunesse, un inceste, sont abandonnés dans des poubelles ou dans un coin de rue. Parmi ces êtres sans défense dont certains survivent malgré tout, il est à parier qu’il existe parmi eux un éventuel artiste, un savant, un grand humaniste, un musicien, un virtuose, un être exceptionnel. Le génie ne dépend pas des couches où on voit le jour. Que ce soit dans des draps en soie ou dans des chiffons de hasard, dans une grande maison ou dans une poubelle, son destin, si toutefois il survit, est possible d’être celui d’une personne dont l’humanité se souviendra. Ne serait-ce que pour cette hypothèse si mince, si faible soit-elle, qu’il est urgent de faire en sorte que ces drames du malheur quotidien n’existent plus.
L’avortement, évidemment. Une façon de résoudre le problème en amont.
Un conseil de gouvernement en juin 2016 avait adopté un projet de loi autorisant l’avortement dans des cas spéciaux. Cela fait trois ans que ce projet est entre les mains des députés. Comme le signale le Dr Chafik Chraïbi, président de l’Association de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC), «ce retard tue chaque jour des vies». Mais malgré le sit-in organisé devant le parlement, rien ne semble être fait pour que cette loi, certes limitée, soit promulguée.
Là, ceux qui prennent la religion comme alibi, préfèrent avoir des enfants des rues, probables délinquants, ou futurs criminels, plutôt que d’interrompre une grossesse malheureuse. Ou alors il faut mettre sur pied une prise en charge sérieuse et efficace de ces êtres abandonnés. Les orphelinats font ce qu’ils peuvent, mais c’est loin d’être suffisant. Il est du devoir de l’Etat de s’en occuper et de ne laisser aucun enfant jeté dans la rue. Au nom de l’islam, au nom de ses valeurs humanistes, une société qui se respecte ne laisse pas des bébés dans le néant, voués à devenir des «déchets» que l’humanité condamne avant même d’arriver au monde.
Certes, il y a le travail immense fait par certaines associations de la société civile. Mais elles butent sur la méchanceté, sur le cynisme et l’indifférence de députés qui préfèrent condamner la malheureuse femme qui a été abusée plutôt que de doter la société de lois qui permettent de réparer le malheur ou de le prévenir.
D’après L’AMLAC, entre 600 et 800 femmes avortent par jour clandestinement dans des conditions dangereuses. Certaines y perdent la vie.
La Tunisie, décidément le seul pays arabe à être en avance dans les domaines concernant la femme, a officialisé la pratique de l’avortement depuis longtemps. Le Maroc traîne des pieds parce qu’il est encombré de lourdeurs, de préjugés, et surtout d’hypocrisie sociale.
Je me demande à quoi sert un parlement quand on constate le nombre d’enfants abandonnés, enfants des rues, enfants du malheur.
Des enfants des rues de Casablanca ou de Tanger ont réussi à entrer en Europe. Certains traînent dans des quartiers de Paris, d’autres se sont retrouvés à Turin où des bandes de petits mafieux marocains les utilisent pour mendier ou voler. On ne sait pas comment ils se sont débrouillés pour passer entre les mailles du filet et des frontières. Mais comme a dit un observateur : «quand on n’a plus rien à perdre, tout est possible».
Une société qui ne se préoccupe pas de ces cas d’enfants dont la rue est leur destin, fabrique d’une façon ou d’une autre un avenir plein d’inquiétude, voué à la criminalité, à la délinquance, à l’extrémisme et à toutes les violences.